Ces États situés en périphérie du coeur économique de la zone euro sont attrayants, car le taux de rendement affiché pour leur obligation de 10 ans est plus élevé que le taux de référence allemand.

Cela tient au fait que ces pays sont encore jugés à risque par les investisseurs. Ces derniers exigent donc une prime plus élevée pour acheter les titres d’emprunt de leur gouvernement.

Par exemple, le 11 décembre dernier, les obligations de 10 ans du Portugal avaient un taux de rendement affiché annuel de 2,97 %, et celles de l’Italie, un taux annuel de 2,06 %.

Pour sa part, le taux allemand s’établissait à 0,68 %. Comme l’Allemagne risque fort peu d’être en défaut de paiement, les investisseurs n’exigent pas un taux de rendement élevé pour acheter ses titres d’emprunt.

À titre de comparaison, les obligations de 10 ans du gouvernement canadien affichaient un taux de rendement de 1,98 %.

Des écarts encore intéressants

C’est cet écart – ou spread, comme on dit dans l’industrie – avec l’Allemagne qui rend les pays de la périphérie si intéressants aux yeux des investisseurs.

«Ça leur procure une valeur sur le marché obligataire», souligne Ian A. McKinnon, premier vice-président, revenu fixe de base et chef des obligations de sociétés chez Addenda Capital.

Cela dit, les taux de rendement demandés par les marchés ont fondu depuis la fin de la crise de la dette souveraine, en 2013-2014.

Et ils pourraient diminuer encore si l’économie de la zone euro s’améliorait ou si la Banque centrale européenne (BCE) recourait de nouveau à une politique d’assouplissement quantitatif.

En octobre, la BCE a lancé un programme d’achat de titres adossés à des créances mobilières (asset-backed securities), provenant entre autres d’institutions financières et de PME.

Cependant, même si les marchés exigeaient un taux de rendement moins élevé pour l’ensemble des obligations européennes (et que le taux allemand demeurait stable), les pays de la périphérie constitueraient encore de bonnes occasions d’investissement, disent les gestionnaires de portefeuille.

Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins gestion de patrimoine Valeurs mobilières, donne l’exemple de l’Espagne et de l’Italie.

Le 11 décembre, les obligations de 10 ans de l’Espagne affichaient un taux de rendement annuel de 1,87 %, ce qui représente un écart de 119 points de base par rapport au taux de référence allemand (0,68 %).

Même si le spread devait diminuer à 60 points de base, les obligations espagnoles pourraient offrir un rendement anticipé d’environ 5 % si les investisseurs les vendaient à la fin de 2015, donc avant l’échéance prévue de 2024, selon Michel Doucet.

Dans le cas de l’Italie, l’écart avec le taux allemand était de 138 points. Si le spread était réduit à 70 points, les obligations italiennes de 10 ans généreraient un rendement de quelque 6 % si elles étaient liquidées à la fin de 2015, soit avant l’échéance de 2024.

Soulignons que la Grèce, durement ébranlée par la crise de l’endettement, présente un risque si élevé (si les pays européens cessent de lui prêter des fonds, entre autres) que de nombreux experts ne recommandent pas l’achat de ses obligations.

Mieux que le marché américain

En raison du faible taux de rendement affiché sur ses obligations de 10 ans (0,68 %), il va sans dire que le marché obligataire allemand est peu intéressant, surtout à court terme.

«Les marchés américains et britanniques seront plus attrayants que l’Allemagne en 2015», fait remarquer Philippe Lavigne, gestionnaire de portefeuille, revenus fixes mondiaux, chez Gestion d’actifs CIBC.

Par contre, à long terme, le marché obligataire de la zone euro performera mieux que le marché américain, à condition que les investisseurs couvrent leur placement réalisé dans ce marché avec des contrats à terme pour se prémunir d’une dévaluation possible de l’euro.

«L’objectif premier de la politique de la zone euro consiste à maintenir la devise à un faible niveau afin de stimuler l’économie et d’éviter la déflation», précise Philippe Lavigne.

Selon les économistes, la BCE pose des gestes montrant qu’elle souhaite dévaluer l’euro par rapport aux principales devises, dans le but de relancer les exportations européennes.

Faibles gains dans les autres pays

Dans l’ensemble, à l’exception des pays de la périphérie, les gains potentiels sont somme toute minimes, insistent les stratèges et les portefeuillistes.

L’économie des pays européens continuera de stagner en 2015, estime Luc Vallée, stratège en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).

VMBL dit s’attendre à une reprise en 2016 si les deux conditions suivantes sont réunies.

Premièrement, il faudrait que BCE déploie un programme «agressif» d’achat d’obligations européennes, comme la Réserve fédérale américaine l’a fait pendant et après la crise financière (le dernier assouplissement quantitatif de la Fed a pris fin le 31 octobre dernier).

Deuxièmement, les gouvernements européens devront s’entendre sur un plan de relance fiscal, plutôt que sur des mesures d’austérité.

Pour l’instant, l’Allemagne – qui affiche un taux de chômage de seulement 5 % malgré une croissance anémique -, s’y oppose, souligne Luc Vallée.

«Les Allemands ne veulent pas payer pour les autres Européens. Et les Allemands ne comprennent pas pourquoi ils devraient s’endetter davantage pour aider les autres pays», précise-t-il.

Aux yeux des Allemands, un plan de relance encouragerait de nouveau les comportements irresponsables de certains gouvernements, comme ceux de l’Italie et de la Grèce, qui n’ont pas su contrôler leurs dépenses publiques dans le passé.

Durant la crise de la dette souveraine, l’Allemagne a fait partie des pays qui se sont portés au secours de la Grèce, de concert avec le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la BCE.

Cela dit, il est possible que les Européens trouvent une solution qui soit consensuelle pour relancer l’économie.

Le cas échéant, les Bourses européennes – sous-évaluées actuellement – pourraient afficher de bons rendements.

Dans tous les scénarios, les marchés obligataires devraient se contenter de gains minimes (à l’exception des pays de la périphérie, plus attrayants, à la condition de se couvrir contre le risque de dévaluation de l’euro), souligne Luc Vallée.

Une solution plus payante

Le marché des obligations de sociétés pourrait toutefois être plus payant que celui des obligations gouvernementales.

Ces sociétés qui émettent des titres d’emprunt pour financer leur croissance «sont souvent des entreprises de taille moyenne qui sont à un stade stratégique de leur développement», dit Richard Beaulieu, vice-président et économiste principal chez Addenda Capital.

Les obligations de sociétés sont plus risquées que les obligations gouvernementales, mais procurent un rendement plus élevé.