Iagree AI est une jeune startup montréalaise qui aide les consommateurs à réduire leur risque de fraude, en leur permettant d’identifier les clauses suspectes dans les Termes & Conditions et les Politiques de Confidentialité, à l’aide de l’intelligence artificielle (IA).
Cette idée est venue à Charles LeSieur de son expérience personnelle. « J’avais le sentiment de passer mon temps à cocher des cases en disant que j’acceptais ceci et, évidemment, dans l’immense majorité des cas je ne les lisais pas. J’avais une espèce de conflit interne, je me disais je suis en train de mentir », raconte le fondateur de la startup en entrevue avec Finance et investissement.
Après avoir réalisé qu’en tapant certains mots clés, comme le signe de dollar ou « données privées », il était possible de passer rapidement à travers ces politiques, Charles Lesieur a compris qu’il y avait une opportunité d’automatiser la lecture de ces longs documents grâce à l’IA et plus particulièrement grâce au traitement du langage.
« L’idée assez simple c’est d’avoir une IA qui va analyser ce contrat pour moi et en faire ressortir les points principaux ou les points qui nécessitent mon attention, s’il y en a », précise Charles LeSieur.
Charles LeSieur était alors familier avec l’IA puisqu’il travaillait chez Stradigi AI Inc., une entreprise qui réalise des travaux et des algorithmes sur l’IA pour d’autres entreprises. S’il travaillait alors pour la partie commerciale, il était déjà au fait de ce qu’était réellement l’IA et ce qu’elle pouvait faire.Il a donc facilement fait le saut de la commercialisation à la technologie.
À partir de son expérience personnelle, qu’il a enrichie de discussions sur Internet et de rencontres avec des avocats spécialisés en la matière, Charles LeSieur a fait ressortir trois thèmes essentiels que l’on trouve dans ce genre de contrat :
- Les notions financières : y a-t-il des pénalités ou des pièges à l’abonnement et l’utilisateur devra payer des frais incroyables en acceptant les termes et conditions? « C’est un point important, on parle ici du portefeuille des gens », commente-t-il.
- La collecte de données : ce point-ci soumet le consommateur à un risque de fraude. La question est donc : quelles données vont être collectées? Vont-elles être partagées ensuite?
- La propriété intellectuelle : sur certaines plateformes, l’utilisateur va partager des photos ou du contenu. Abandonne-t-il une licence à ces plateformes qui leur permet de faire ce qu’elles veulent avec le contenu créé par l’utilisateur?
Après avoir déterminé les thèmes jugés essentiels, l’IA a été entraîné à les reconnaître en lui montrant des exemples de phrases sur ces thèmes dans des Termes & Conditions.
Aujourd’hui le taux de précision de iagree AI est autour de 93 %.
Une entreprise bien entourée
L’entreprise qui va fêter son premier anniversaire ce mois-ci a déjà participé à de nombreux programmes de soutien aux startups.
Il fait ainsi parti du Centech (ÉTS). Iagree AI avait été sélectionnée pour la phase d’accélération de trois mois en mai 2019 et fait maintenant partie du programme d’incubation de deux ans. « C’est un suivi sur du long terme pour ce qui est presque le quotidien d’une startup. Ils te mettent en relation pour des tarifs très préférentiels avec des comptables, des avocats et un coach personnel », décrit Charles LeSieur.
En plus de Centech (ÉTS), iagree AI participe également au programme Startup en résidence de Desjardins. Contrairement à Centech, ce programme n’est pas sur concours. Il nécessite un parrain à l’intérieur de l’organisation que le produit intéresse et qu’il juge intéressant pour Desjardins.
« Eux leur focus, c’est en tant qu’institution. Qu’est-ce qui nous intéresse dans ton produit, comment on peut t’aider, où tu résous des problèmes chez nous et comment tu dois te positionner. C’est très intéressant d’avoir ce focus », s’enthousiasme Charles LeSieur.
Et récemment, iagree AI a été sélectionné pour faire partie du programme d’accélération Next AI. Ce programme dure six mois et offre des cours et l’accès à des mentors.
« Là, c’est vraiment la partie technique qui est intéressante pour nous. On est en relation avec un tas d’experts et de spécialistes techniques de l’IA de Montréal qui nous accompagnent pour développer des fiducies. »
Un produit pour tout le monde
Si iagree AI a déjà un pied dans l’industrie de la finance et les institutions bancaires, Charles LeSieur destine son programme à tout le monde. Il y en aura donc deux versions, explique-t-il, une gratuite pour monsieur et madame tout le monde et une payante pour les institutions financières.
« J’en reviens un peu à la genèse du produit : on veut que monsieur et madame tout le monde soient capables de mieux se protéger, de comprendre ce à quoi ils consentent, de prendre des décisions plus éclairées sur internet et donc de se protéger éventuellement de la fraude et d’avoir un peu leur mot à dire sur les services qu’ils utilisent et acceptent », explique Charles LeSieur.
Mais en plus de ces utilisateurs, iagree AI aura aussi des clients comme Desjardins et les autres grandes institutions financières.
« On a découvert en parlant autour de nous que le genre de problèmes liés à l’acceptation trop rapide de termes et conditions sur Internet coûte très cher aux banques. Dans l’immense majorité des cas, une banque va couvrir lorsqu’un consommateur est victime d’une fraude », raconte Charles LeSieur.
Le produit proposé par iagree AI ne résoudrait bien sûr pas tous les problèmes de fraude, mais vu que ceux-ci coûtent particulièrement cher (en 2017 la fraude aux États-Unis a coûté près de 16 milliards de dollars (G$)), la moindre solution pourrait permettre d’économiser plusieurs millions de dollars.
Pour ses clients, iagree AI proposerait une licence Chrome labellisée à leur propre image. L’offre serait également bonifiée pour offrir par exemple, des services anti hameçonnage ou d’autres services de sécurité plus ou moins classiques.
Le produit fonctionne comme une extension de Chrome, il suffit simplement de l’installer sur son navigateur et qu’il soit confronté à une page d’acceptation de termes et conditions pour qu’il fonctionne.
Pour le moment, il existe une version bêta pour Google Chrome, mais comme la plupart des navigateurs reposent sur Chromium, un navigateur web libre qui sert de base à plusieurs autres navigateurs, il sera rapidement disponible pour d’autres navigateurs. Il existe ainsi déjà une version alpha pour Mozilla Firefox, ce qui rend facile de le porter après sur Opera et Microsoft Edge.
La COVID-19, une opportunité?
Si la pandémie risque d’être particulièrement néfaste pour les startups, Charles LeSieur tente de voir le côté positif.
« Il y a une nouvelle vague d’utilisateurs qui commencent à faire des choses qu’ils ne faisaient pas avant, justement des achats en ligne. Donc, effectivement, la fraude va augmenter et notre outil peut servir pour endiguer cette vague », relève-t-il.
Cette crise soulève aussi une question autour de la vie privée et des données personnelles. Les scandales autour de Zoom et leur politique de confidentialité montre effectivement le besoin d’avoir un service comme celui que propose iagree AI qui permettrait de mieux comprendre ces politiques avant de les accepter, indique Charles LeSieur.