L’auteur du rapport, Edwin Weinstein, ajoute que les recommandations de placement effectuées par les conseillers sont biaisées du fait que ceux-ci sont rémunérés par des commissions de suivi.
Après consultation de nombreuses études empiriques, le rapport conclut que les fonds qui versent une commission de suivi aux conseillers obtiennent un rendement inférieur, même abstraction faite des frais de gestion.
«Les rendements de ces fonds sont inférieurs et cela, peu importe si l’on regarde le rendement brut, le rendement ajusté au niveau de risque ou le rendement net de frais», écrit Edwin Weinstein. En fait, les fonds offrant des commissions de suivi élevées sont souvent ceux qui exigent des frais de gestion également plus élevés.
«Étonnamment, une étude américaine montre que les gestionnaires augmentent parfois les frais de suivi lorsque leurs rendements diminuent, alors qu’une autre étude montre que les fonds les plus performants ont souvent des frais de suivi moins élevés. On peut donc croire que les fonds les plus performants n’ont pas besoin d’offrir une meilleure rémunération», explique Edwin Weinstein.
Toutefois, ce qui étonne davantage est la conclusion selon laquelle les conseillers ont tendance à choisir les fonds qui offrent des frais de suivi élevés, même si leurs rendements sur un an ou trois ans sont inférieurs.
Réactions opposées
La Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) se réjouit des conclusions du rapport Brondesbury. «Les conclusions de l’étude correspondent à ce que nous avançons depuis quelque temps déjà», indique le chef de la direction de FAIR, Neil Gross.
Ce dernier est heureux que l’on mette l’accent sur les conflits d’intérêts provoqués par la rémunération des représentants, plutôt que sur la divulgation de celle-ci.
«Le problème réside dans la façon dont sont rémunérés les représentants et ce n’est pas l’obligation de divulguer cette rémunération qui changera les choses. Au contraire, une fois sa rémunération dévoilée, le conseiller considérera qu’il a les coudées franches pour recommander les fonds qui sont plus avantageux pour lui», affirme Neil Gross.
De son côté, Mario Grégoire, président du CA et directeur général du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF), déplore que l’on montre du doigt les conseillers. «C’est un système qui a été mis en place depuis longtemps et les conseillers doivent s’y adapter. Ils ne sont pas responsables de cette situation. Ce sont les institutions financières qui l’ont conçu», affirme-t-il.
Le rapport Brondesbury mentionne d’ailleurs que dans les pays qui ont banni les frais de suivi, il est plus difficile pour les épargnants moins fortunés d’obtenir des conseils financiers. En effet, la rémunération basée sur les honoraires fait en sorte que les conseillers délaissent ces épargnants, car ils ne génèrent plus assez de revenus.
«C’est pourquoi je crois qu’il faut maintenir une gamme étendue de modes de rémunération et ne pas bannir nécessairement les frais de suivi», soutient Mario Grégoire.
Neil Gross, de FAIR Canada, n’est pas d’accord : «Si on se fie à l’expérience britannique qui a banni les frais de suivi, il n’y a pas de déséquilibre majeur entre l’offre et la demande de services financiers. De plus, les frais ont diminué», rétorque-t-il. En plus du Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Australie ont également banni les frais de suivi.
Au Conseil des fonds d’investissement du Québec, on se fait prudent. «C’est un rapport volumineux et nous allons prendre le temps de l’examiner soigneusement», explique le porte-parole Kia Rassekh.
Aucun modèle idéal
La question qui se pose alors est : par quoi pourrions-nous remplacer les frais de suivi ? «La rémunération reposant sur les commissions à honoraires est probablement une meilleure option», peut-on lire dans le rapport.
Cependant, le rapport affirme également «qu’aucun mode de rémunération n’est neutre quant à son impact sur les recommandations faites par les conseillers et il n’y a pas de preuve qui nous permette de déclarer avec certitude que les honoraires pourraient aboutir à de meilleurs résultats pour les investisseurs».
Les ACVM sont elles aussi prudentes et avant de prendre des décisions, elles attendent notamment une autre étude réalisée par Douglas J. Cumming, professeur à la Schulich School of Business de l’Université York. Ce dernier doit examiner si les frais de courtage et les commissions de suivi ont une influence sur la vente de titres de fonds de placement. Son rapport est attendu cet été.