Selon Hélène Boileau, une méconnaissance de leur situation financière et un laxisme dans la gestion de leurs finances personnelles poussent les consommateurs à dépenser au détriment de leur épargne. Ces débours risquent de plomber leur planification financière.
«Plusieurs n’ont jamais fait de budget. Ils ne connaissent pas leurs frais fixes, voire leurs entrées d’argent. Ils dépensent sans trop se poser de questions, au jour le jour, sans prévoir.»
Hausse de l’endettement
Les Canadiens se rangent aujourd’hui parmi les individus les plus endettés des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Au deuxième trimestre de 2013, le ratio d’endettement des ménages a atteint 163,4 % par rapport au revenu disponible, selon Statistique Canada. Bien que 62 % de la dette des ménages soient consacrés à l’hypothèque, le tiers de cette dette découle de prêts personnels et de crédit à la consommation.
De nombreux clients font l’autruche. «Ils remettent à plus tard la prise en charge en demandant par exemple des prêts ou une extension de leur marge de crédit», dit Hélène Boileau.
Elle précise que c’est justement à ce moment que le planificateur financier doit intervenir. S’il n’y a pas de formule miracle, la conseillère propose à ses clients de ne pas consolider leurs dettes. «Au lieu de regrouper toutes les dettes pour effectuer un seul paiement, nous nous attaquons à une dette à la fois. Les clients prennent conscience de leur comportement de consommation, et chaque dette qu’ils règlent devient une petite victoire», explique-t-elle.
Agir avec tact
Pour plusieurs, le réveil est brutal. Il faut donc user de tact et de finesse sur le plan de la communication, note pour sa part Angela Iermieri, planificatrice financière au Mouvement Desjardins. «Il peut arriver, lorsque nous faisons la planification financière d’un couple, qu’un des conjoints nous ait demandé, lors d’une rencontre individuelle, de ne pas divulguer ses dettes et ses dépenses.»
Dans l’univers de l’endettement et de la consommation, il est important de distinguer les différentes catégories de consommateurs, indique Angela Iermieri.
Il y a les clients qui ont des problèmes de gestion, qui n’ont jamais fait de budget ou qui ne s’intéressent pas à leur situation financière. Et il y a les acheteurs compulsifs, chez qui la consommation est un trouble émotionnel. «Dans ce cas, nous pouvons les inviter à chercher de l’aide auprès de leur entourage, mais nous ne pouvons pas les contraindre à quoi que ce soit», dit-elle.
L’intervention d’un planificateur financier ou d’un conseiller est alors limitée, et dépend principalement de la qualité de la relation qu’il a tissée avec son client.
Trouble à corriger
En effet, l’achat compulsif est un trouble de l’impulsion. Claude Boutin, psychologue et directeur des services spécialisés à la Maison Jean Lapointe, traite de ce type de dépendance dans son livre J’achète (trop) et j’aime ça. «Malgré les dettes, les chicanes et le fait que quelqu’un possède déjà un objet similaire, l’acheteur va dépenser, car son impulsion et son désir sont plus forts que tout», dit-il.
Selon les recherches sur le sujet, on estime qu’environ 1 % de la population mondiale est touchée par ce syndrome, que plusieurs chercheurs présentent comme analogue à des problèmes de dépendance à la drogue et au jeu, voire aux troubles obsessionnels compulsifs (TOC).
«Et dans une société où l’achat est valorisé, ce comportement peut sembler malheureusement moins pathologique qu’une dépendance aux drogues, à titre d’exemple», note le psychologue.
Le planificateur financier est certainement aux premières loges d’un comportement qui pourrait être diagnostiqué comme pathologique. «Évidemment, un planificateur ne peut pas diagnostiquer le trouble de comportement, mais il peut certainement sonder le terrain pour voir si ce comportement nécessite de l’aide extérieure. En effet, dans de tels cas, aucune planification financière ne fonctionnera ; le problème est ailleurs, il relève du comportement», explique Claude Boutin.
Une responsabilité
Selon le psychologue, le planificateur ou le conseiller peut amener l’acheteur compulsif à sortir de son isolement, faute de pouvoir le contraindre à consulter.
«Il peut tout au moins s’organiser de façon à ne pas faciliter ce comportement en repoussant les limites de crédit du client, par exemple.» Il en va, en quelque sorte, de sa responsabilité, souligne Claude Boutin.
Même son de cloche chez Hélène Boileau, qui rappelle qu’un tel comportement nuit rapidement à l’entourage. Elle cite l’exemple d’une cliente septuagénaire qui «a dilapidé ses REER et ses économies. Maintenant, c’est sa fille qui doit pallier le manque à gagner à la fin de chaque mois».
En guise de conclusion, Angela Iermieri avance que personne ne gagne à ne pas régler le problème. «Le client n’arrive pas à joindre les deux bouts et l’institution risque de ne pas pouvoir récupérer les sommes avancées.»