Dans son «Rapport sur l’application de la LDPSF» publié en juin, le gouvernement du Québec ouvre la porte à une restructuration des organisations qui encadrent le secteur financier. Il souligne des «dédoublements» dans les structures existantes, remettant en cause indirectement l’existence de la Chambre de la sécurité financière (CSF).
Pourtant, dans son dernier rapport annuel, la vérificatrice générale de l’Ontario Bonnie Lysyk recommandait à l’organisme responsable de la surveillance des secteurs de l’assurance et des pensions – la Commission des services financiers de l’Ontario (CSFO) – d’envisager de transférer une «plus grande part de ses responsabilités» à des OAR.
Elle écrivait : «Les secteurs transférés seraient notamment la délivrance de permis et l’inscription, les qualifications et la formation continue, le traitement des plaintes et les mesures disciplinaires». Une structure qui n’est pas, à plusieurs niveaux, sans rappeler celle qui est mise en place au Québec.
Et il n’y a pas que l’Ontario qui revisite les structures et les façons de faire pour encadrer le secteur. La Saskatchewan propose de revoir sa loi sur les assurances afin notamment d’y introduire la notion d’agent général et certaines conditions pour s’inscrire à ce titre, dont la surveillance de représentants.
Les agents généraux assurent le contrôle des pratiques commerciales générales de leurs représentants. S’ils n’ont pas de statut particulier sur le plan légal, ils font pression pour obtenir leur reconnaissance ici au Québec.
Michel Kirouac rappelle que le mouvement en faveur de leur reconnaissance a commencé au Québec : «Dans le reste du Canada, on était pas tout à fait en accord avec cette reconnaissance. Au fil du temps, on semble comprendre cette nécessité et aller dans notre sens.»
D’autres initiatives pour une réglementation claire et plus serrée s’ajoutent à la liste. La Coalition pour la planification financière – une initiative de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) qui envisage de devenir l’OAR des planificateurs financiers – pousse pour la reconnaissance de la planification financière en tant que profession distincte.
Rappelons que la Coalition est constituée du Canadian Institute of Financial Planners (CIFP), de l’Institute of Advanced Financial Planners (IAFP), de l’IQPF et du Financial Planning Standards Council (FPSC).
Une fois de plus, le Québec semble avoir fait les premiers pas. «Le Québec est actuellement la seule province au Canada qui réglemente le titre. La création d’un ordre professionnel des planificateurs financiers au Québec est un enjeu majeur pour la protection du public. C’est une question de confiance», déclarait Jocelyne Houle-LeSarge, présidente-directrice générale de l’IQPF, en juin dernier.
Améliorer plutôt qu’abolir
L’intérêt d’autres provinces pour une structure similaire à celle du Québec démontre la pertinence de cette dernière, selon Michel Kirouac, qui a également été vice-président aux assurances de la CSF.
Cela ne diminue en rien la nécessité de repenser la structure québécoise. «Les rôles de la Chambre et de l’AMF sont mal divisés», poursuit-il, arguant qu’il ne s’agit pas pour l’une de reprendre les responsabilités de l’autre, mais bien de mieux définir le rôle de chacune.
«Que se passera-t-il si on intègre la CSF à l’AMF ? On va créer une structure similaire à la Chambre… mais à l’intérieur de l’AMF, dit-il. Essayons plutôt de faire de la Chambre un outil qui, composé de membres, offre de la formation et supervise la déontologie.»
«Je trouve intéressant que l’Ontario envisage de se rapprocher du modèle du Québec. Cela veut dire qu’on a quelque chose d’enviable, contrairement à ce que laisse sous-entendre – quoique ce ne soit pas tellement clair – le « Rapport sur la loi 188″», dit Alain Paquet, professeur à l’ESG-UQAM et ancien ministre délégué aux Finances du Québec.
Il poursuit : «Il n’est pas prouvé que le système québécois est mauvais. Je pense – même s’il y a toujours des choses à améliorer – que la protection [québécoise] est supérieure à celle qu’on retrouve au sein de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM).»
Alain Paquet n’est pas surpris de l’intérêt de l’Ontario pour la mise en place d’un système similaire au nôtre. «À certains égards, on protège mieux le public et les investisseurs», dit-il, soulignant toutefois le besoin de clarifier le rôle des différents régulateurs.
Le Québec doit-il surveiller ce qui se déroule en Ontario et dans les autres provinces ? «La réflexion est nourrie par ce qui se fait ailleurs. Il y a des intérêts qui se confrontent, mais le ministre doit considérer tout cela et va sûrement [le faire]», indique-t-il.
«La qualité de la réglementation se mesure par son à-propos. Autrement dit, on peut avoir la meilleure réglementation sur papier sans l’appliquer», note Alain Paquet.