Dans ses locaux de l’Île des Soeurs, près de Montréal, la réunion du CA de l’IQPF, qui a marqué la passation des pouvoirs, s’est déroulée dans une ambiance solennelle, raconte Yves L. Giroux. Avec émotion, le président sortant a passé le relais à sa collègue Nathalie Bachand, qui était jusque là vice-présidente du conseil. Cette dernière a été élue en juin dernier lors du dernier Congrès de l’IQPF qui soulignait le 25e anniversaire de l’institut de formation mis sur pied en 1989.

Les planificateurs financiers sont tous deux engagés auprès de l’IQPF depuis près de vingt ans. Nathalie Bachand a participé au premier Congrès de l’IQPF en 1997 à titre de formatrice, alors qu’elle venait tout juste de recevoir son diplôme.

Yves L. Giroux a reçu le sien en 1998 et a commencé à participer activement au CA de l’organisme peu après, sur le conseil d’un collègue.

Après deux ans à la présidence du conseil de l’IQPF, Yves L. Giroux quitte son poste satisfait de son parcours.

«Notre objectif était de nous rapprocher davantage de l’industrie. Avec la présidente-directrice générale de l’IQPF, Jocelyne Houle-LeSarge, nous avons entrepris une tournée des institutions financières. Nous avons rencontré les hauts dirigeants afin de les sonder et de leur faire mieux connaître notre offre de services», raconte celui qui est aussi directeur, développement des affaires, Québec et Atlantique pour BMO Assurance.

Il est d’avis que cet exercice a permis à l’IQPF notamment de promouvoir son programme exécutif en ligne, mis en place en 2010, pour les professionnels qui détiennent un baccalauréat et deux années d’expérience dans un des domaines de la planification financière.

«Il n’y a rien de mieux que d’aller rencontrer les gens en personne. Plusieurs hauts dirigeants ne connaissaient pas ce programme. Des actions ont découlé de ces rencontres.».

Environ 80 personnes ont suivi le programme exécutif l’an dernier pour devenir planificateur financier. Yves L. Giroux est d’avis que ce chiffre croîtra au cours des prochaines années.

Au total, il y a eu 218 diplômés en 2013. L’IQPF vise une augmentation de 5 % l’an prochain pour combler les départs à la retraite. Dans son dernier rapport annuel 2013-2014, l’IQPF indiquait avoir 4 449 affiliés planificateurs financiers (pl. fin.), ce qui n’inclut pas les pl. fin. membres d’un ordre professionnel qui a une entente avec l’Autorité des marchés financiers (AMF). Au total, l’organisme représente près de 5 000 planificateurs financiers.

En plus des cinq réunions annuelles et des rencontres de comités, le conseil de l’IQPF voit notamment au budget de l’organisme. Pour l’exercice financier qui s’est terminé le 31 mars dernier, l’organisme affiche des revenus de 4,4 M$ et un excédent de 423 464 $.

Cours pour gestionnaires

L’institut travaille aussi à un projet qui a été suggéré par une personne oeuvrant auprès d’une institution financière : une formation pour les planificateurs financiers qui ont un rôle de gestionnaire.

«Plusieurs planificateurs financiers occupent des fonctions de supervision. Ils doivent parfois approuver une planification financière, donc nous voulons leur fournir les outils pour faire ce travail», explique Yves L. Giroux.

Nathalie Bachand fait savoir que le projet est en bonne voie, mais que la date du premier cours offert n’est pas encore fixée. Chose certaine, il sera donné par l’intermédiaire d’un cours en planification financière personnelle intégrée (PFPI) de la formation continue.

En ce qui a trait aux relations avec les institutions financières, la nouvelle présidente veut continuer de consulter celles-ci. Elle rappelle que certaines d’entre elles sont également des partenaires financiers de l’IQPF.

Des pl. fin. à l’écoute

Pour son mandat, Nathalie Bachand travaillera à ce que l’IQPF nourrisse son contenu de formation des avancées en matière de finance comportementale.

«Nous avons déjà abordé la question des relations humaines avec le client par le passé avec notre collègue psychologue organisationnelle, Josée Blondin, par exemple. Nous voulons maintenant structurer notre offre un peu plus, apporter davantage de documentation sur ce qui se passe dans le monde», élabore-t-elle.

L’écoute est justement la qualité principale d’un planificateur financier, selon Nathalie Bachand. Non pas que les professionnels de la planification ne la possèdent pas déjà. «Souvent, les gens sont inconsciemment compétents. Nous voulons les rendre consciemment compétents quant à leurs habiletés interpersonnelles», remarque le président sortant.

«Quand votre façon de faire est en quelque sorte validée, en général ça vous permet de faire un pas de plus dans la bonne direction», ajoute Nathalie Bachand.

Yves L. Giroux cite également l’empathie et le courage comme qualités essentielles d’un pl. fin.

«Parfois, les nouvelles ne sont pas bonnes. Nous sommes obligés de dire au client qu’il rêve en couleur s’il pense prendre sa retraite à 55 ans même s’il n’a pas commencé à épargner très tôt. Nous prenons ainsi le risque que le client aille voir ailleurs, mais c’est notre rôle», considère-t-il.

L’enjeu du financement de la retraite est d’ailleurs celui de l’heure pour la planification financière, selon Nathalie Bachand, qui travaille pour le cabinet Bachand Lafleur, Groupe conseil.

«C’est réellement un sujet bouillant dans l’actualité, par exemple, avec l’arrivée du régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), les changements des régimes de retraite municipaux, etc.»

Elle se montre favorable à l’implantation des RVER : «Tout ce qui forcera les gens à épargner jusqu’à un certain point ou les encouragera dans ce sens est une bonne chose.»

Un ordre professionnel à portée de main ?

Selon Nathalie Bachand, le projet de création d’un ordre professionnel pour les planificateurs financiers est «loin d’être relégué aux oubliettes». Elle a l’intention de le faire progresser au cours de son mandat.

Yves L. Giroux affirme même, quant à lui, qu’avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement majoritaire à Québec, «l’environnement est peut-être plus propice qu’il ne l’a jamais été».

L’IQPF fait affaire avec un lobbyiste pour tenter de remettre le sujet au programme des politiciens. «Le point faible de notre dossier est que le gouvernement considère qu’il n’y a pas de problème avec les planificateurs financiers. Ils nous ont dit qu’ils ne voulaient donc pas changer quoi que ce soit», note Yves L. Giroux.

«Sauf que plusieurs initiatives pour la création d’ordres professionnels se dessinent au niveau canadien, notamment de la part du Financial Planning Standards Council (FPSC). Au Québec également, il semble y avoir un nouvel élan. Entre autres, un autre regroupement représente les distributeurs de produits financiers qui tentent d’obtenir un ordre professionnel», dit-il.

Le regroupement auquel il fait allusion est le Regroupement Indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ), qui a récemment annoncé vouloir changer de dénomination pour devenir l’Association professionnelle des conseillers financiers du Québec (APCFQ).

Selon Yves L. Giroux, les planificateurs financiers ont plus de chances d’être régis par un ordre professionnel que les conseillers qui n’ont pas ce permis.

Encadrés par leurs pairs

Yves L. Giroux met de l’avant, quant à lui, la pertinence pour les pl. fin d’être encadrés par leurs pairs, comme le sont les médecins. Selon Nathalie Bachand, un ordre professionnel pour les planificateurs financiers assurerait la renommée de la profession.

Cette dernière ne croit pas que le fait d’avoir leur propre ordre professionnel changerait les relations avec les régulateurs actuels, l’AMF et la Chambre de la sécurité financière (CSF) qui encadrent respectivement les cabinets et les représentants. «Ce n’est pas là que le bât blesse. L’un n’empêche pas l’autre.»

La nouvelle présidente du CA ajoute aussi qu’il en va d’une meilleure protection du public et d’un pouvoir pour les pl. fin. sur l’acte de la planification financière en tant que tel.

Yves L. Giroux annonce d’ailleurs qu’une définition commune de l’acte de la planification financière a été établie par l’IQPF et le FPSC pour faire avancer leur cause. L’IQPF ne la dévoilera qu’en novembre prochain, lors de la Semaine de la planification financière.

Effet miroir

Dans tous les cas, la volonté de faire reconnaître davantage leur profession est ancrée chez les deux membres du CA de l’IQPF. Pour Nathalie Bachand, «la planification financière est une passion», son arrivée à la tête du conseil est, selon elle, la suite logique de son cheminement dans le domaine.

Son prédécesseur lui laisse son siège en ayant le sentiment d’avoir apporté sa contribution à une profession qui sert «à prodiguer des conseils financiers essentiels pour susciter l’action chez les clients».

Lorsqu’on demande à Nathalie Bachand pourquoi Yves L. Giroux a été un bon président du CA, elle répond : «Pour sa grande capacité à approcher les gens et à faire passer son message».

Lorsqu’on pose la même question à Yves L. Giroux sur Nathalie Bachand, il note : «Pour sa feuille de route éloquente en planification financière, son contenu irréprochable et le respect qu’elle suscite auprès de ses pairs ainsi que des médias».