Le patron de la nouvelle plateforme de négociation boursière Aequitas Innovations, Jos Schmitt, justifie ainsi l’arrivée d’un nouveau concurrent à la Bourse de Toronto.
Issu d’un partenariat entre de grands gestionnaires de fonds comme le Groupe Investors, de Barclays et de la Banque Royale, le parquet électronique Aequitas, qui devrait voir le jour à la fin de l‘année prochaine, proposera la négociation et l’inscription de titres, un meilleur accès au financement public pour les PME et une stratégie de négociation qui endiguera les abus constatés de la part de certains utilisateurs de la négociation à haute fréquence.
PME
« Les PME en quête de capitaux trouvent de plus en plus difficile d’obtenir du financement » auprès des marchés boursiers, observe Jos Schmitt. Entre autres axes de développement de son modèle d’affaires, Aequitas veut lancer un marché de titre dispensé accessible à la petite et moyenne entreprise.
Le marché dispensé est ouvert aux investisseurs qualifiés -déclarant un revenu net de plus de 200 000 $ par année dans le cas des particuliers- et aux investisseurs institutionnels, comme les caisses de retraite. Le marché dispensé, où le « placement privé » se pratique, permet aux entreprises à la recherche financement de solliciter directement les investisseurs, sans avoir à produire la panoplie de documents réglementaires. Les titres ne s’échangent pas en bourse, mais entre investisseurs.
« Plusieurs petites entreprises ne sont pas prêtes à se financer directement sur les marchés boursiers », signale Jos Schmitt, qui veut ainsi offrir une alternative permettant « aux émetteurs de lever des capitaux » plus modestes que lors d’une entrée en bourse en bonne et due forme.
L’ouverture des marchés boursiers nationaux à la concurrence des plateformes alternatives (Alternative Trading Systems, ATS), notamment pendant la décennie 1995-2005, en Amérique et en Europe, a mis fin au monopole des parquets. Alors que le New York Stock Exchange (NYSE) occupait 80 % des parts du marché des transactions sur les actions en 2005, le nouveau NYSE Euronext n’en détient plus que 26 %.
Même chose pour le TSX, qui contrôlait l’ensemble du volume des transactions au Canada vers la même époque, et qui n’en gère plus que 70% aujourd’hui. Une douzaine d’opérateurs se partagent le marché canadien.
Avec l’acquisition de la plateforme Alpha, qui détenait 20 % du marché canadien, le TMX se retrouve à nouveau en situation monopolistique. « Nous voulons donc favoriser la concurrence sur le marché », ajoute Jos Schmitt. Il précise qu’Aequitas ne se contentera pas d’offrir les mêmes services que les autres parquets, « mais propose des services inédits et une valeur ajoutée ».
Ainsi, le système de négociation sur le marché dispensé d’Aequitas fait l’objet d’une demande de brevet.
Quant à la valeur ajoutée, elle se retrouve notamment dans la qualité de la négociation, qui serait minée par certaines stratégies de négociation à haute fréquence.
Négociation malsaine
Ainsi, l’avènement de la négociation à haute fréquence (ou algorithmique) brouille la donne sur les marchés. « Elle pénalise les investisseurs à long terme », selon Jos Schmitt, qui se fait ainsi l’écho de plusieurs critiques des stratégies de négociation à haute fréquence tant ici qu’aux États-Unis ou en Europe.
Pour l’essentiel, ce type de négociation (également appelée High Frequency Trading, HFT) repose sur l’utilisation d’algorithmes qui passent chaque jour une quantité phénoménale de micro-ordres à la place des gestionnaires et des courtiers. « Quand les places de marché privilégient le volume, elles peuvent nuire à la qualité de l’exécution pour ceux qui désirent réellement posséder quelque chose à la fin de la journée », peut-on lire dans le communiqué annonçant le lancement d’Aequitas, plus tôt cette semaine.
À qui profite la HFT ? On cite souvent les banques d’investissement, des maisons de courtage, des fonds de couverture et même des caisses de retraite. Mais pour une majorité de petits investisseurs et acteurs du monde boursier, les désavantages sont nombreux.
Certaines stratégies de négociation HFT créent une fausse liquidité sur les marchés, au détriment de la valeur des cours boursiers. Pénalisant du coup les investisseurs à long terme.
Certains, comme Ruslan Goyenko, chercheur et professeur en finance à l’Université McGill, estiment même que cela augmente les coûts des fonds communs de placement. C’est également l’avis de nombreux portefeuillistes.
Des quelque 50 milliards de titres échangés chaque année à la Bourse de Toronto, la HFT serait responsable de la négociation d’environ le tiers de ce volume. Jos Schmitt, estime qu’il pourrait s’agir de 42 % pour l’Amérique du Nord.
La plateforme d’Aequitas propose un système de négociation où les stratégies de HFT contraires aux intérêts des investisseurs n’auront pas leur place.