En outre, à l’approche de la retraite, les investisseurs ont tendance à chercher refuge dans les fonds de revenu fixe, et trouvent du réconfort dans les rendements obtenus par ces actifs au cours des dernières années.

«On le remarque, les fonds les plus vendus pendant les deux dernières années sont les fonds de revenu fixe. Pourtant, les actifs de revenu fixe sont de moins en moins intéressants», poursuit Patrick Farmer.

En effet, le risque est grand de se retrouver avec un rendement négatif si on détient trop de revenu fixe quand les taux augmenteront, dit-il en substance.

«Si les taux se normalisent au cours des cinq prochaines années, par exemple, les fonds de revenu fixe deviendront très chers, ajoute-t-il. Même dans l’immédiat, il peut coûter beaucoup plus cher d’acquérir des obligations que des actions dans le contexte actuel.»

À cela s’ajoute le maintien des faibles taux d’intérêt, rendant l’obtention de bons rendements obligataires de plus en plus difficile.

Les actions

C’est pourquoi certains gestionnaires sont d’avis que le moment est venu d’accorder une plus grande importance à la portion équité des portefeuilles. Tout en tablant sur une croissance modeste des rendements.

«Nous misons sur une croissance modeste des rendements dans un contexte de très lente reprise économique», indique Suzann Pennington, qui dirige les Actions canadiennes pour le compte de Gestion globale d’actifs CIBC.

Selon elle, c’est le moment pour les investisseurs de se concentrer sur le rendement global du portefeuille, et non sur ce qu’on peut tirer de titres ou de catégories d’actif en particulier.

«Chercher la bonne source de rendement est probablement une mauvaise façon de voir les choses.» Les investisseurs, tout comme de nombreux conseillers, ont tendance à réagir aux conditions de marché et à tenter de se prémunir contre ce qui vient de se passer. Avec pour résultat que plusieurs estiment qu’il faut absolument revoir la répartion d’actifs.

«Tout le monde se demande quoi faire. Pourtant, ne rien faire dans le portefeuille n’est pas un signe d’inactivité», poursuit-elle. Autrement dit, planifier une stratégie à long terme qui se déploiera sur quelques trimestres, lentement mais sûrement, n’est pas une mauvaise chose.

Le réinvestissement

Tout laisse croire qu’il y aura encore beaucoup de volatilité dans les prochains trimestres, et qu’il faut donc être prudent dans le remaniement des portefeuilles. «Changer les pondérations implique qu’il faut viser juste, tant pour la vente que pour le rachat d’actif, déclare Suzann Pennington. Dans le contexte actuel, c’est très difficile.»

Il n’en reste pas moins que le marché des actions est particulièrement attrayant à bien des égards.

«Si vous achetez des titres avec des ratios cours/bénéfices de 7,3, on peut raisonnablement prédire que, toutes choses étant égales par ailleurs, les rendements peuvent atteindre jusqu’à 20 % par an», affirme pour sa part Patrick Farmer.

Ce qui ne signifie évidemment pas que tout est bon. Au contraire.

Par exemple, «je n’ai aucune banque dans mon portefeuille», lance Hugo Lavallée, gestionnaire d’actions canadiennes chez Fidelity. Malgré leur excellente performance, les grandes banques à charte commencent à constituer un risque, dans la mesure où l’incertitude règne dans le marché immobilier, alors «qu’une portion importante de leur bilan est constituée de crédit hypothécaire».

En fait, la baisse du marché immobilier canadien est probablement ce dont il faut se méfier le plus à l’heure actuelle si l’on mise sur les actions canadiennes, croit-il. «Et si elle est pire que prévu – une baisse de 5 %, par exemple -, les gens auront de mauvaises surprises», ajoute le gestionnaire montréalais.

À l’opposé, les assureurs de personnes sont privilégiés par Hugo Lavallée. «Avec tout ce qui s’est passé, cela ne peut que mieux aller», dit-il, ajoutant que malgré tous leurs problèmes, qui sont maintenant escomptés par le marché, certains assureurs ont très bien géré leur actif et ont un excellent bilan comptable.

Quant aux ressources naturelles, dont le Canada regorge et qui font la joie des économies émergentes, c’est un secteur «qu’on voit à la baisse à long terme», souligne Hugo Lavallée. Les pétrolières revoient tous leurs projets et «leurs titres ont arrêté de grimper».

Les dividendes

Enfin, les conseillers tentés par la surpondération des dividendes doivent rester prudents, pense Thomas Pinto Basto, gestionnaire de portefeuille chez Fonds Westwood.

«Beaucoup de gens souhaitent avoir tiré le meilleur rendement des dividendes. Mais lorsque les sociétés offrent des dividendes trop élevés, il y a quelque chose de fondamentalement vicié dans l’entreprise. Soit elles veulent empêcher les investisseurs de vendre les titres, soit elles ont des problèmes financiers», estime le vice-président de la nouvelle équipe récemment recrutée par la Banque Nationale.

Pour une société qui gère ses bénéfices selon un équilibre entre le réinvestissement et le versement de dividendes, le fait de favoriser un côté de l’équation plutôt qu’un autre est parfois périlleux.

Les sociétés qui arrivent au point d’équilibre sont généralement celles qui ont les meilleurs bilans financiers.

À cet égard, les dividendes en deçà de 5 % sont à privilégier pour Thomas Pinto Basto. «Une société qui verse une portion de ses bénéfices en dividendes et qui réinvestit en outre dans sa croissance est toujours intéressante. Par définition, en mettant l’accent sur la croissance des bénéfices, par exemple, une telle entreprise accroîtra son dividende.»