«Dans notre domaine, le marché de l’assurance responsabilité est de plus en plus restreint, et nous considérons que le risque pour un conseiller de perdre son droit de pratique [en raison d’une] décision arbitraire d’un ou deux assureurs est de plus en plus important», peut-on lire dans le mémoire de l’association.

La solution proposée par l’APCSF ? Un ordre professionnel qui pourrait créer son propre régime d’auto-assurance, avec une prime unique pour tous les adhérents.

Le président et porte-parole de l’APCSF, Flavio Vani, veut s’inspirer de l’assurance mise en place par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). «Avec l’OACIQ, les courtiers n’ont pas une évaluation tous les ans, et les primes sont moins élevées», plaide-t-il en entrevue.

Flavio Vani déplore la «collecte continue d’information sur les représentants» menée par les assureurs qui chaque année réévaluent la prime de chaque représentant. Il juge le procédé trop lourd, estimant que le processus de renouvellement peut prendre jusqu’à deux semaines.

«C’est incroyable qu’on ne réussisse pas à mettre en place une assurance collective», s’étonne Flavio Vani. Il juge que la difficulté découle essentiellement des représentants «captifs» de cabinets qui prennent des ententes avec certaines compagnies d’assurance.

Modèle inadapté

Du côté du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF), on ne voit pas les choses de la même manière. «Le concept d’assurance responsabilité à prime unique est inadapté à l’industrie des services financiers», croit Mario Grégoire, président du CDPSF.

Même s’il conçoit bien que certains professionnels choisissent un modèle à prime unique, Mario Grégoire note que cette avenue n’est intéressante que «lorsque les risques en cause sont de nature homogène.» Ce n’est pas le cas dans l’industrie des services financiers, selon lui.

Tout d’abord, il note que cinq disciplines sont couvertes par l’industrie. Il rappelle aussi qu’un conseiller peut traiter «un volume d’affaires significativement plus imposant qu’un autre dans le cadre de sa pratique.»

Selon Mario Grégoire, un système à prime unique serait donc «inéquitable», puisque des conseillers qui courent de moindres risques «financeraient» les conseillers qui présentent des risques plus importants.

Maxime Gauthier, avocat, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici Services Financiers, est en désaccord avec la proposition de l’APCSF.

Selon lui, ce n’est que dans des «cas extrêmes» qu’un assureur pourrait refuser une couverture à un représentant.

«Je n’ai vu ça qu’une fois, note-t-il. Dans la majorité des cas, il y a imposition d’une surprime, ce qui s’explique très bien. L’individu est à risque, sa pratique professionnelle est à risque, il a des antécédents… donc l’assureur cherche à fixer une prime qui est en adéquation avec le risque qu’il court.»

Maxime Gauthier, qui est d’avis que c’est là une «pratique commerciale normale», affirme par ailleurs qu’il a «beaucoup de difficulté à comprendre» comment des représentants peuvent en arriver à se voir refuser une assurance.

«Si quelqu’un n’arrive plus à s’assurer, c’est parce qu’il a une tache impressionnante dans son dossier ou parce qu’il l’a mal monté», croit-il.

Maxime Gauthier ne pense pas non plus que le renouvellement soit un processus lourd. «Ça prend 10 ou 20 minutes», juge-t-il. De plus, il trouve normal qu’une réévaluation soit faite périodiquement.

«La pratique professionnelle peut changer, l’actif sous gestion aussi, le nombre de clients, etc., ça peut aller très vite en une année», explique-t-il.

Peu de cas à problèmes

À l’instar de Mario Grégoire du CDPSF, il croit qu’un tel processus permet d’éviter que «d’autres représentants qui sont complètement irréprochables ne paient plus cher qu’ils ne le devraient.»

Il cite l’exemple de la prime qu’il paie au Barreau du Québec pour s’assurer contre des poursuites potentielles. «Tous les avocats paient exactement la même prime. Mon niveau de risque est très, très faible. D’un autre côté, on a des avocats qui jouent aux cow-boys, qui sont responsables de contrats qui représentent des millions de dollars, et ils paient la même prime que moi ! J’ai un problème avec ça.»

Maxime Gauthier et Mario Grégoire soulignent tous deux que le programme Alteo, un régime hybride d’auto-assurance exclusif aux membres du CDPSF, offre une solution de rechange intéressante à la mutualisation complète des risques.

Le programme en question n’offre pas de prime unique, mais selon Maxime Gauthier, il rassemble les éléments les plus avantageux d’une mutualisation sans en présenter les inconvénients. «Le CDPSF a réussi à développer un programme adéquat. Honnêtement, tous ceux qui ont souscrit une police avec eux ont épargné énormément d’argent. Ça prouve que le marché est vivant et concurrentiel, et que le représentant est capable d’en tirer parti.»

L’Autorité des marchés financiers (AMF) affirme dans un courriel que «les statistiques dont dispose l’AMF nous portent à croire que les représentants et les inscrits sont en mesure de se procurer les produits d’assurance responsabilité nécessaire à l’exercice de leurs activités.»

Selon l’AMF, à l’heure actuelle, 12 300 polices sont émises par 43 assureurs autorisés. En 2015, l’AMF est intervenue dans 47 «cas problématiques», par rapport à 99 cas en 2014. «À la lumière de ces données, il est peu probable que la situation soulevée dans le mémoire de l’APCSF soit problématique», indique l’AMF.