L’ACFC recommande d’ailleurs aux banques d’améliorer la surveillance et la gestion des plaintes des consommateurs ainsi que la production de rapports sur le sujet.
Rappelons que dans le cadre de son enquête, l’ACFC a mené 500 entrevues, révisé plus de 100 000 documents fournis par les six grandes banques canadiennes et examiné 4500 plaintes.
«À l’heure actuelle, les banques règlent de 90 à 95 % des plaintes des consommateurs au premier point de contact, dans le soucis d’assurer un bon service à la clientèle, écrit l’ACFC dans son rapport. Or, les plaintes résolues à ce stade ne sont généralement pas considérées dans la base de données centrale, en raison de contraintes technologiques ou de politiques et procédures inadéquates. C’est ce qui explique que les banques n’ont qu’un portrait partiel de la situation à l’égard des plaintes et des problèmes des consommateurs et sont moins à même de déceler les tendances.»
L’ACFC ajoute que bien que les banques soient tenues de lui faire rapport des plaintes transmises à un échelon supérieur (donc celles qui ne sont pas réglées au premier niveau), les ressources mises en place pour assurer le suivi de ces plaintes sont limitées et «il est difficile de tirer des conclusions du faible nombre de plaintes transmises aux échelons supérieurs afin de déterminer si elles sont représentatives de l’expérience des consommateurs en général.» Par conséquent, l’ACFC avoue ne pas disposer de toute l’information nécessaire pour surveiller les risques liés aux pratiques de vente.
Fabien Major, conseiller en épargne collective, conseiller en sécurité financière, associé principal et fondateur de Major Gestion Privée, s’inquiète de cette statistique.
«C’est un chiffre inquiétant : 90 à 95 % des plaintes sont réglées au premier niveau et ne sont pas comptabilisées parce qu’elles n’ont pas été transmises à l’échelon supérieur. En ce qui concerne les cabinets inscrits à l’Autorité des marchés financiers (AMF), toutes les plaintes doivent être divulguées. En l’absence de fichier de centralisation de toutes les plaintes, on n’a pas de moyen d’analyser la portée.»
Me Élise Thériault, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs, rappelle que les banques sont sous juridiction fédérales : «C’est le législateur fédéral qui s’occupe des banques. L’ACFC est une sorte de chien de garde, mais ce ne sont pas eux qui font les lois.»
Quant aux recommandations de l’ACFC, «c’est de l’auto-gestion. On leur dit «vous devriez faire ça», mais personne ne va taper sur les doigts [des banques] si elles ne le font pas», souligne Me Thériault.
Le secteur bancaire pourrait être encadré davantage, selon Fabien Major : «Ça prend un système centralisé pour les plaintes et ça prend aussi un organisme central de surveillance, comme l’AMF, indique l’auteur de Petits secrets et gros mensonges de votre banquier. Les banques ont lamentablement échoué à s’autoréglementer. C’est un constat d’échec selon moi. Quelqu’un doit prendre la puck!»
Rappelant les cadres législatifs mis en place autour du secteur des télécommunications, mais aussi la plus récente révision de la Loi sur la protection du consommateur au Québec, Élise Thériault souligne qu’il est possible pour le législateur d’intervenir. Option consommateurs milite d’ailleurs depuis plusieurs années pour l’inclusion de la notion de prêt responsable, c’est à dire de donner l’obligation aux banques de vérifier que le client a non seulement un bon dossier de crédit, mais également qu’il est capable de payer le prêt que l’institution financière souhaite lui faire.
«Ça a été instauré dans la Loi sur la protection du consommateur où on a instauré l’idée du prêt responsable pour toutes les entreprises qui font du crédit parallèle, donc tout le monde sauf les banques et les caisses. C’est bien, sauf que la majorité des prêts est faite chez les banques et les caisses. Or, rien n’empêche le gouvernement fédéral d’inclure une disposition semblable dans la Loi sur les banques», ajoute-t-elle.