Au cours des trois premiers trimestres de 2012, ce sont 183 G$ US qui ont gonflé les coffres des gestionnaires de fonds de couverture.
Une telle performance étonne quand on sait qu’après la dernière crise, sous la pression des organismes de réglementation, les grandes banques, américaines surtout, se sont départies de leurs divisions de fonds de couverture.
Cependant, cela ne veut pas dire qu’elles ont pour autant renoncé à investir dans des fonds de couverture. Par ailleurs, cette croissance des fonds sous gestion s’explique aussi par la place de plus en plus grande qu’occupent les stratégies alternatives dans les portefeuilles institutionnels.
«C’est une tendance assez généralisée chez les investisseurs institutionnels», fait ressortir Élyse Léger, vice-présidente chez Fiera Capital et coprésidente du Comité du Québec d’AIMA Canada (Alternative Investment Management Association).
Ainsi, au niveau le plus élémentaire, on voit de plus en plus de gestionnaires adopter des stratégies qui combinent achats et ventes à découvert de titres. Mais ce n’est qu’un aspect de pratiques qui, de façon plus large, visent «la décorrélation des rendements avec les marchés plus traditionnels. Ça réduit la volatilité sans réduire le rendement espéré d’une stratégie».
Un Québec friand
Le Québec, comme le reste du Canada d’ailleurs, veut sa juste part de cette vague des fonds de couverture.
Actuellement, les fonds de couverture au Canada engrangent une bien modeste partie des actifs totaux de l’industrie mondiale, soit 30 G$, selon James Burron, chef de la direction d’AIMA Canada, à Toronto.
Ainsi, on compte environ 80 gestionnaires à Toronto, 25 à Montréal et 25 autres répartis entre Calgary et Vancouver. Dans ce groupe très sélect se trouve le champion canadien, Front Street, à Toronto, avec 2,8 G$ sous gestion, suivi par HR Stratégies, à Montréal, avec quelque 1,8 G$ dans un fonds de fonds de couverture. D’autres noms se détachent au Québec, comme Landry Morin, Sigma Alpha, Cristallin, RDA et Fiera Capital.
La conception de fonds de couverture à Montréal occupe une place de choix dans les priorités de Finance Montréal, organisme créé il y a deux ans pour appuyer le développement de la grappe financière de Montréal. En fait, il recoupe deux des priorités de l’organisme : les produits financiers dérivés et l’entrepreneuriat financier.
À ce jour, deux gestes concrets ont été posés. Le premier implique la mise en place du fonds SARA (Stratégique à rendement absolu) doté d’une enveloppe de départ de 225 M$, et dont 200 M$ ont été investis à ce jour. Ces sommes ont été recueillies auprès de grandes institutions financières de la métropole.
Coup de pouce crucial
Le modèle d’affaires d’un tel fonds diffère de celui, mieux connu, d’un fonds de capital de risque. Ce dernier investit du capital dans le développement d’une technologie ou d’un marché auprès d’une jeune entreprise. Dans le cas de SARA, il s’agit de confier à un gestionnaire en démarrage une somme à gérer à l’intérieur d’un mandat de fonds de couverture.
On sait que le plus grand obstacle à surmonter pour un gestionnaire qui débute est de trouver un premier mandat auprès d’une grande institution. Ce premier capital qui lui est confié lui donne plus de crédibilité dans ses démarches pour récolter d’autres mandats.
Par exemple, c’est grâce à un premier mandat confié par le Maryland State Retirement and Pension System (MSRPS) que la firme Hexavest a connu un décollage significatif en 2008, après avoir fait plus de 300 présentations à des caisses de retraite et à des firmes de gestion de capital aux États-Unis.
Le mandat du MSRPS était minuscule (seulement 15 M$), mais il a suffi pour ouvrir les vannes et entraîner un afflux de mandats pour la firme montréalaise. Ce mandat du MSRPS procédait d’une politique de ce fonds de pension qui veillait à confier un léger pourcentage (2 ou 3 %) de son portefeuille à de jeunes firmes de gestion en émergence.
Dans un article paru à la mi-février 2012 dans Finance et Investissement, Vital Proulx déplorait l’absence de tels programmes au Québec et au Canada. Selon lui, il faudrait que des programmes identiques à ceux qui existent aux États-Unis soient mis en place ici.
Une partie des actifs de ces fonds, un pourcentage variant entre 1 et 5 %, serait mis de côté et confié à des firmes en démarrage.
Toutefois, le fonds SARA est une heureuse alternative. «On a investi les premières sommes auprès de gestionnaires établis (par exemple Fiera Capital), indique Éric Lemieux, directeur général de Finance Montréal et du Centre financier international de Montréal. À présent, on s’oriente vers des gestionnaires plus nouveaux.» À ce jour, des mandats ont été confiés à une dizaine de gestionnaires, et «on a pour objectif de hausser le capital de ce fonds à 400 M$», annonce-t-il.
L’autre geste concret a été de rencontrer 17 nouveaux gestionnaires au cours de l’été et de l’automne derniers pour connaître leurs besoins spécifiques de démarrage et de croissance.
«On leur a demandé les enjeux de leur secteur et comment composer autour d’eux un « écosystème » d’affaires plus favorable, rapporte Éric Lemieux. Des pistes d’amélioration ont ensuite été présentées à notre conseil d’administration, et on échange présentement avec l’AMF afin de voir si certains éléments peuvent être modifiés» pour faciliter le travail des jeunes gestionnaires.
30 G$
Estimation de la somme détenue par les fonds de couverture au Canada. Source : AIMA Canada