«Je pense que le marché pourrait facilement absorber jusqu’à 300 personnes de plus par an, poursuit-elle. J’entends des institutions financières dire qu’elles ont 60 planificateurs, mais qu’elles en voudraient 120 ou 125. D’autres disent qu’elles en ont 250, mais qu’elles auraient besoin de 100 planificateurs de plus dans les plus brefs délais.»
Au Mouvement Desjardins, on reconnaît volontiers qu’il y a un défi, mais il n’y a pas péril en la demeure. «Nous commençons à sentir un peu plus la pénurie de travailleurs expérimentés, observe Danielle Perreault, directrice principale, acquisition de talents et relève. Quand nous recherchons de tels candidats, nous constatons que les délais d’embauche sont plus longs.»
Trois causes principales
Pourquoi cette pénurie ? Trois causes ressortent.
D’une part, «il y a une hausse de la demande de services de planification de la part de tous les boomers qui arrivent à la retraite», note Stéphane Chrétien, titulaire de la Chaire Groupe Investors en planification financière à l’Université Laval.
C’est sans compter que ces nouveaux retraités seront plus longtemps à la retraite, fait ressortir Jocelyne Houle-LeSarge. D’autre part, ajoute Stéphane Chrétien, «on constate un nombre plus élevé de planificateurs qui, eux aussi, prennent leur retraite.»
Enfin, un troisième facteur a contribué démesurément à étrangler l’afflux de nouveaux candidats dans l’industrie : l’augmentation des exigences de qualification.
«Depuis 2005, pour devenir planificateur financier, le baccalauréat en commerce est obligatoire, avec une majeure en planification financière, rappelle Jocelyne Houle-LeSarge. Depuis la même année, nous avons donc moins d’inscriptions à cause des exigences plus élevées. Mais cela, nous nous y attendions.» À l’IQPF, par exemple, on ne dénombrait plus que 17 inscriptions en 2010-11 pour les cours donnés en classe.
Devant cette situation, tant l’IQPF et les universités que les institutions financières ont travaillé à rectifier le tir.
À l’IQPF, on a pris le virage Internet. Tous les cours qui se donnaient en classe sont maintenant offerts en ligne, dans un format ajusté à ce support. La réaction est étonnante : au lancement du programme, on n’a recruté que neuf étudiants, et l’année suivante, 79.
Ces cours, qui forment une sorte de «programme exécutif», ne remplacent pas les cours précédents. Ils visent une clientèle différente, essentiellement des candidats potentiels «qui avaient déjà certaines connaissances en planification financière et qui étaient membres d’un ordre professionnel, mais qui avaient des lacunes dans certains domaines», explique Jocelyne Houle-Lesarge.
À l’Université Laval, on espère proposer dès septembre un format revu, corrigé et rationalisé qui raccourcira sensiblement le programme de certificat. Au lieu de deux à trois ans, il faudra une seule année pour le terminer.
Les quelques changements effectués jusqu’ici contribuent déjà à augmenter le nombre de candidats potentiels aux examens de certification de planificateur de l’IQPF.
À l’Université Laval, par exemple, alors qu’en 2008, seulement 60 candidats potentiels avaient obtenu leur diplôme, en 2012, on comptait 150 diplômés. Notons que la majorité des planificateurs sont formés à l’université et continuent de l’être.
Initiatives en entreprise
Les entreprises n’ont pas attendu pour réagir à la pénurie.
Au réseau des caisses du Mouvement Desjardins, on oeuvre sur plusieurs aspects simultanément, et tout d’abord, sur la relève à l’interne. Mission accomplie de ce côté. «C’est plutôt pour les gens d’expérience qu’on doit aller à l’extérieur», note Danielle Perreault.
On a également restructuré les tâches et les modes de distribution des services, par exemple, en augmentant le volume d’affaires de certains conseillers en fonction de clientèles spécifiques. Un réaménagement sur ce plan peut éviter le recours à un planificateur, ou le retarder.
Depuis quelques mois, Desjardins se rapproche des universités «pour amener les jeunes à choisir Desjardins comme milieu de stage dès les premières années du baccalauréat en administration».
L’institution s’est aussi tournée vers les réseaux sociaux comme Facebook, LinkedIn et Twitter. Sur Facebook, par exemple, les «amis» de Desjardins sont avisés par pop-up de toute nouvelle mise à jour d’information sur le site Carrières de Desjardins.
«L’effet réseau social est fertile, confie Danielle Perreault. Nous avons recruté par cette voie, mais nous ne voulons pas donner de chiffres.» C’est sans compter les réseaux sociaux – mais pas électroniques – de Desjardins, qui ont mis en place une campagne promotionnelle de référencement par les employés, en offrant notamment une prime liée à certains postes clés.
Toutes ces mesures permettront-elles de remédier à la pénurie ? Difficile à dire, d’autant plus qu’on s’attend à ce qu’elle soit plus importante au cours des prochaines années.
Une chose est sûre : l’obstacle que représentait pour certains l’exigence d’un baccalauréat pour obtenir un permis de planificateur semble en voie d’être surmonté dans les universités, à en juger par l’expérience de l’Université Laval. «Ceux qui sont sur les bancs d’école nous permettent de croire que la situation pourrait s’améliorer», avance Stéphane Chrétien.