Rappelons que Peter Intraligi avait fait des vagues l’année dernière en proposant que les FCP américains puissent être vendus au Canada sans devoir publier une version canadienne du prospectus habituellement requis.
Les fonds canadiens auraient bénéficié du même avantage au sud de la frontière, en vertu d’un arrangement réglementaire qui aurait ressemblé au système de passeport mis en place par 12 des 13 Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) pour les émissions publiques d’actions boursières.
La faute des dédoublements
Peter Intraligi semble avoir changé son fusil d’épaule depuis sa prise de position exprimée lors du symposium de novembre 2014 organisé à Toronto par Advocis, un regroupement professionnel de 11 000 conseillers en services financiers.
«Depuis l’année dernière, j’ai beaucoup réfléchi à ma proposition et j’en suis venu à la conclusion qu’il y a peut-être une autre façon d’arriver à un produit unique à moindre coût pour l’investisseur», annonce-t-il.
«Prenez l’exemple de l’achat d’une auto. Celle-ci sera soumise à des normes de sécurité ou environnementales canadiennes, et ce, même si le consommateur achète une voiture fabriquée à l’étranger. Donc, les véhicules vendus au Canada ne sont pas nécessairement fabriqués au Canada, mais ils sont quand même soumis à la réglementation canadienne.»
Or, c’est justement là que le bât blesse, selon le président de la société qui distribue notamment les produits Trimark et PowerShares.
«La loi exige que les fonds vendus au Canada soient construits au Canada. Cela signifie que les fonds que nous distribuons des deux côtés de la frontière doivent avoir deux agents dépositaires, soit un au Canada et un autre aux États-Unis, deux groupes comptables qui évaluent le prix des parts, même si les actifs des deux fonds sont identiques, deux agents de transfert, etc.», explique Peter Intraligi.
«Nos frais de gestion font souvent l’objet de critiques au Canada. Cependant, ma position à la tête d’un groupe qui distribue des fonds des deux côtés de la frontière me permet de constater que les écarts de frais de gestion avec les États-Unis s’expliquent en bonne partie par ces dédoublements», affirme le président d’Invesco Canada.
C’est pourquoi il suggère maintenant «de regarder du côté des économies qu’on pourrait réaliser en éliminant les dédoublements opérationnels».
Peter Intraligi dit avoir changé son angle d’attaque, car «j’en suis venu à la conclusion que les diverses autorités provinciales sont là pour protéger l’investisseur. C’est un peu comme les normes de sécurité ou environnementales en matière de transport automobile. C’est pourquoi je ne propose plus qu’il n’y ait qu’un seul prospectus».
Accueil glacial
Il faut dire que l’idée présentée lors du symposium avait été accueillie assez froidement par les intervenants de l’industrie, dont la présidente de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) Joanne De Laurentiis. Celle-ci avait souligné le peu d’intérêt de la U.S. Securities Exchange Commission (SEC).
Kia Rassekh, chef de bureau et conseiller principal en politiques au Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), est toujours sceptique. «Ce n’est pas un sujet discuté dans nos comités. Si jamais les régulateurs déposaient un projet sur la question, on s’y attarderait, mais entre-temps, ce n’est pas sur no-tre radar», précise-t-il.
Et ce n’est pas de sitôt que les régulateurs iront de l’avant avec un libre-échange canado-américain dans la distribution de FCP, si l’on se fie à la réponse donnée à Finance et Investissement par un porte-parole de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
«Ce sujet n’est pas sur la table à dessin de l’Autorité», a commenté Sylvain Théberge, directeur des relations médias de l’AMF.
De la place pour tous
Les petits manufacturiers de fonds canadiens verraient sans doute d’un mauvais oeil la levée de l’obligation, pour les fonds étrangers, d’avoir une structure administrative canadienne distincte de celle en place aux États-Unis.
Peter Intraligi atténue toutefois ces craintes. «Le marché est de 1 000 G$. Les grands acteurs ne prendront pas tout le marché. Il y aura toujours des investisseurs et des conseillers qui préféreront faire affaire avec de petits manufacturiers ou distributeurs de fonds, et ce, pour de multiples raisons», rassure-t-il.
Il croît cependant que les acteurs majeurs comme Invesco, étant donné l’expertise internationale dont ils bénéficient et les économies d’échelle qu’ils peuvent réaliser, ont un rôle important à exercer en matière de réduction des coûts, au bénéfice des investisseurs.
Invesco Ltd, la maison mère d’Invesco, fait des affaires dans plus de 20 pays et est inscrite à la Bourse de New York (NYSE) sous le symbole IVZ. Elle gère aux États-Unis plus de 90 fonds communs, qui représentent un actif sous gestion totalisant plus de 300 G$ US.
À la défense du projet de Peter Intraligi, soulignons que les 28 pays de l’Union européenne comptent sur un marché relativement ouvert en matière de fonds de placement.