Plusieurs de ces plateformes pourraient être mises au point – ont déjà été mises au point ! – à Montréal. Mais c’est un domaine où chaque acteur s’affaire dans son coin, sans cohérence d’ensemble. N’y aurait-il pas moyen de créer dans ce domaine ce qu’il est convenu d’appeler une grappe industrielle ?

C’est un thème qui est ressorti des premiers travaux menés par Finance Montréal, dès sa naissance, en novembre 2010.

«Notre première opération a été de poser la question : quelles sont nos forces à Montréal et sur quoi devons-nous capitaliser ?» rappelle Éric Lemieux, directeur général de Finance Montréal. Une étude commandée à la firme McKinsey a repéré 20 domaines d’intérêt ; Finance Montréal en a retenu six, dont le secteur technologique.

«Montréal compte quatre universités, fait-il valoir, de grandes compétences en technologies, toute une industrie liée au jeu vidéo et une firme de dimension internationale : CGI. Cet écosystème est un pool de talents. Par ailleurs, on a une industrie financière active dans tous les domaines : banques, intermédiation, gestion de portefeuilles, assurances, etc. Tout cela constitue un très beau laboratoire pour développer des logiciels et les exporter dans le monde.»

Au centre de cet écosystème trône un géant québécois comme CGI qui, très tôt dans son développement, à la fin des années 1970, a misé sur le secteur financier.

Si bien qu’aujourd’hui, «presque 17 000 de nos professionnels oeuvrent dans le secteur financier» dans le monde entier, note Claude Séguin. Seulement à Montréal, plus de 1 000 professionnels s’affairent dans diverses institutions financières.

Plutôt que de présence, on pourrait parler d’omniprésence : «CGI a autant, sinon plus, de ressources consacrées aux institutions financières à Montréal que l’ensemble des institutions en ont elles-mêmes», souligne-t-il.

Ce travail de CGI met en jeu une trentaine de plateformes dans une foule de secteurs : souscription d’assurances auto, évaluation de crédit d’un emprunteur potentiel, systèmes transactionnels pour gestionnaires de fonds, administration d’arrière-boutique pour un fonds commun, etc.

Dans la très grande majorité, il s’agit d’applications sur mesure qui ne peuvent être transportées ailleurs. «On ne peut pas prendre un système développé pour Desjardins et l’implanter dans une banque du Texas», illustre Claude Séguin.

Toutefois, l’expertise et le savoir acquis sont éminemment transportables. Grâce à l’expérience qu’elle a acquise au départ dans les institutions du Québec, CGI a pu au fil des ans obtenir des mandats au Canada, puis aux États-Unis, et enfin partout dans le monde.

Avantage salarial

Aux deux avantages d’une forte présence informatique et financière, Montréal en ajoute un troisième : ses salaires modestes qui la classent au premier rang des grandes villes nord-américaines de plus de deux millions d’habitants, selon l’étude que McKinsey a réalisée pour Finance Montréal.

«Nous avons des clients new-yorkais dont les travaux de développement sont faits à Montréal, raconte Claude Séguin. Mais ce n’est pas seulement une question de salaires : nous avons aussi mis au point des méthodologies qui permettent de faire les choses à meilleur coût sans réduire les salaires. Nous offrons une meilleure performance à des coûts qui défient la concurrence, asiatique en particulier.»

Autour de CGI s’affairent une trentaine d’entreprises liées au secteur financier et que Finance Montréal a pu identifier à ce jour.

Parmi elles : ACCEO Solutions (1 000 employés) a mis au point un système de traitement de transactions en point de vente ; Sourcevolution (200 employés), qui oeuvre dans le secteur de pointe des applications mobiles, a récemment signé avec une banque canadienne une entente, encore confidentielle, pour sa plateforme de communications multi-canaux Freedomone.

Digital Shape Technologies (80 employés) met au point des logiciels dans le secteur des produits financiers dérivés. FinlogiK (15 employés) met au point des applications d’intégration de la trésorerie et de gestion de transactions.

Certains de ces développements pourraient avoir une portée considérable, comme le montre une des plus récentes aventures d’ACCEO, qui s’appuie sur un réseau de plus de 55 000 PME au Québec auxquelles elle fournit des applications comptables (notamment les logiciels bien connus Acomba).

En 2011, l’entreprise a acquis Tender Retail dont le logiciel en fait le plus important fournisseur de solutions de paiement intégré au Canada.

C’est sans compter qu’ACCEO fait déjà affaire avec quelques-uns des plus importants acquéreurs de paiement aux États-Unis, notamment Global Payments, Chase Paymentech et First Data, en plus de pouvoir compter sur un réseau étendu de revendeurs à valeur ajoutée intéressés de vendre la solution ACCEO à des dizaines de milliers de PME outre-frontière. Petite invasion en vue !