La méthode normalisée présentée le 12 décembre dernier par les ACVM dans l’Avis 81-324 ressemble beaucoup à celle que l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) promouvait déjà. Toutefois, deux différences notables ressortent.
Premièrement, tandis que l’IFIC proposait une lecture des rendements sur trois à cinq ans, les ACVM proposent que cette lecture s’étale sur dix ans.
Deuxièmement, les ACVM mettent en avant un classement en six catégories, alors que l’IFIC en suggère cinq.
Les catégories soumises par les ACVM sont : faible (bande correspondante de l’écart-type allant de 0 à 2 %) ; faible à moyen (de 2 à 6 %) ; moyen (de 6 à 12 %) ; moyen à élevé (de 12 à 18 %) ; élevé (de 18 à 28 %) ; très élevé (plus de 28 %).
Les deux organismes s’accordent sur un élément : lorsque l’historique de rendement n’atteint pas le nombre d’années requis (5 ans pour l’IFIC, 10 ans pour les ACVM), les années manquantes sont remplacées par l’indice de référence le plus pertinent.
Casse-tête administratif
L’IFIC approuve la démarche d’uniformisation des ACVM et la majorité des points qu’elles mettent en avant, sauf un.
«Pour nous, le plus important problème tient à la façon dont les catégories de risque sont découpées», souligne Jon Cockerline, directeur, politique et recherche, de l’IFIC.
Le fait que les schémas de classification des deux organismes ne sont pas alignés pourrait entraîner des problèmes pratiques.
Si le schéma des ACVM devait prévaloir, «cela entraînerait des ajustements de la part des fonds pour modifier les classements de risque qui déterminent la pertinence d’un fonds dans le portefeuille d’un investisseur», explique Jon Cockerline.
«Il faudrait alors annoncer le changement à des millions d’investisseurs et les amener à modifier leur profil de risque – ou à vendre leur fonds», ajoute-t-il.
L’emploi de l’écart-type de volatilité comme mesure de risque laisse sur leur faim tous les spécialistes à qui Finance et Investissement a parlé. Le plus sceptique est Michel Mailloux, président du cabinet de conseil financier Mailloux et associés.
«Le petit investisseur saisira-t-il le sens d’un indice de volatilité ? demande Michel Mailloux. Je ne le pense pas.
«En fait, 60 % des Canadiens entre 18 et 65 ans ne comprennent rien aux marchés financiers», rappelle-t-il, en se basant sur des données publiées l’automne dernier par Statistique Canada.
«Est-ce qu’on protège davantage le consommateur ? Je ne le pense pas. On va se donner l’illusion de le protéger davantage», ajoute Michel Mailloux.
Mesure approximative
Moins sévères, Richard Guay et Robert Pouliot, qui enseignent tous deux à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, n’hésitent toutefois pas à bien souligner les limites de l’écart-type. En fait, ce dernier ne mesure le risque que très approximativement.
Richard Guay en donne un exemple éloquent. Un fonds dont les rendements oscilleraient entre 0 % et – 20 % afficherait un écart-type de 10 %, le même écart-type d’un autre fonds qui oscillerait entre 0 % et + 20 %. «Évidemment, obtenir un rendement de 20 %, les gens ne voient pas ça comme un risque», lance Richard Guay.
C’est le principal problème de la mesure de volatilité, fait ressortir Robert Pouliot, de ne pas exprimer ce que l’épargnant considère comme un risque. «Le risque pour les gens, c’est la perspective d’une perte, pas la perspective d’un gain.»
D’autres lacunes de l’écart-type abondent : il s’agit d’une mesure historique qui ne nous dit rien du seul risque qui intéresse l’investisseur, celui qui est à venir. Des risques importants lui échappent, notamment le risque de solvabilité, le risque de marché et le risque fiduciaire.
De plus, le risque lié au produit lui-même lui échappe dans une grande mesure.
Par exemple, un titre pourrait suivre un parcours d’écart-type très régulier pendant une longue période tout en étant, en réalité, très risqué.
«C’est comme un automobiliste qui roulerait toujours à 140 km/h et qui n’aurait jamais eu d’accident, souligne Richard Guay. Diriez-vous que sa conduite est sans risque ?»
D’autres solutions
Pour mieux cerner le sens que le mot «risque» évoque pour les épargnants, la mesure la plus appropriée serait probablement le ratio de Sortino, selon Richard Guay et Robert Pouliot.
Ce ratio s’établit selon un calcul un peu plus complexe que celui de l’écart-type, mais il ne conserve que la part négative des rendements, ce qui reflète mieux la notion de risque.
Richard Guay préférerait que dans leur proposition, les ACVM indiquent l’écart par un chiffre précis plutôt que par une catégorie large.
Ainsi, il parlerait de l’écart-type du chiffre 7 %, plutôt que de la catégorie «risque moyen».
En effet, sur une échelle de 6 % à 12 %, «on passe du simple au double. Et si mon facteur de risque est de 7, mais que l’indice de référence est à 11, c’est passablement plus intéressant que si l’indice est à 7 lui aussi», indique Richard Guay.
Le recours à un indice de référence est une autre faiblesse de la mesure des ACVM, selon Robert Pouliot.
«Il n’est pas certain que le promoteur choisira l’indice le plus pertinent, avance-t-il.
«Aux États-Unis, par exemple, 40 % des fonds ont des indices de référence inadéquats. De plus, les indices de référence n’ont pas de coût de transaction comme les fonds communs. C’est fautif d’utiliser un indice comme approximation», affirme Robert Pouliot.
Tant les ACVM que l’IFIC sont conscients des lacunes de l’écart-type. Ils jugent qu’il s’agit en quelque sorte de la mesure la moins mauvaise, étant donné qu’elle est simple, très répandue et se calcule en toute objectivité sans variable subjective.