Dans son livre Guardians of Prosperity: Why America Needs Big Banks, Richard X. Bove critique avec virulence la nouvelle réglementation financière des États-Unis.
Il qualifie de «stupides» les nouvelles mesures mises en place par le Dodd-Frank Act. Selon lui, celles-ci ont affaibli le secteur bancaire américain et réduit sa capacité à affronter ses concurrents sur la scène financière internationale.
«Si les États-Unis ne cessent pas de faire pression sur leurs banques, dans dix ans, Toronto deviendra le premier centre financier en Amérique du Nord», a-t-il affirmé lors d’une entrevue téléphonique.
Il souligne que contrairement aux États-Unis, le Canada encourage la diversification et l’internationalisation de ses institutions bancaires.
«Parmi les neuf plus grandes banques d’Amérique du Nord, cinq sont canadiennes. La plus petite d’entre elles est plus importante que n’importe quelle banque régionale américaine», déplore-t-il.
Les États-Unis perdront leur position dominante dans l’architecture financière mondiale si les institutions financières continuent de quitter New York et si les banques canadiennes continuent à croître plus rapidement que les banques américaines, prévoit-il.
Montée de la Chine
Cependant, avant de se préoccuper de la puissance financière canadienne à venir, Richard X. Bove croit qu’il faut craindre la montée de la Chine, qui compte aujourd’hui plusieurs des banques les plus importantes du monde (voir le tableau).
«La banque la plus importante de Chine réalise autant de bénéfices que JPMorgan Chase et Wells Fargo réunies», note-t-il.
Richard X. Bove s’inquiète particulièrement de l’effet de cette nouvelle configuration internationale sur la place du dollar américain dans l’économie mondiale.
«Il est irréaliste de croire qu’un pays aussi endetté que les États-Unis, qui affiche une balance commerciale négative, pourra fournir encore longtemps au monde une monnaie internationale», prévient-il.
D’une manière quelque peu contradictoire, l’analyste souligne aussi que les banques américaines n’ont jamais enregistré autant de bénéfices. Il prévoit même que 2014 sera une meilleure année encore.
Alors, quel est le problème ? «Le but de mon livre n’est pas de défendre les banques. Je veux simplement montrer que l’ensemble de l’économie américaine est heurté par les politiques du gouvernement américain», précise-t-il.
«Les ménages reçoivent moins de services bancaires, les entreprises sont moins soutenues par les banques, il y a un manque de liquidités sur les marchés, et la position des États-Unis dans la finance mondiale est menacée», explique-t-il.
Retour du balancier
Thierry Warin, professeur de finance à HEC Montréal, ne partage pas les craintes de l’analyste américain.
«Je ne m’inquiète pas vraiment du déclin de l’empire financier américain», dit-il. Les États-Unis continuent, selon lui, d’être une terre d’accueil plus propice à l’industrie financière que ne l’est la Chine.
Grâce à leurs nombreuses universités et au savoir-faire acquis avec le temps, les États-Unis sont un peu la «Silicon Valley de l’industrie financière», souligne-t-il.
Même s’il concède que les nouvelles réglementations sont un réel «choc pour l’industrie», il juge qu’elles ont pour but de «casser les monopoles» afin de rendre l’industrie plus concurrentielle.
«Au fond, Richard X. Bove reprend les mêmes arguments qu’on avançait dans les années 1990 pour défendre la déréglementation financière, croit Thierry Warin. Toutefois, on était allé trop loin à ce moment-là et on est peut-être en train de retrouver le bon équilibre.»
Empêcher les mauvais prêts
De son côté, Richard X. Bove n’en démord pas : ces nouvelles règles sont «inutiles». Il est particulièrement irrité par le Dodd-Frank Act, qui empêche une institution financière présente aux États-Unis de contrôler plus de 10 % de tout le passif financier du système.
Il souhaite aussi que la Volcker Rule, une règle qui vise à limiter les investissements spéculatifs des banques, soit révoquée.
Par ailleurs, il n’a que des critiques à l’égard des nouveaux ratios de capitaux propres et des limites d’endettement imposées par les Accords de Bâle III. «Nous n’avons pas eu de telles règles depuis 80 ans, alors pourquoi les imposer aujourd’hui ?» demande-t-il.
Que propose-t-il ? Plutôt que de demander aux banques de maintenir des ratios plus élevés de capitaux, on devrait tout simplement les empêcher de faire de mauvais prêts, croit Richard X. Bove.
C’est dans l’application de la réglementation existante qu’il y a un problème, selon lui. «Les organismes de réglementation bancaires ont des employés qui travaillent sur place, dans les banques. Pourquoi diable n’ont-ils pas fait leur travail ? Si les organismes de réglementation avaient été suffisamment aux aguets, il n’y aurait tout simplement pas eu de crise financière», conclut-il.