Un changement majeur a transformé le programme. L’émission de ses propres CPG par Home Equity depuis trois ans a contribué à abaisser de trois points de pourcentage les taux exigés sur ses hypothèques, ce qui permet aujourd’hui d’offrir un taux d’environ 5 % sur une hypothèque de cinq ans.

Rester chez soi a un prix

Rappelons brièvement la mécanique d’une hypothèque CHIP. L’emprunteur contracte une hypothèque inversée, qui peut représenter jusqu’à 50 % de la valeur de sa résidence.

Tant qu’il demeure dans celle-ci, il n’est tenu de rembourser ni capital ni intérêt. C’est seulement au moment où il quitte sa résidence, ou décède, que son prêt doit être remboursé en totalité à partir du produit de la vente.

Le contrat d’emprunt garantit qu’à aucun moment, le prêt à rembourser sera plus élevé que la juste valeur marchande de la maison. «S’il est plus élevé, Home Equity absorbe la perte», affirme Éric Bisaillon.

Les gens recourent à une hypothèque inversée parce qu’ils sont «pauvres en valeurs mobilières et riches en valeur immobilière», avance-t-il. Et il ajoute : «Au Canada, 77 % de l’actif des gens est englouti dans leur maison. Bon nombre se disent : « J’ai payé ma maison toute ma vie ; il est temps que ma maison me paye ».»

Évidemment, «la personne qui doit utiliser sa maison pour s’assurer un revenu de retraite ne roule pas sur l’or», fait observer Larry Bathurst, planificateur financier, associé de Planex Solutions financières, à Saint-Jérôme.

Le désavantage le plus apparent de l’hypothèque inversée tient à l’accumulation de capital et d’intérêt qui se composent au fil du temps, une accumulation souvent substantielle. Après 10 ans, un emprunt CHIP de 100 000 $ à un taux de 4,99 % aura grimpé à 163 420 $, selon un calcul soumis par Jonathan Haziza, chef de produit, solutions de financement, à la Banque Nationale, qui offre le programme CHIP.

Le principal reproche qu’adresse Larry Bathurst est l’ignorance dans laquelle un programme CHIP tient l’emprunteur. «[Celui-ci] vit à crédit et ne sait pas comment le capital et les intérêts se composent au fil du temps, dit-il. Un couple que j’ai connu ne s’était pas rendu compte que son prêt avait évolué bien au-dessus de la limite de 100 000 $ que les deux avaient prévue.»

De plus, l’éventualité d’une baisse de prix des maisons – menace très réelle en cette période – rend bien incertaine toute projection sur la valeur résiduelle de notre résidence au moment de rembourser l’hypothèque inversée.

On peut prévoir récolter 200 000 $ sur une valeur initiale de 400 000 $ au moment de contracter une hypothèque inversée, «mais que fait-on si notre maison perd 20 % de sa valeur ?» demande Larry Bathurst.

Investir l’emprunt

Par contre, certains peuvent se tirer très bien d’affaire. Il y a une dizaine d’années, Fabien Major, conseiller en sécurité financière et propriétaire de Major Gestion privée, à Montréal, a proposé une hypothèque inversée à une cliente, qui a investi la totalité du prêt dans divers types d’actifs.

«Elle a gagné sur tous les plans, relate Fabien Major. Au moment de rembourser le prêt, la valeur de sa maison avait augmenté, ses placements avaient monté et, à eux seuls, ont été suffisants pour couvrir le remboursement.»

Placer de la sorte la somme de l’emprunt s’avère une approche souvent pratiquée, note le conseiller, d’autant plus intéressante que les frais d’intérêt sur le prêt sont alors déductibles d’impôt.

Toutefois, c’est une approche que Larry Bathurst déconseille, surtout à un retraité que ses moyens restreints obligent à recourir à une hypothèque inversée. Dans la situation actuelle, Fabien Major abonde dans le même sens : «Je serais très prudent en ce moment, estime-t-il. J’attendrais de voir comment le marché immobilier va se comporter au cours des 12 à 18 prochains mois.» De plus, les investissements susceptibles de donner un rendement supérieur à 5 % comportent une part de risque peu propice à un retraité aux moyens modestes.

Il vaut mieux une marge hypothécaire, jugent Jonathan Aziza et Larry Bathurst, à cause de ses nombreux avantages : la marge peut représenter jusqu’à 65 % de la valeur de la maison, le taux est inférieur d’environ un point de pourcentage à celui d’une hypothèque inversée, les frais initiaux sont moindres, l’emprunteur sait qu’il traîne une dette puisqu’il doit en acquitter mensuellement au moins les intérêts, et il peut puiser dans la marge seulement au besoin, ne payant capital et intérêts que sur la partie utilisée.

Cependant, la marge hypothécaire présente aussi quelques carences, rappelle Éric Bisaillon. «L’emprunteur doit se qualifier pour une marge, pas pour une hypothèque inversée. Une marge peut être rappelée, pas une hypothèque inversée.» Et quant au taux d’intérêt supérieur de 1 %, que voulez-vous, «il y a une petite prime au fait de vouloir rester chez soi».

En bref, l’hypothèque inversée, comme le fait ressortir Jonathan Aziza, «est une solution de dernier recours». Elle vise essentiellement le retraité qui a épuisé toutes ses épargnes, dont le seul actif est sa résidence, et à qui ses revenus ne permettent pas de payer les mensualités exigées par une marge.

30 M$

Somme totale des hypothèques inversées consenties en 2011 au Québec. C’est 15 fois plus qu’en 2007.