Les produits dérivés tels que les contrats à terme (de gré à gré et normalisés à la Bourse), les options et les swaps sont des instruments financiers souvent indispensables à de nombreuses entreprises.
Ils permettent à ces dernières de se protéger contre les variations imprévisibles des taux de change, des taux d’intérêt et des prix des matières premières. Les sociétés réduisent ainsi le niveau de risque financier auquel elles sont exposées.
Au Canada, environ le tiers des entreprises inscrites en Bourse ont recours à ces instruments financiers. Elles sont habituellement de grande taille et oeuvrent dans tous les secteurs de l’économie, selon l’étude.
L’utilisation de ces produits s’accroît en période de plus forte incertitude, comme lors de la crise financière et économique de 2008-2010, précise l’étude.
Déchiffrer les états financiers
Toujours selon ce document, les entreprises qui utilisent les produits dérivés de manière optimale sont plus rentables. Elles représentent donc de bien meilleures occasions d’investissement que celles qui les utilisent peu efficacement.
Toutefois, il est très difficile de repérer ces entreprises efficientes, disent les spécialistes interrogés par Finance et Investissement (les analystes de la Banque du Canada ont pour leur part décliné notre demande d’entrevue).
Cela tient au fait que dans leurs états financiers, ces entreprises ne précisent ni la nature ni l’ampleur des risques couverts, bien qu’elles donnent de l’information sur leurs opérations de couverture (par exemple le résultat net).
Néanmoins, les états financiers peuvent nous apprendre certaines choses sur l’utilisation des produits dérivés, souligne Michel Delisle, directeur de projets à Finance Montréal, où il s’occupe du chantier sur les produits dérivés.
Ainsi, un conseiller peut prêter attention aux notes contenues dans les états financiers. «Les entreprises y indiquent les risques auxquels elles sont exposées et les mesures qu’elles ont prises pour les atténuer», explique Michel Delisle.
Le conseiller peut aussi surveiller les mentions «éléments inhabituels» ou «éléments exceptionnels» dans les états financiers. Ces mentions indiquent une perte de valeur liée à un actif qui n’est pas attribuable aux activités habituelles de l’entreprise.
Cela montre que la société ne se sert pas de produits dérivés pour réduire les risques, ou qu’elle les utilise mal, souligne Michel Delisle. «Quand il s’agit d’un événement lié aux opérations de l’entreprise, on parle alors d’éléments extraordinaires.»
Les plus efficaces
Outre les états financiers, les conseillers peuvent aussi s’appuyer sur certaines informations pour tenter d’évaluer si une entreprise emploie efficacement des produits dérivés.
Par exemple, les grandes sociétés sont plus susceptibles de mieux utiliser ces outils de couverture que les PME, car elles disposent souvent de plus de ressources et d’une meilleure expertise, affirme Alexandre F. Roch, professeur au Département de finance à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM (ESG UQAM).
«Les grandes entreprises ont souvent des employés qui se consacrent exclusivement à la gestion des risques», dit-il.
Si le fonctionnement des contrats à terme est relativement facile à comprendre, celui des options est un peu plus complexe, notamment lorsque des opérations de couverture plus sophistiquées sont déployées, comme celle dite «du tunnel».
En s’appuyant sur ce type d’opération, un exportateur canadien peut réduire son risque de change avec le dollar américain dans une fourchette de fluctuation oscillant, par exemple, de 0,80 à 0,85 $ US. Pour y arriver, il faut utiliser simultanément des options de vente et des options d’achat.
Pour sa part, Martin Hamel, directeur, devises et produits dérivés à la Caisse centrale Desjardins, juge que les entreprises de grande taille n’exploitent pas nécessairement mieux les produits dérivés que les PME.
«Une grande entreprise peut posséder plusieurs petites sociétés dans un holding. Cela devient complexe, car elle fait des affaires dans plusieurs pays et dans plusieurs devises», souligne-t-il.
En revanche, une PME peut commercer sur un seul marché étranger – les États-Unis par exemple – et avoir des flux monétaires prévisibles dans une seule devise – comme le dollar américain. «À ce moment-là, c’est très facile d’utiliser les dérivés», souligne Martin Hamel.
Risque élevé, rendement élevé
Le type de produits dérivés choisi dans les opérations de couverture peut aussi aider le conseiller à évaluer les entreprises – grandes ou petites – plus susceptibles de représenter une meilleure occasion d’investissement.
Pour une société qui veut couvrir ses risques, l’utilisation des options est plus coûteuse et plus risquée que celle des contrats à terme. Cependant, en finance, un risque plus élevé est synonyme d’un rendement plus élevé, remarque Alexandre F. Roch.
«Toutes choses étant égales par ailleurs, une entreprise qui utilise des options dans ses opérations de couverture devrait réaliser un rendement plus élevé que celle qui recourt aux contrats à terme», ajoute-t-il.
Enfin, autre avantage des options : lorsqu’une entreprise détient une option de vente (un droit et non une obligation de vendre un actif sous-jacent comme le dollar canadien), elle détient en fait un plancher sur des pertes potentielles, explique Alain Bélanger, professeur de finance à l’Université de Sherbrooke.
La société peut ainsi profiter d’une fluctuation positive d’un actif, tout en se protégeant d’une variation négative, ce qu’un contrat à terme ne permet pas de faire.