De nombreuses entreprises ont annoncé que le travail hybride se poursuivra à long terme. Il est toutefois possible que le travail hybride d’aujourd’hui diffère de celui qui émergera après la pandémie. Les entreprises devront peut-être faire preuve de souplesse en matière de flexibilité.
Ne vous attendez pas à ce que le secteur financier canadien fasse de grandes annonces audacieuses sur ses modalités de travail hybride, commente Jennifer Reynolds, PDG de Toronto Finance International, un partenariat public-privé entre les plus grandes institutions financières du pays et le gouvernement.
Alors que les entreprises du secteur envisagent le travail hybride, « beaucoup d’entre elles mènent ou ont l’intention de mener des essais pilotes sur différents types de modèles », rapporte-t-elle. Ces projets pilotes peuvent varier en fonction d’éléments tels que le type de travail ou l’équipe. « On aborde la question avec beaucoup de souplesse [et] de créativité », assure-t-elle, ce qui permet aux meilleures approches d’évoluer. « Mais personne ne sait encore s’il a le modèle parfait ».
La Financière Sun Life a opté pour une affirmation forte et audacieuse : la flexibilité totale. Dans un communiqué, l’assureur a déclaré que la plupart de ses employés pourront choisir leur lieu de travail, dans la mesure où les besoins des clients et de l’entreprise sont prioritaires. Aucun nombre minimum de jours de travail en présentiel n’est requis.
RBC a certifié que la flexibilité serait permanente, mais les détails de son plan d’action sont encore en cours d’élaboration.
« Nous croyons que les modèles de travail flexibles et hybrides sont là pour rester, et que le rôle du bureau a changé pour toujours », a écrit le chef de la direction de l’institution Dave McKay dans un message sur LinkedIn.
RBC n’adoptera pas un mandat unique, et les dirigeants et les équipes élaborent des arrangements « qui correspondent le mieux à leurs diverses expériences quotidiennes et aux besoins des clients qu’ils soutiennent », a-t-il précisé. La banque va tester, apprendre et ajuster son approche au cours des prochains mois.
Interrogées sur le travail hybride dans la gestion de patrimoine, les autres grandes banques ont répondu que les dispositions étaient encore en cours d’élaboration, mais ont confirmé que le travail hybride resterait.
Pendant la pandémie, le travail flexible, ainsi que l’innovation numérique, « ont apporté une valeur ajoutée à nos collègues et aux expériences de leurs clients, a soutenu un porte-parole de la TD dans un communiqué. Nous sommes en train de finaliser notre programme de retour au bureau qui comprendra des arrangements en présentiels, hybrides et d’autres arrangements de travail agile. »
Steve Galimi, vice-président de la stratégie et de la performance chez Financière Banque Nationale – Gestion de patrimoine, a déclaré dans un communiqué que le modèle de travail hybride de l’entreprise « permettra aux conseillers d’alterner les jours au bureau et les jours de travail à distance et tiendra compte des besoins de [leurs] clients et employés. »
ScotiaMcLeod a déclaré qu’elle prévoyait « un modèle flexible qui [leur] permettra de personnaliser [leur] prestation de services en fonction des préférences des clients et des collègues, des circonstances et de nombreuses autres considérations. » Et un porte-parole de la CIBC a ajouté que le travail futur « mélangerait le meilleur du travail en présentiel et à distance. »
Le travail à distance n’est probablement pas nouveau pour les conseillers qui passent du temps hors du bureau à rencontrer des clients ou des prospects. Ce qui a changé, c’est l’utilisation accrue de la technologie, même pour établir des relations.
Ann Felske-Jackman, directrice chez Edward Jones, a déclaré que si l’entreprise a toujours valorisé les contacts en face à face, la pandémie a montré que ces contacts peuvent être facilités par la technologie. Plus de 70 % des conseillers de la société affirment qu’ils continueront à utiliser la technologie pour servir leurs clients, en fonction de ces derniers.
« Le test ultime est de savoir ce qui est le mieux pour le client, affirme Ann Felske-Jackman. Nous devons mettre en place un système où nous [leur] offrons le choix. »
Shaun Hauser, président de Wellington-Altus Private Wealth, rapporte que les conseillers du cabinet disposaient d’une certaine flexibilité avant la pandémie pour travailler de la manière qui leur convenait le mieux, y compris à distance. Le cabinet, fondé en 2017, a construit son infrastructure technologique pour s’adapter à la flexibilité et à la croissance. L’objectif qui prime est qu’au final, le client soit correctement servi, a-t-il précisé.
Jamie Coulter, vice-président exécutif de la gestion de patrimoine chez Raymond James, a déclaré que les modalités de travail flexibles au sein de l’entreprise seront un plus grand changement pour les employés dans des domaines tels que le soutien aux ventes et les opérations que pour les conseillers, qui étaient probablement déjà hors du bureau quelques jours par semaine avant la pandémie. Le cabinet recueille les commentaires des employés et analyse les styles de travail dans les différents services, alors qu’il envisage une politique plus définie pour la gestion des équipes à distance, a-t-il décrit.
Les problèmes soulevés par le travail hybride
Si les recherches indiquent que le travail à domicile peut améliorer la productivité, le travail hybride n’est pas sans poser quelques problèmes, que les entreprises devront résoudre.
Pour réussir, le travail hybride peut nécessiter de nouvelles compétences en matière de gestion et de nouvelles façons de créer une culture d’équipe, commente Jennifer Reynolds.
Selon Ann Felske-Jackman, les dirigeants d’entreprise « devront probablement faire preuve d’une plus grande empathie et d’une meilleure compréhension de ce que nos associés et nos dirigeants essaient d’accomplir tant sur le plan personnel que professionnel » lorsqu’ils travaillent à distance. Des compétences sont également nécessaires pour des tâches telles que la tenue de réunions à distance et les remue-méninges, a-t-elle ajouté.
Selon Jamie Coulter, la technologie a soutenu la culture d’entreprise en permettant à Raymond James de renforcer ses messages auprès d’un plus grand nombre d’employés par le biais de réunions et de conférences virtuelles, et d’entrer en contact avec un plus grand nombre de clients par le biais de webinaires. Dans le même temps, la direction doit s’efforcer de créer des interactions informelles en personne entre les équipes à distance. « La colle qui nous unit est le capital social », assure-t-il.
La culture d’entreprise peut être une préoccupation particulière pour le cabinet relativement nouveau de Wellington-Altus. « La culture ne se construit pas avec Zoom », constate Shaun Hauser.
Cette préoccupation pourrait toutefois s’atténuer avec l’avènement du travail hybride. Selon lui, les conseillers et le personnel de l’entreprise commencent à revenir au bureau pour des raisons sociales et de santé mentale.
À Wall Street, le présentiel l’emporte
L’un des domaines où le travail au bureau pourrait l’emporter est celui des marchés financiers.
La tendance de Wall Street à revenir au bureau a été présentée comme le reflet d’une culture d’entreprise qui privilégie les réunions en face à face pour conclure des accords. Les transactions sont tout aussi importantes pour les entreprises canadiennes, selon Jennifer Reynolds, et les choix de Wall Street en matière de travail pourraient donc avoir des répercussions sur Bay Street. « Ce qui se passe aux États-Unis a toujours une influence sur le Canada », dit-elle.
Dans le même temps, de nombreuses entreprises du secteur opèrent à l’échelle mondiale et devront faire preuve de souplesse et envisager leurs politiques de travail pays par pays. « Il n’existe pas de modèle unique pour une organisation internationale », ajoute-t-elle.
Lorsque les travailleurs du secteur de la gestion de patrimoine commenceront à retourner au bureau, Jamie Coulter prévoit deux phases. Tout d’abord, au cours de l’automne, les travailleurs passeront par une phase d’acclimatation à leurs journées de travail au bureau.
La deuxième phase n’est pas encore définie, mais elle dépendra de la première. Vers la fin de l’année, il s’attend à ce qu’il se pose la question suivante : « Qu’avez-vous appris de l’expérience de l’automne et comment cela va-t-il influencer votre réflexion en tant qu’organisation pour l’année prochaine ? »
« Cela pourrait être une conversation très intéressante », conclut Jamie Coulter.