La réglementation prévoit donc des conséquences graves pour le conseiller qui néglige de bien connaître les produits qu’il vend. Tout repose sur une vérification diligente en bonne et due forme dès le départ.

À qui a-t-on affaire ?

Le travail de vérification doit porter tant sur le fournisseur du produit que sur le produit lui-même. Notons que le conseiller peut s’appuyer en grande partie sur le travail de vérification diligente effectué par sa firme.

De nombreux éléments doivent être étudiés, souligne Yvan Morin, chef de la conformité et vice-président, affaires juridiques, chez Mica services financiers : «On regarde qui est le fournisseur, son lieu d’affaires, son statut juridique, la province où il a le droit de distribuer ses produits, s’il a des plaintes et des poursuites à son actif et les jugements qui ont été rendus par le passé à son endroit.»

Dans le cas d’un manufacturier de fonds communs, une grande partie de ces renseignements est facilement accessible, note Yvan Morin. Toutefois, dans le cas d’un émetteur du marché dispensé – donc, qui n’est pas tenu de déposer un prospectus auprès des autorités de réglementation -, il faut creuser plus loin, au point d’aller rencontrer les responsables de cet émetteur s’il s’agit d’un acteur peu connu.

Tout ce travail d’analyse est facilité du fait que, dans le cas de fonds communs, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a déjà contrôlé les informations détaillées du prospectus (qui sont les gestionnaires du fonds, comment la firme a établi sa cote de risque, la manière dont elle a composé le portefeuille, etc.) «C’est rassurant de savoir que l’AMF est passée par là», dit Yvan Morin.

Cependant, dans le cas d’un émetteur du marché dispensé, le courtier ne peut compter que sur son propre travail d’enquête à partir des documents que l’émetteur lui soumet.

Une dimension importante de l’analyse porte sur la qualité du service du fournisseur, l’abondance et la pertinence de sa documentation de soutien et la qualité de son service à la clientèle. Ce sont des critères auxquels plusieurs conseillers ne sont pas indifférents par la suite, au moment où ils sont engagés dans des transactions avec leurs clients.

Le risque avant le rendement

L’autre volet de vérification porte sur les produits eux-mêmes. Certains critères d’analyse s’imposent d’emblée : la pérennité du fonds, la corrélation du fonds avec d’autres catégories d’actif, le style de gestion, et tout particulièrement, la volatilité du fonds et sa sensibilité à la baisse des marchés, ainsi que la répartition sectorielle et géographique de l’actif.

Fait à souligner : aucun des experts interviewés n’a relevé en premier lieu le rendement du produit. «Ce qui compte, c’est la performance ajustée en fonction du risque, affirme Félix Duchaîne, analyste de produits d’investissement chez Valeurs mobilières Desjardins, à Montréal. La performance seule n’a pas beaucoup de valeur.»

C’est également ce que fait ressortir Robert Pouliot, administrateur de la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) et chargé de cours à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. On dit souvent que de 35 % à 50 % des fonds surpassent les indices de référence, relève-t-il. «Mais ce ne sont jamais les mêmes fonds, de sorte que seulement 2 % des gestionnaires réussissent à battre l’indice de référence de façon constante», précise Robert Pouliot.

L’adéquation d’un fonds à son indice de référence est un des critères majeurs, selon Robert Pouliot. «Pour un tiers des fonds, et pour près de la moitié d’entre eux dans certaines catégories, la stratégie n’est pas adaptée à l’indice qu’ils doivent suivre. C’est vraiment inquiétant.»

Plus sensibles aux frais

Par ailleurs, deux nouveaux éléments interagissent actuellement et influencent le travail de vérification, selon Félix Duchaîne : l’essor des FNB et la mise en oeuvre de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2).

Tous deux font en sorte que les épargnants sont plus sensibles aux frais de gestion. «Avant de payer un point de pourcentage de plus pour un gestionnaire, on doit être certain qu’il obtiendra une meilleure performance» que celle d’un FNB comparable, indique l’analyste de Valeurs mobilières Desjardins.

Ainsi, le conseiller et l’épargnant prennent soin de comparer un FNB à son indice de référence. Ils veulent connaître, non seulement l’adéquation des deux éléments, mais aussi la manière dont un FNB réussit à se démarquer de l’indice, explique Félix Duchaîne. Si le FNB s’en distingue peu, autant investir dans un fonds qui reproduit simplement l’indice.

La grille d’analyse des FNB est différente de celle des fonds communs, selon Félix Duchaîne. On veut en connaître la liquidité, tant primaire (sur le plan des actifs qui le composent) que secondaire (sur le plan des volumes de transaction du FNB). C’est une question qui importe moins dans le cas d’un fonds commun, car ce dernier n’est pas directement négocié en Bourse.

Enfin, la question du traitement fiscal, décisive pour un fonds commun, l’est davantage pour un FNB, car sa façon de recourir ou non à des produits financiers dérivés peut avoir un impact majeur.

Le conseiller doit aussi être bien au fait du risque particulier que fait peser le recours à des produits dérivés.