Des règles communes

L’initiative européenne a pour objectif de «lutter contre l’évasion fiscale, garantir des recettes durables et améliorer l’environnement des entreprises dans le marché unique.» Elle a été annoncée le 17 juin, six mois seulement après que la Grande-Bretagne ait adopté sa taxe sur les bénéfices détournés, communément appelée «Google Tax».

Selon la Commission européenne, une assiette fiscale commune freinerait l’évasion fiscale des entreprises en «supprimant les disparités actuelles entre les systèmes nationaux et en établissant des dispositions communes de lutte contre l’évasion fiscale».

«Les règles actuelles ne sont plus adaptées face à un environnement économique désormais mondialisé, numérique et mobile», peut-on lire dans une fiche d’information publiée sur le site de l’UE.

Les systèmes fiscaux applicables ont été conçus dans les années 1930 «à une époque où les échanges commerciaux entre les pays étaient plus restreints», souligne-t-on.

La Commission européenne estime que le système fiscal actuel facilite l’évasion fiscale. Résultat : les pays membres de l’UE se livrent «une concurrence intense pour attirer sur leur territoire les bénéfices des entreprises ou les y conserver. Ce faisant, chacun d’eux réduit bien souvent la capacité des autres à collecter des recettes légitimes ou à privilégier une fiscalité favorable à la croissance».

Cela engendrerait, en partie du moins, «un important manque à gagner pour les États membres».

Divers efforts au Canada

Plus discret, le Canada n’en reste pas moins actif. Au printemps 2014, après la signature d’une entente avec les États-Unis, le pays commençait à appliquer le Foreign Account Tax Compliance Act (FACTA), une loi américaine sur l’acquittement des obligations fiscales relatives aux comptes à l’étranger.

Le Canada a également déployé, en début d’année, un filet fiscal destiné aux particuliers. Depuis le 1er janvier 2015, tous les télévirements internationaux de contribuables canadiens de 10 000 $ ou plus doivent être signalés à l’Agence du revenu du Canada.

Le Canada coordonne ses efforts avec ceux de l’OCDE, dont le Comité des affaires composé de 44 pays, dans ce que l’Organisation appelle la lutte à «l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices» (BEPS selon l’acronyme anglais).

«Lutter contre le BEPS constitue un impératif pour tous les pays et il convient d’agir rapidement, notamment pour empêcher que le consensus sur le système fiscal international existant ne périclite, ce qui aggraverait l’incertitude pour les entreprises, à l’heure où les investissements internationaux sont plus nécessaires que jamais», écrit l’OCDE dans le document publié en 2014 où elle expose son plan d’action (http://tinyurl.com/neleqs3).

Depuis 2013, l’OCDE travaille à des «réponses coordonnées». La solution consiste selon elle à réaligner l’impôt sur les activités économiques et la création de valeur, ce qui passe par «un ensemble unique de règles fiscales internationales fondées sur le consensus».

En juin dernier, le gouvernement canadien a ainsi apposé sa signature à l’Accord multilatéral entre autorités compétentes (AMAC), initiative que chapeaute l’OCDE et qui permettra d’échanger des renseignements sur la fiscalité entre États dès 2018.

«En s’assurant qu’une majorité accrue de personnes respecte les règles, notre gouvernement renforce l’assiette fiscale du Canada tout en réduisant le fardeau fiscal des Canadiens», a affirmé Kerry-Lynne D. Findlay, ministre canadienne du Revenu national, lors de la signature de l’AMAC.

Notons que le gouvernement du Québec a annoncé, en juin également, la création d’une commission qui étudiera le phénomène des paradis fiscaux dès l’automne.

Contre-attaque

Le passage de la théorie à la pratique n’en reste pas moins difficile. Le cas des États-Unis est patent.

En 2001, le Congrès adoptait une loi faisant en sorte que les entreprises qui pratiquent «l’inversion fiscale» n’étaient plus admissibles aux contrats gouvernementaux. Depuis, cette loi a été invalidée.

Qui plus est, les multinationales visées par les mesures des différents pays occidentaux contre-attaquent. Plus tôt cette année, un lobby regroupant certaines des plus importantes entreprises américaines de technologies – Google, Amazon, Microsoft, Intel, Yahoo, Uber, Netflix, eBay, IBM, Twitter et Facebook – soutenait que la «Google Tax» britannique était mal conçue et qu’il fallait la rejeter.

Qui plus est, le débat déborde rapidement dans la sphère politique. Lors de l’annonce d’une éventuelle «Google Tax» par le Royaume-Uni, l’ambassadeur des États-Unis à Londres, Matthew Barzun, déclarait lors d’une entrevue au Financial Times que ces entreprises ne devaient pas être démonisées. «Ces sociétés utilisent de façon brillante les règles que nous, les gouvernements britannique et américain, mettons en place. Et j’espère qu’elles continueront de respecter les règles si celles-ci sont changées.»