Il pourrait en être différemment si la fiducie a elle-même des créanciers. Ces derniers pourraient alors réaliser leur créance à même le patrimoine fiduciaire. Cependant, on évitera de placer la fiducie dans une telle situation et on ne lui créera pas d’obligations dont elle aurait à s’acquitter, particulièrement lorsque la caractéristique recherchée est la protection contre les créanciers.
Ne cherchez pas, ni dans le Code civil ni dans la Loi de l’impôt sur le revenu, des chapitres qui traitent des fiducies de protection d’actif. C’est un nom, ou plutôt une vocation, que les praticiens lui ont donné.
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On connaît bien les fiducies familiales, qui ont principalement pour mission de permettre le fractionnement de revenus et la multiplication de l’exonération de gain en capital au sein d’une même famille. Nous verrons plus loin comment de telles fiducies peuvent également permettre d’atteindre ce but.
Les règles qui mènent à la création d’une fiducie feront en sorte que celle-ci sera à la fois conforme aux règles de droit civil permettant son existence, et pourra aussi éviter les nombreux pièges fiscaux conçus par le législateur à la faveur des planifications de plus en plus sophistiquées élaborées par les fiscalistes.
Avantageuse fiducie à soi-même
Un premier type de fiducie est la fiducie à soi-même que l’on retrouve dans la Loi de l’impôt sur le revenu et qui permet à la fois de protéger les biens des créanciers et de faciliter la gestion d’actif pour des personnes qui avancent en âge.
En effet, ces fiducies ont été conçues à la base pour les personnes de 65 ans et plus. Elles peuvent être simples ou mixtes, c’est-à-dire au bénéfice du constituant et de son conjoint. Dans ce dernier cas, les règles d’attribution s’appliqueraient de la manière qu’elles s’appliquent par ailleurs entre conjoints.
Le constituant de la fiducie à soi-même sera le propriétaire des biens à transférer et il en sera le seul bénéficiaire (avec son conjoint, dans le cas de fiducies mixtes).
Son principal avantage est qu’elle permettrait de transférer l’actif du constituant en franchise d’impôt, contrairement aux autres types de fiducies. Dans la mesure où les biens que l’on souhaite y transférer ont un gain en capital latent important, cette caractéristique sera très prisée.
Par contre, au décès du constituant, la fiducie prendra fin et le capital fiduciaire restant sera assujetti aux règles de disposition réputée. Parmi les autres caractéristiques, soulignons l’absence de disposition réputée chaque 21 ans qui touche les autres types de fiducies.
En fait, la fiducie à soi-même permet de nommer des fiduciaires qui auront le pouvoir de gérer l’actif d’une personne âgée d’une façon plus efficace, et peut représenter une solution de rechange à la gestion d’autrui par mandat en cas d’inaptitude.
Cependant, à partir de 65 ans, l’aspect protection des créanciers peut s’avérer moins essentiel. Cette caractéristique devrait davantage intéresser une clientèle plus jeune. Toutefois, le recours à ce genre de fiducie avant 65 ans ne permettrait pas de nommer des bénéficiaires subsidiaires au décès du constituant bénéficiaire. Le capital fiduciaire revenant ainsi dans sa succession, la protection contre les créanciers pourrait être compromise pour ses ayants droit.
Comme le démontre le schéma, il existe une autre manière de protéger des actifs de ses créanciers, tout en bénéficiant d’autres avantages pour le particulier entrepreneur dans sa phase active.
En effet, dans notre exemple, la fiducie familiale de Jean détient les actions de la société par actions Jean inc., et l’un des bénéficiaires de la fiducie est une société de portefeuille Gesco Jean inc., dont les actions sont détenues par la fiducie.
Dans un tel scénario, Jean inc. et Gesco Jean inc. sont considérées comme des sociétés rattachées, ce qui permet à la fiducie d’attribuer le dividende provenant de Jean inc. à Gesco Jean inc. sans qu’aucun impôt supplémentaire ne soit exigible, celui-ci étant un dividende intercorporatif non soumis à l’impôt de la partie IV.
Actifs devenus insaisissables
Quelle sera la situation de Jean par rapport à ses créanciers et à ceux de son entreprise ? Le risque de Jean devrait venir en principe de l’exploitation de Jean inc. Normalement, les créanciers de Jean inc. devraient se satisfaire des actifs de Jean inc. pour réaliser leur créance.
De plus, certains créanciers, notamment les banques, exigeront un endossement personnel de Jean. Ce dernier devra répondre à même ses propres actifs des cautions ainsi fournies. Par contre, la fiducie n’ayant pas donné caution, ce qui irait normalement à l’encontre de sa mission, les actifs détenus par Gesco Jean inc. seraient alors insaisissables.
Toutefois, ce type de fiducie est assujetti à la disposition réputée chaque 21e anniversaire. Afin d’éviter les conséquences d’une telle disposition réputée, les fiduciaires pourraient favoriser le démantèlement de la fiducie avant cette échéance et l’attribution des actions de Gesco Jean inc. à l’un ou l’autre des autres bénéficiaires (autre qu’une fiducie) qui normalement pourrait se faire par voie de roulement.
Si par ailleurs des problèmes financiers pointent à l’aube de cet anniversaire, les fiduciaires seraient alors avisés de subir les effets de la disposition réputée afin de protéger au moins une portion des actifs.
L’usage des fiducies permettra toujours de réaliser l’objectif de protection contre les créanciers, la structure retenue devra tenir compte des circonstances propres au client concerné.