L’arrivée à la retraite des baby-boomers a changé les priorités : «Pour eux, l’indice de référence n’est plus le S&P/TSX, mais leur retraite et ce qu’ils veulent en faire. D’autant plus qu’ils sont souvent inquiets parce qu’ils savent que cette période peut s’étendre sur 20 ou 30 ans», explique-t-elle.
La crise financière de 2008 n’a fait qu’exacerber le besoin de placements sûrs et le désir d’atteindre des objectifs bien précis. Une tendance qui devrait s’intensifier au cours des prochaines années, selon Sara Gilbert.
«Contrairement à ce qui était fréquent au cours des années 1980, 1990 et au début du millénaire, pour les nouvelles générations, l’argent n’est qu’un moyen pour réaliser des choses», dit-elle.
Gestion par segments
Même son de cloche chez Léon Lemoine, planificateur financier et directeur, Investissements, chez Lafond Services financiers : «Depuis quatre ou cinq ans, on a vu apparaître de plus en plus de firmes qui élaborent des portefeuilles en fonction de ce qu’on appelle « des cheminements de vie ».»
Concrètement, il s’agit de scinder le portefeuille d’un client en fonction de ses différents objectifs de vie : achat d’une résidence secondaire, voyage annuel, étu-des des enfants.
«À titre d’exemple, un retraité veillera à ce qu’un segment de son portefeuille soit plus sécuritaire, afin de s’offrir une croisière chaque année», dit Léon Lemoine, qui précise que ce segment n’aura aucune volatilité.
La segmentation de l’épargne a pour effet de stabiliser les revenus en fonction des buts du client. «Et pour le surplus, on peut être plus audacieux, un peu plus agressif», indique-t-il, soulignant qu’un portefeuille est rarement scindé en plus de cinq segments pour autant d’objectifs.
Quoique de plus en plus populaire, l’approche n’est pas généralisée. Elle vise certaines clientèles spécifiques, précise Léon Lemoine : «Pour le moment, ce sont des investisseurs aisés et mûrs ou de jeunes professionnels qui ont un potentiel de rémunération élevé, par exemple les médecins.»
Cette stratégie fournit au client une meilleure compréhension de sa planification financière.
«Au lieu de tout mettre dans le même panier et de voir, comme en 2008, ses objectifs de vie s’écrouler, le client comprend qu’une partie de ses avoirs aient pu chuter alors qu’une autre partie est restée stable.» La gestion du portefeuille doit être cloisonnée.
«Au final, le rendement peut être le même, mais la satisfaction et la compréhension du client, elles, sont augmentées», remar-que Léon Lemoine.
S’adapter aux clients
Les clients accordent une priorité plus importante à l’obtention de rendements qui visent les objectifs de leur propre plan plutôt qu’à l’obtention de rendements supérieurs à ceux du marché, révélait un sondage en ligne réalisé auprès de 600 Canadiens détenteurs de produits de placement commandité par BMO Nesbitt Burns en 2012.
En tout, 84 % des personnes sondées disent vouloir atteindre des rendements conformes aux objectifs fixés dans leur plan financier, alors que 71 % espèrent obtenir des rendements supérieurs à ceux du marché.
La relation entre un conseiller et son client est un aspect prioritaire : sept clients sur dix jugent qu’il est très important que leur conseiller en placement établisse une relation significative avec eux. De plus, 82 % des clients veulent que leur conseiller en placement leur explique leurs placements en termes simples et clairs.
Depuis près de dix ans, De Champlain Groupe financier favorise l’atteinte d’objectifs plutôt que la vente de produits. Selon le vice-président de cette entreprise, Patrick Ducharme, l’émergence de cette tendance est une bonne nouvelle.
«Il faut connaître ses clients : leurs objectifs de vie, ce qu’ils désirent à moyen ou à long terme. Autrement dit, leurs rêves. C’est la seule façon de leur proposer les outils qui leur permettront d’atteindre leurs objectifs», explique-t-il.
La firme montréalaise a créé cinq portefeuilles types avec son comité d’évaluation, qui est composé de deux associés, deux experts et deux clients. De Champlain Groupe financier a ciblé 12 types d’objectifs qui peuvent être classés en fonction des priorités propres à chaque étape de la vie.
Les objectifs des jeunes peuvent aller de la gestion des dettes aux achats majeurs ou aux études des enfants. «Ceux qui approchent de la retraite sont préoccupés par la stabilité des rendements, la sécurité et l’absence de volatilité», précise Patrick Ducharme.
Encore aujour-d’hui, juge-t-il, trop de conseillers ne connaissent pas les besoins réels de leurs clients. «Et quand ils fixent des objectifs autres que le rendement, c’est uniquement sur l’aspect de la retrai-te qu’on estime en fonction du nombre d’années et non de rêves de vie», déplore-t-il.
Toutefois, favoriser une gestion par objectifs plutôt que par produits «n’est pas facile pour tous les conseillers», fait remarquer Sara Gilbert, qui en accompagne plusieurs dans cette transition. «Bon nombre ont commencé dans le marché parce qu’ils aimaient l’analyse des marchés et les calculs. Là, ils doivent développer des relations», indique-t-elle.
Pour assurer cette transition, il n’y a pas de formule magique. «Il faut qu’à leur tour, les conseillers se fixent des objectifs lors des rencontres. Ils doivent se forcer consciemment à recueillir des informations personnelles auprès de leurs clients : les dates importantes, ce qu’ils veulent à la retraite ou pour leurs enfants», conclut Sara Gilbert.