«Dans un PAPE, le courtier et l’entreprise déterminent ensemble un prix d’émission qui permettra de vendre entièrement la transaction sur le marché», explique Ben Venditelli, premier vice-président, institutionnel-actions, Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL).
L’expertise du banquier d’affaires dans le secteur où l’entreprise mène ses activités et sa relation avec celle-ci sera importante en ce qui concerne sa capacité à être désigné chef de file de l’émission (lead) ou encore à se joindre au syndicat.
Les sociétés émettrices, par exemple, examineront les transactions précédentes d’émissions de titres de la firme de courtage et sa facilité à écouler les titres. Certaines firmes de courtage plus petites qui se spécialisent dans des secteurs tels que les ressources ou l’énergie joueront parfois le rôle de chef de file.
Alors, quelle part de l’émission chacun de ces membres du syndicat de courtage recevra-t-il ? «La quote-part du chef de file est toujours plus importante que celle des autres membres du syndicat», confirme Mark Mulroney, directeur général et chef, marchés des capitaux en actions à la Banque Nationale. Le partage subséquent est ensuite plus arbitraire et souvent laissé à la discrétion du chef de file.
Dans le cas d’une prise ferme, l’entreprise déjà cotée en Bourse émet de nouvelles actions. Elle souhaite par exemple financer une acquisition ou un projet d’expansion sans avoir recours à de la dette.
«Au Canada, dans la vaste majorité de ces transactions, le banquier assume le risque en investissant de son capital afin d’acheter l’action à un certain prix pour ensuite la revendre pratiquement au prix du marché en réalisant une commission sur la transaction», explique Ben Venditelli.
L’exemple de Cara
VMBL se spécialise dans les émissions de petites capitalisations. Elle a récemment participé au PAPE de l’entreprise Cara Operations (TSX : CAO), qui oeuvre dans le domaine de la restauration et qui est propriétaire de la chaîne Harvey’s.
«La transaction a été l’une des plus populaires, tous secteurs confondus, depuis 5, et même 10 ans», dit Ben Venditelli. Selon The Globe and Mail, les investisseurs institutionnels et de détail ont reçu environ 5 % de leur commande. L’action émise à 23 $ s’est négociée le premier jour jusqu’à 33 $.
Dans ce genre de situation, où la demande est beaucoup plus forte que l’offre, qui décide de la part octroyée au conseiller en placement ? Selon Ben Venditelli, tout dépend du pourcentage de l’émission auquel la firme membre du syndicat aura accès. Un conseiller en placement chez VMBL, même s’il gère un actif de plusieurs centaines de millions de dollars, n’obtiendra qu’une partie de sa commande.
Répartir l’émission
Même constat chez Mouvement Desjardins. «Chez nous, il n’y a pas de discrimination, si vous avez fait une commande de 100 actions et que tout le monde se fait couper de 10 %, vous recevrez 90 actions», affirme Jean-Yves Bourgeois, chef, financement corporatif et banque d’affaires chez Desjardins marché des capitaux.
«Les gens passent leur commande dans un système et on fait la distribution en fonction du prorata qu’on reçoit», ajoute le spécialiste.
Chaque firme de courtage a ses propres critères de répartition des titres lorsqu’elle obtient sa part. Certaines tiendront compte du nombre de fois auquel les conseillers participent aux différentes émissions primaires, de la taille de l’actif sous gestion, etc.
«Chez nous, c’est vraiment simple et il n’y a pas de favoritisme», affirme Mark Mulroney. Qu’on soit un client institutionnel ou de détail, on recevra la quote-part demandée.
«Il ne faut pas oublier qu’un conseiller qui gère un actif plus important et qui passe une plus grande commande recevra une proportion plus considérable qu’un client dont la commande est plus petite», ajoute-t-il.
«Le système d’octroi des titres devrait être connu des conseillers en placement, croit Ben Venditelli. Et je serais surpris d’apprendre qu’un conseiller qui a passé une commande auprès de sa firme membre du syndicat ne reçoive rien du tout, même si l’émission est très populaire.»
Lorsqu’un conseiller ne peut pas combler entièrement sa commande dans sa propre firme ou même que cette dernière ne fait pas carrément partie du syndicat, il peut demander à son pupitre de syndication de passer une commande auprès du groupe de vente en appelant le preneur ferme.
«Si l’attrait de l’émission est moins vif ou qu’un des membres du syndicat a plus de difficulté à vendre la part qui lui est allouée, le conseiller pourrait avoir accès à ces titres invendus», rappelle Ben Venditelli.
Cependant, si l’émission risque d’être survendue, l’émetteur pourrait décider de ne pas avoir recours à un groupe de vente. Ainsi, un conseiller en placement, dont la firme est rarement le chef de file ou partie prenante d’un syndicat, aura plus de difficulté à accéder à ces titres.
Partage institutionnel-détail
Certains conseillers ont l’impression que les investisseurs institutionnels vont s’emparer d’une part importante des émissions d’actions et que le détail n’aura que des miettes. On se dit que c’est plus facile de vendre un gros bloc d’actions à un seul acteur qu’à plusieurs centaines d’entre eux…
«Les entreprises veulent qu’une portion de leur émission soit destinée au détail puisque ces investisseurs assureront un certain niveau de liquidité sur le titre, ils vont négocier au jour le jour alors que les investisseurs institutionnels qui achètent des blocs vont détenir les titres à long terme», explique Mark Mulroney.
«Je n’ai jamais vu de société, sauf dans certains placements privés, nous dire qu’elle ne veut pas allouer une part au détail», note-t-il.
Le partage entre les investisseurs institutionnels et les plus petits investisseurs se fait en consultant le regroupement de banques et de courtiers qui distribueront l’émission. «Cela dépendra aussi du type d’instrument qu’on émet (action privilégiée, débenture convertible, ordinaire, etc.), du secteur et de la taille de l’émission», ajoute Jean-Yves Bourgeois.
«D’après mes observations, je dirais que la portion des émissions qui va aux institutions tourne autour de 70 %, par rapport à 30 % au détail, même si ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, lors d’une récente émission de Boston Pizza au Canada (Fonds de revenus BP), la part réservée aux investisseurs de détail était beaucoup plus importante», remarque Ben Venditelli.