«De plus, State Farm est un assureur très conservateur. Le portefeuille d’assurance vie acquis est donc de très haute qualité», ajoute-t-elle.

En ce qui a trait à la portion acquise en fonds communs, Christiane Bergevin cite cet avantage. «Une fois de plus, il s’agit d’un portefeuille relativement petit (350 M$) par rapport au portefeuille actuel de Desjardins (13 G$), mais l’attrait de la transaction se trouve dans la distribution. Nous avons plus de 500 nouvelles agences, dont 450 environ en Ontario et quelques-uns en Alberta et au Nouveau-Brunswick. Cela va de pair avec notre stratégie de croissance».

Tournant

L’attrait majeur de la transaction réside toutefois dans l’acquisition des activités de State Farm en assurance de dommages, puisque la coopérative devient ainsi le deuxième assureur en importance au Canada dans ce domaine.

Le volume de primes brutes souscrites annuelles passera de 2 G$ environ à près de 3,9 G$.

«Cette transaction est carrément un « game changer », puisqu’elle modifie le centre de gravité de l’industrie et de Desjardins. Elle fait soudainement de l’assurance un point névralgique du Mouvement», dit Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal, expert en alliances stratégiques, fusions et acquisitions.

«Le Mouvement Desjardins renforce son positionnement en assurance au Canada grâce à l’élargissement de l’accès à la clientèle et à la réalisation d’économies d’échelle», a déclaré pour sa part Monique F. Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins.

En effet, selon Louis Hébert, en plus de la croissance géographique, la transaction est intéressante puisqu’elle permettra à Desjardins d’amortir ses coûts sur un plus large volume et d’offrir une gamme de produits plus vaste. Par ailleurs, la concurrence de la coopérative est également allégée.

Louis Hébert va jusqu’à qualifier cet achat de «grand coup». «Le marché québécois lui offre déjà très peu d’occasions de croissance, et ce sera plus en plus difficile pour Desjardins de prendre de l’expansion dans la province, il faut donc absolument que le Mouvement se tourne vers le marché canadien pour croître», croit-il.

Philippe Grégoire, professeur agrégé et titulaire de la Chaire d’assurance et de services financiers L’Industrielle-Alliance de l’Université Laval abonde dans ce sens. «Il y a beaucoup de consolidations en assurance ces temps-ci et on entend souvent dans le milieu que si ce n’est pas vous qui faites les acquisitions, c’est vous qui serez acheté.»

Philippe Grégoire souligne que non seulement Desjardins vient de s’emparer d’une nouvelle part de marché, mais aussi, qu’elle profitera de l’expertise d’un des assureurs les plus importants des États-Unis.

Ménage à trois

La coopérative québécoise a dévoilé qu’elle consacrerait environ 700 M$ en capitaux pour appuyer la croissance de son assureur de dommages. Crédit Mutuel, groupe financier coopératif européen et partenaire du Mouvement Desjardins, y investira aussi 200 M$.

La filiale d’assurance de personnes, Desjardins Sécurité financière, ainsi que certaines autres entités, fourniront environ 250 M$ en capitaux pour le volet de l’entente qui touche l’assurance de personnes, les fonds communs de placement, les prêts et l’assurance de prestations du vivant.

Par cette entente, State Farm aura droit à un investissement de 450 M$ en actions privilégiées non votantes dans la filiale d’assurance de dommages du Mouvement Desjardins, y compris dans les activités de State Farm Canada nouvellement acquises.

Selon Louis Hébert, il s’agit d’un des éléments les plus particuliers de la transaction. «Ce qui est intéressant, c’est la façon dont la consolidation se fait. Le vendeur, State Farm, reste présent. D’ailleurs, la culture de la mutuelle ressemble à celle de Desjardins. De plus, le Mouvement solidifie sa collaboration avec Crédit Mutuel. C’est une association avec un partenaire américain et un partenaire européen.»

Christiane Bergevin mentionne que les négociations entre State Farm et Desjardins se déroulaient depuis un an. «En 2009, nous avions signifié notre intention de croître en assurance. Notre unité d’Assurances générales a donc ciblé des compagnies qui correspondaient à la culture de Desjardins et nous avons approché State Farm.»

Une acquisition qui se déroule sur une longue période permet aux sociétés de bien se connaître, considère-t-elle. Le responsable des communications de Desjardins, André Chapleau, précise que le montant de la transaction n’a pas été dévoilé, puisque «N’étant pas une entreprise publique, State Farm a préféré ne pas le révéler.»

100 emplois au Québec

Une fois la transaction conclue, Desjardins accueillera les 1 700 employés canadiens de State Farm ainsi que le réseau canadien de plus de 500 agents au service de plus de 1,2 million de clients actuels de l’entreprise en Ontario, en Alberta et au Nouveau-Brunswick.

Dans son communiqué, Desjardins indique que des emplois seront créés au Québec. Interrogé à ce sujet par Finance et Investissement, André Chapleau répond que «le soutien aux activités canadiennes était fait à partir du siège social aux États-Unis, alors nous rapatrions ces activités à Lévis notamment. Ce sera un gain d’une centaine d’employés pour notre siège social».

La clôture de la transaction est prévue pour le mois de janvier 2015. Desjardins pourra exploiter les affaires canadiennes de State Farm sous l’enseigne de cette dernière, et ce, pendant un certain temps.

En collaboration avec Les Affaires