Le rendement sera évidemment moindre en cas de hausse marquée des taux d’intérêt.
Cependant, même dans ce cas, leur rendement total serait supérieur à celui des obligations gouvernementales ou des sociétés de première qualité, selon les gestionnaires interrogés par Finance et Investissement.
Premier de classe
Après une chute de 5,75 % entre le 8 mai et le 24 juin dernier, les ORE ont rattrapé le terrain perdu. De sorte qu’elles dégageaient un rendement total de 6,1 % depuis le début de l’année, par rapport à – 4 % pour les obligations du Trésor américain (OTA) de 10 ans.
De plus, elles ont affiché le meilleur rendement parmi les titres à revenu fixe au cours des quatre années terminées le 30 septembre dernier, avec un rendement annuel composé de 10,2 %.
Cette performance est liée en partie à la baisse des taux d’intérêt, mais elle s’explique surtout par la compression de l’écart de rendement (spread) entre les ORE et les OTA.
Cet écart est la mesure la plus importante pour évaluer les ORE. Il avait atteint un sommet de 2 145 points de base le 15 décembre 2008, alors que le rendement des ORE atteignait 22,36 % ! Depuis, l’écart s’est rétréci jusqu’à 428 points de base le 8 mai dernier et le rendement avait fondu à 4,99 %.
L’écart s’est élargi durant la correction de mai, mais oscillait récemment autour de 440 points de base, ce qui n’est pas loin de la moyenne de 495 points de base sur 33 ans.
«Les investisseurs auraient dû se réjouir de l’annonce de la fin du programme d’achat de titres obligataires par la Réserve fédérale américaine (Fed), puisqu’elle signalait une amélioration de l’économie, et donc de la capacité des entreprises de rembourser leurs prêts», souligne Geofrey Marshall, gestionnaire principal du Fonds d’obligations à rendement élevé Signature CI.
«Les investisseurs se sont plutôt concentrés sur la hausse rapide des taux sur les emprunts gouvernementaux que cette annonce a déclenchée, ajoute-t-il. Ces taux étaient maintenus artificiellement très bas par les achats de la Fed. Pour certains, le rallye de 30 ans dans le marché obligataire venait de prendre fin.»
Appréciation plafonnée
Geofrey Marshall n’écarte pas une autre correction importante des ORE si la Fed passe aux actes en 2014.
«Ce qui plafonne la hausse de la valeur des ORE est qu’elles sont rachetables à prime à des dates précises par l’émetteur, qui peut alors se refinancer à un taux d’intérêt plus bas, dit-il. Or, plusieurs de ces obligations se négocient près de cette valeur de rachat, voire au-dessus. Cette valeur de rachat agit donc comme un plafond sur l’appréciation possible des ORE.»
«Pour cette raison, il était évident dès le début de 2013 que le rendement des ORE allait être plus bas cette année et que le rendement de 15 % en 2012 ne pourrait être répété. C’est toujours le cas aujourd’hui», précise Geofrey Marshall.
Il suggère de conserver les ORE, car elles permettent d’obtenir 75 % du rendement des actions avec 50 % de la volatilité.
«Par contre, si vous êtes un négociateur actif, les ORE sont dans la 8e ou la 9e manche», prévient-il, faisant ainsi référence à une fin possible du cycle.
Tant que la croissance économique permet aux sociétés d’accroître leurs flux de trésorerie et de réduire leur endettement, les ORE se tirent d’affaire, selon lui. Par le passé, cette catégorie d’actif a dégagé son meilleur rendement lorsque la croissance du PIB était de moins de 2 %.
«En contrepartie, les ORE réagissent mal à la moindre possibilité d’un choc économique et s’effondrent pendant les récessions», rappelle-t-il.
«Lors de la dernière récession, les ORE ont chuté de 33 % de septembre 2008 à mars 2009. Évidemment, le taux de défaillance (défaut de paiement) avait bondi à 10,74 % pour toute l’année 2009», précise-t-il.
«Les ORE chuteraient brutalement si le taux de défaillance, actuellement de 1 % aux États-Unis, augmentait de manière importante. Tant que la Fed associera récession à déflation, elle fera ce qu’il faut pour l’empêcher», affirme Geofrey Marshall.
Il prévoit une remontée graduelle des taux d’intérêt au cours des prochaines années. Et même dans ce cas, les ORE peuvent générer un meilleur rendement que les autres obligations, dit-il.
Quatre raisons de les conserver
Selon Paul Scanlon, gestionnaire principal du Fonds d’obligations de sociétés Mackenzie, les ORE devraient continuer d’être incluses en portefeuille, même après la période faste qu’elles viennent de connaître.
Quatre raisons motivent sa recommandation : la lente croissance économique, les données fondamentales solides des sociétés, le faible taux de défaillance et un écart de taux soutenable entre le rendement des ORE et celui des OTA.
Paul Scanlon note qu’historiquement, les ORE se comportent bien lorsque l’économie croît lentement et que les taux d’intérêt subissent peu de pression à la hausse.
«Un taux de croissance de 2 % du PIB est idéal pour les ORE. Il réduit le risque de taux et permet aux entreprises qui prospèrent de continuer sur cette voie.»
Par ailleurs, de plus en plus d’ORE sont émises par des sociétés aux données fondamentales solides, ce qui se reflète dans le faible taux de défaillance. Ce taux avait atteint 16 % en novembre 2009 et n’est plus que de 1 % aux États-Unis et de 2 % au Canada, rappelle Paul Scanlon.
Il souligne que plusieurs des sociétés émettrices d’ORE qui ont survécu à la crise, comme GM et Air Canada, affichent désormais un bénéfice plus solide et disposent d’une encaisse plus élevée.
«Elles détiennent une plus grande part de marché, exercent leurs activités à plus grande échelle et disposent d’un meilleur accès aux capitaux que par le passé. Cela en dit long sur leur capacité d’affronter des conditions économiques difficiles.»
La solidité croissante de leurs bilans a permis de stabiliser l’écart de rendement entre les ORE et les OTA, une situation qui devrait perdurer au cours des prochains mois, selon lui.
En effet, l’écart de rendement actuel est près de la médiane des 20 dernières années, qui est de 536 points de base. En période de récession, lorsque le taux de faillites augmente, cet écart peut atteindre 1 000 points de base, dit-il.
«À mon avis, dans un avenir prévisible, les investisseurs courent donc un risque de défaillance très bas», conclut-il.
Univers solide
Nick Leach, gestionnaire du Fonds d’obligations à haut rendement Renaissance, ne s’attend pas non plus à une hausse du taux de défaillance, qui demeure bien au-dessous de sa moyenne historique de 4,5 %.
En 2009, plusieurs sociétés émettrices ont été écartées du marché. Celles qui y sont restées ont des bilans beaucoup plus sains.
Nick Leach croit que nous sommes dans la troisième ou quatrième année d’un cycle de crédit de huit à neuf ans. À ce stade-ci du cycle, le taux de défaillance devrait demeurer stable pour les trois ou quatre prochaines années, selon lui.
«D’ailleurs, les ORE, dans l’ensemble, ne sont plus des obligations de pacotille (junk bonds) émises par des sociétés en difficulté. L’univers des ORE est rempli de sociétés avec une note BB qui peuvent un jour prétendre atteindre la note de première qualité, soit BBB», soutient Nick Leach.
«On y trouve certaines des plus grandes sociétés d’hôpitaux américains, de télécommunications, de croisières, de casinos et de chaînes de cinémas, ajoute-t-il. Elles ont souvent une capitalisation boursière très élevée qui offre un coussin aux détenteurs d’obligations.»
«Si vous achetez les actions de ces entreprises, pourquoi ne leur prêteriez-vous pas à un taux de 7 % ?» demande-t-il.
Les ORE pourraient subir sans trop de dommages une augmentation de 100 points de base du rendement d’un indice de référence de ces obligations, selon Nick Leach. Leur valeur serait protégée par une compression de l’écart de rendement entre les ORE et les OTA.
«L’écart de rendement pourrait passer de 440 à 345 points de base pour compenser la hausse des taux. Après tout, l’écart a rétréci jusqu’à 240 points de base au sommet du cycle de crédit précédent, en 2007», rappelle-t-il.
Nick Leach souligne que même si l’écart restait de 440 points pendant que les taux d’intérêt montaient de 100 points, la baisse de prix des ORE serait de 4 %, puisque la durée des ORE est de quatre ans (la volatilité du prix d’une obligation est proportionnelle à sa durée).
Or, puisque le rendement courant (coupon/prix) des ORE est de 7,2 %, le rendement total serait donc de 3,2 % (7,2 % – 4 %). Pour être encore plus prudent, il y ajoute un taux de défaillance de 2 %. En général, on récupère la moitié de l’argent prêté en cas de faillite. Donc, le rendement est réduit de 1 % pour arriver à 2,2 %.
«En comparaison, les obligations de première qualité ont un rendement courant de 3,4 %, mais leur durée est d’environ six ans. Une hausse des taux de 100 points de base leur ferait donc perdre 6 % de leur valeur, ce qui donne un rendement total de – 2,6 %», calcule Nick Leach.