«On peut acheter n’importe quoi à n’importe quel prix grâce à des millions d’esclaves» – Philippe Starck, architecte et designer

Selon vous, l’argent est une valeur d’hier. Les produits et les services à bas prix sont-ils l’avenir ?

Non, bas prix, prix élevés, ce n’est pas ça qui compte. L’avenir est dans la justesse. Trois dollars pour un t-shirt acheté dans une grande surface, vous savez que ce n’est pas juste. Quelques centaines de dollars pour un iPad, vous savez que c’est trop peu par rapport à l’extraordinaire qualité de la chose. La différence entre ce que vous payez et ce que ça coûte, ce sont des esclaves qui la paient. Ils seraient encore 27 millions. Ils nous permettent d’acheter n’importe quoi à n’importe quel prix. Il faut acheter en connaissant la valeur des choses. Et le faire lorsque nous en avons besoin. Si nous réduisions nos achats de 30 %, nous n’aurions plus de problèmes écologiques. Ces 30 %, ce sont, en général, les produits que vous avez achetés le samedi après-midi pour compenser une frustration causée pendant la semaine par votre fiancé ou votre patron. Si vous êtes forcé d’acheter, il faut acheter au juste prix, à la juste qualité. La qualité, c’est la longévité matérielle et la longévité conceptuelle. Il serait dommage que vous achetiez quelque chose après avoir longuement réfléchi et que, dix ans plus tard, vous soyez obligé de le jeter parce que stylistiquement ou conceptuellement il est obsolète. À l’inverse, au bout de dix ans, vous aimez toujours ce que vous avez acheté, mais vous devez le jeter car il est en panne. Donc votre travail, c’est d’être suffisamment intelligent et rigoureux pour savoir choisir.