Où un client devra-t-il réaliser ses revenus de placement ? C’est la question que l’industrie devra se poser dans les prochaines semaines afin de composer avec la hausse du taux d’inclusion des gains en capital.

Le budget fédéral de 2024 propose qu’à compter du 25 juin 2024, le taux d’inclusion des gains en capital réalisés annuellement par un particulier augmente à 66 2/3 % pour la partie des gains qui est supérieure à 250 000 $. Le taux d’inclusion des gains en capital réalisés annuellement jusqu’à 250 000 $ par des particuliers continuera d’être de 50 %.

Par contre, le taux d’inclusion sera de 66 2/3 % pour tous les gains en capital réalisés par des sociétés et des fiducies à partir du 25 juin. Donc, la mesure s’applique à compter du premier gain en capital réalisé dans la société et dans la fiducie.

Notons qu’historiquement, le taux d’inclusion du gain en capital réalisé par des particuliers a été de 50 % de 1972 à 1988, de 66 2/3 % de 1988 à 1989, de 75 % de 1990 à 2000 ; et de 75 à 66 2/3 %, à 50 %, à compter de l’an 2000.

Évidemment, cela exige de revoir toutes les projections de planifications financières et les réorganisations d’entreprise. On doit aussi revoir les portefeuilles des clients, surtout pour ceux qui détiennent des sociétés de portefeuille. Cela nous laisse dix semaines pour bien réorganiser les portefeuilles afin de minimiser l’impact du nouveau taux du gain en capital.

Les prochaines analyses prennent pour hypothèse que Québec s’harmonise avec le fédéral. Par ailleurs, puisque le gain en capital réalisé dans la fiducie est aussi imposé à 66 2/3 %, mais qu’il est possible d’attribuer les revenus aux bénéficiaires, l’analyse se concentrera sur l’effet de cette nouvelle mesure sur les sociétés par actions et le particulier.

La «sur-surimposition» des placements dans une société 

Le principe fiscal d’intégration veut que l’on soit généralement indifférent au fait de gagner un revenu dans une société ou de le faire personnellement. Il est toutefois difficile d’arriver à une intégration parfaite vu les différences de taux au fédéral et au provincial. Cette différence a toujours un écart négatif.

Ainsi, il n’est généralement pas avantageux de gagner des revenus de placements dans une société, et il est recommandé de retirer tout montant qui peut être fait sans impact fiscal et l’investir personnellement. Avec la hausse du taux d’inclusion du gain en capital, l’écart est encore plus prononcé, selon qu’un particulier ait atteint ou non le seuil de 250 000 $ de gain en capital.

Pour calculer l’effet de la nouvelle mesure, il faut comparer l’impôt combiné de la société et de l’actionnaire avec le taux d’impôt personnel. Par exemple, le gain en capital qui fait l’objet d’un taux d’inclusion à 66 2/3 % dans la société devra être versé en dividende non déterminé à 48,70 %. Nous obtenons ainsi un taux combiné de 39,14 % dans le cas d’un particulier du Québec qui est imposé au taux marginal le plus élevé.

L’ampleur de l’impact dépend du taux d’impôt personnel. Ainsi, si le particulier à un taux d’inclusion du gain en capital à 66 2/3 %, il sera imposé à un taux personnel de 35,54 %, ce qui représente un écart défavorable de 3,60 points de pourcentage. L’effet est pire si le particulier a encore le droit de recevoir son revenu de gain en capital à un taux d’inclusion de 50 %. Dans ce cas, son taux d’imposition personnel s’élève à 26,65 %, soit un écart défavorable de 12,48 points!

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Même si un particulier pourrait s’attendre à une baisse d’impôt future, il est dorénavant encore plus avantageux de sortir des sommes de la société sans impact fiscal (compte de dividende en capital [CDC] et l’avancer à l’actionnaire).

Sortir l’argent de la société pour investir personnellement

Qu’en est-il des sommes que l’on ne peut pas sortir sans impact fiscal ? C’est généralement le cas pour les professionnels incorporés qui ont mis les surplus de revenus d’entreprise dans leur société par actions. L’analyse dépend de plusieurs facteurs dont les comptes fiscaux de l’entreprise (IMRTD, IMRTDND, CRTG), la disponibilité des régimes fiscaux du particulier, du taux d’emprunt de ses dettes (le cas échéant), de son profil d’investisseur et de l’horizon de temps. Dorénavant, on doit aussi considérer le taux d’inclusion des gains en capital variable du particulier, soit de 50 % pour les premiers 250 000 $ ou bien 66 2/3 % pour les gains supérieurs à ce montant.

Dans l’analyse qui suit, nous comparerons un placement investi dans une société avec le même placement versé en dividende investi dans les divers régimes fiscaux sur une période de 15 ans.

Particulier avec un taux marginal d’inclusion des gains en capital à 66 2/3 %

S’il y a un solde de l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD), la recommandation ne change pas comparativement à la situation qui prévalait avant le budget fédéral. C’est-à-dire que, peu importe le profil d’investisseur, il est toujours mieux de verser des dividendes supplémentaires pour maximiser les régimes enregistrés personnels (REER, REEE, CELI, etc.). Par contre, dans un cas où le client a un portefeuille 100 % en actions, il est toujours défavorable de verser un dividende pour l’investir dans un compte non enregistré (NE). Dorénavant, toutefois, l’écart est marginal considérant la « sur-surimposition » de taux.

Si la société de l’actionnaire n’a pas d’IMRTD, il y a une amélioration dans la majorité des scénarios avec des actions pour investir dans les régimes enregistrés, surtout avec un compte de revenu à taux général (CRTG). Sans CRTG, l’écart est toujours défavorable, mais encore très marginal.

Nous pouvons donc conclure que l’augmentation de l’imposition du gain en capital favorise la maximisation des régimes enregistrés personnels dans la majorité des cas.

Particulier avec gain en capital à 66 2/3 %

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Vert, sortir un dividende pour investir, rouge conserver dans la compagnie

Particulier avec un taux marginal d’inclusion des gains en capital à 50 %

Dans le cas où un particulier profite du taux marginal d’inclusion des gains en capital à 50 % sur ses premiers 250000 $ de gains, l’analyse sur le plan des régimes enregistrés personnels ne change pas, puisque le taux du gain en capital personnel n’a aucun impact dans les régimes. Toutefois, il y a clairement un écart favorable dans les comptes imposables lorsqu’il y a un IMRTD positif. Ainsi, nous pouvons conclure qu’il serait préférable de verser des dividendes pour générer du gain en capital personnel lorsqu’il y a un IMRTD dans la société.

En l’absence d’IMRTD, l’écart est défavorable dans un compte non enregistré et imposable, mais de façon moins prononcée qu’avant puisque le taux du gain en capital personnel est seulement de 50 %.

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Pourquoi ne pas simplement liquider la société?

L’imposition du gain en capital dans la société en comparaison de l’imposition personnelle apportera son lot de complications dans la planification financière. On peut aussi se demander s’il est préférable de liquider simplement la société plutôt que de la conserver pour bénéficier des taux personnels, mais il s’agit principalement d’une économie de frais comptable.

En règle générale, si les frais comptables représentent plus de 35 % des revenus financiers des placements de l’entreprise, on pourrait envisager de la liquider. Les sommes accumulées personnellement seraient équivalentes aux sommes qui seraient investies dans la société, net à l’actionnaire.

Ah oui, avec les nouvelles règles touchant l’imposition des gains en capital, il faudrait revoir toutes les règles d’optimisation fiscale. Mais ce sera pour une autre fois…