Ainsi, le «baromètre de janvier» désigne la forte corrélation entre la performance boursière du mois de janvier, ou celle des cinq premiers jours de ce mois, selon les versions, et celle du reste de l’année. L’indice le plus souvent utilisé pour estimer cette corrélation est le S&P 500.
Observé pour la première fois en 1972 et rapporté dans le Stock Trader’s Almanac, le baromètre de janvier ne doit pas être confondu avec un autre phénomène, l’effet de janvier, qui fait référence à l’augmentation du prix des titres dont la capitalisation est faible durant le premier mois de l’année.
Lorsque le rendement des actions du mois de janvier a été positif, celui du reste de l’année l’a aussi été durant 80 % de la période de 1926 à 2013, d’après une étude citée par Michel Doucet, vice-président, Groupe conseil en portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.
Cela a été le cas 75 % du temps pendant les 100 dernières années, indique quant à lui David Andrews, directeur, Placements et recherche chez Richardson GMP, qui a aussi analysé le phénomène.
Ces observations confirment ainsi l’adage, As January goes, so goes the year. Pour David Andrews, il s’agit «probablement du phénomène saisonnier qui s’est révélé le plus régulier au cours des ans».
Croissance
Différentes hypothèses sont évoquées pour expliquer la corrélation entre le rendement des actions de janvier et celui du reste de l’année.
Elles rejoignent pour la plupart l’idée que le mois de janvier bénéficierait de phénomènes qui feraient augmenter le prix des actions et la confiance des investisseurs, entraînant les mois qui suivent dans son élan.
David Andrews évoque la stratégie de la vente à perte pour fins fiscales inhérentes aux planifications de fin d’année. Des investisseurs vendent certains titres qui ont subi une baisse en décembre, afin de réduire les gains en capital imposables, pour en racheter d’autres plus de 30 jours plus tard, stimulant de la sorte les prix au courant de janvier.
Michel Doucet cite aussi le window dressing, qui consiste à vendre les titres les moins performants en fin de trimestre, ou encore le fait «qu’en janvier, les gestionnaires de portefeuille entreprennent de nouvelles stratégies avec de nouveaux budgets».
Marie-Claude Beaulieu, directrice du Département de finance de l’Université Laval et titulaire de la Chaire RBC en innovations financières, soutient quant à elle que «les entreprises attendent généralement les fêtes pour annoncer de mauvaises nouvelles», accentuant ainsi le contraste entre décembre et janvier, ce qui laisse entrevoir une embellie en janvier.
Explication politique
La première explication jamais proposée du baromètre de janvier, pour sa part, est politique, et elle a été développée dans le Stock Trader’s Almanac de 1972.
Elle est fondée sur un amendement de 1933 à la Constitution américaine, qui stipule que le mandat du président et ceux des membres du Congrès se terminent en janvier. Le changement de décideurs publics, leurs discours et leurs promesses, influeraient sur les performances du premier mois de l’année.
David Andrews note d’ailleurs que la probabilité qu’un mois de janvier positif soit suivi d’une année au rendement positif est encore plus élevée s’il s’agit de la troisième année du mandat présidentiel.
Cette année-là est celle où «l’administration en place prend des mesures susceptibles de contribuer à sa réélection, et certaines de ces mesures fouetteraient les prix sur les marchés», explique-t-il.
Avis aux intéressés, la troisième année du mandat du président américain actuel sera 2015.
Limites
Le baromètre de janvier est toutefois loin d’être infaillible.
Un mois de janvier positif sera suivi d’une année où les rendements seront négatifs de 20 à 25 % du temps, ce qui reste important. De plus, lorsque le mois de janvier est négatif, sa capacité de prédiction s’affaiblit considérablement, affirme Michel Doucet.
«Si on observe des données récentes, de 1985 à aujourd’hui, un mois de janvier dont les rendements sont négatifs sera suivi à 50 % du temps d’une année dont les rendements sont aussi négatifs», précise Michel Doucet. Ce qui, concrètement, correspond à une probabilité équivalente «à lancer une pièce de monnaie en l’air», ajoute-t-il.
Pas une référence
David Andrews souligne que, bien qu’il constate la présence de phénomènes saisonniers comme le baromètre de janvier, ceux-ci n’entrent jamais dans ses stratégies d’investissement.
Pour Michel Doucet, le baromètre de janvier et autres maximes comme Sell in May and come back in September, relèvent essentiellement du folklore des marchés.
Ainsi, pour lui, décembre est l’occasion d’effectuer une nouvelle réflexion sur les occasions d’investissement de l’année qui va commencer, indépendamment des signaux que pourrait envoyer janvier.
Par exemple, souligne-t-il, le fait que «les marchés semblent se normaliser et se relever du choc de 2008 et de la crise de la dette publique en Europe, comme l’exprime notamment la sortie de la récession sur ce continent, est un facteur beaucoup plus marquant».
Anticipations du marché
Marie-Claude Beaulieu ne recommande pas non plus de fonder une stratégie sur le baromètre de janvier ni sur quelque autre phénomène saisonnier connu du public.
«Si quelqu’un devait découvrir un tel phénomène qui serait encore inconnu, alors dans ce cas seulement, il pourrait s’agir d’une occasion d’investissement», précise-t-elle.
En fait, explique Marie-Claude Beaulieu, «les phénomènes saisonniers tendent à disparaître dans le temps une fois qu’ils sont connus, le marché finissant par les anticiper».
Elle cite la conférence d’un collègue, Richard Roll, professeur à l’University of California at Los Angeles (UCLA). En raison de sa fonction de chercheur, celui-ci expliquait qu’il était particulièrement bien placé pour connaître les phénomènes saisonniers, mais qu’il n’avait pourtant jamais réussi à tirer parti de ce genre de connaissances en tant qu’investisseur sur les marchés.