Le premier budget déposé par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, fait écho à cette promesse. La mesure va toutefois prendre effet au 3e trimestre de l’an prochain, soit à compter du premier juillet 2022. Plusieurs éclaircissements sont à venir mais on peut déjà se faire une bonne idée de la situation.
Le graphique ci-bas illustre les prestations mensuelles de la PSV, soit 615,37$ pour le premier trimestre 2021 et 618,45 $ pour le second. En présumant des indexations de l’ordre de 0,5% par trimestre, on peut illustrer l’évolution des montants.
Ainsi, en rajoutant 10% dès juillet 2022 pour les personnes ayant 75 ans et plus, on est en mesure d’estimer que la valeur ajoutée totale serait de 766 $ pour ces 12 premiers mois (12 blocs rouges). Toutes ces prestations sont taxables.
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On sait que les prestations de la PSV sont récupérables en 2021 lorsque le revenu net atteint 79 845 $. Sans cet ajustement, un revenu net de 129 440 $ fait disparaître la PSV.
Avec cette augmentation de 10%, le seuil serait alors d’environ 134 400 $. Mais il faudra attendre une première année complète de cette majoration qui n’arrivera qu’en 2023 pour en déterminer la valeur exacte. Ainsi, la bonification de 10% est soumise à la règle de récupération sur le revenu net.
Qu’arrive-t-il si l’on reporte notre PSV à 70 ans pour bénéficier de la majoration de 36 %?
On pourrait croire que la prestation payable à 75 ans serait basée sur le montant de la rente à 65 ans, et non pas sur la rente majorée. Le 766 $ d’ajout annuel à 75 ans ne devrait ainsi pas être bonifié de 36 % car il n’a jamais été reporté. Cette question a été posée au personnel du ministère des Finances. Ceux-ci ont répondu avec hésitations que, possiblement, le 10% serait applicable sur la rente majorée. Cela signifie que le 766 $ deviendrait 1 042 $. Restons prudents ici.
Dans l’intervalle, ils ont décidé d’accorder en août 2021 un montant unique de 500 $, taxable, aux personnes qui auront 75 ans ou plus en juin 2022. Le montant est moindre que l’éventuelle bonification de 766 $, mais le 500 $ n’est toutefois pas récupérable en fonction du revenu net. Curieusement, une personne de 74 ans qui décède avant son 75e anniversaire en mai 2022 recevrait ce paiement unique de 500 $.
Certains souhaitaient voir cette augmentation accordée sans considération d’âge. Pour justifier le choix de cet âge dans la fixation de sa mesure, la ministre des Finances a mentionné que les gens de 75 ans ont à ce moment, pour certains, épuisé leurs ressources financières. On se rappelle que le Rapport d’Amours présenté en 2013 prévoyait également un bloc de prestations supplémentaires à compter de 75 ans, appelée rente de longévité. Cette mesure avait été proposé dans une perspective visant à bonifier le Régime de rentes du Québec.
Sachant que la PSV est indexée à l’IPC, elle perd de son poids en pouvoir de remplacement des salaires qui, eux, augmentent généralement plus rapidement. On sait que les prestations du Régime de rentes du Québec sont basées sur la hausse du MGA à compter du début des versements, puis sur l’IPC par la suite. Les promoteurs d’une bonification de 10 % dès 65 ans peuvent s’appuyer sur cet aspect pour soutenir leurs revendications. Le rapport actuariel de la PSV en juin 2020 mentionne clairement « Au fil du temps, l’indexation selon les prix des taux de prestations étant inférieure au taux de croissance des gains d’emploi moyens, les prestations remplaceront une proportion décroissante des gains d’un particulier avant la retraite. Dans le passé, ce problème fut résolu avec des augmentations ponctuelles des taux de prestations. »
On a vu le supplément de revenu garanti (SRG) augmenter ponctuellement en juillet 2011 et en juillet 2016, mais avec une règle de récupération très sévère. Une bonification pour tous de 10 %, sans condition d’âge, aurait permis de faire un certain rattrapage.
Le coût du Programme de la sécurité de la vieillesse est d’environ 2,74 % du PIB (avant COVID) en 2021 et atteindra 3,14% en 2032. Avec cette bonification, jumelée à l’impact COVID sur le PIB, il sera intéressant de voir les résultats de l’analyse du programme au 31 décembre 2021 (publié vers début 2023). Mais comme je l’ai fait dans un récent texte concernant le budget du Québec, je cite de nouveau Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme », et ajoute qu’il ne serait pas surprenant de voir des modifications venir afin de contenir les coûts du programme.
On devine que les mieux nantis pourraient éventuellement faire l’objet d’ajustement, notamment en ce qui a trait à une révision du seuil de récupération actuel de 79 845 $ de revenu net individuel (en 2021).
* Daniel Laverdière est directeur principal, Centre d’expertise, Banque Nationale, Gestion privée 1859.