«Le gouvernement n’a pas à choisir quel véhicule devrait être pourvoyeur de fonds des entreprises», a-t-il affirmé dans le cadre d’un événement organisé par Québec Bourse, une association qui souhaite, au contraire, que le gouvernement intervienne pour encourager les entreprises à recourir au financement public. «Notre rôle est de s’assurer que la chaîne des capitaux est bien pourvue», poursuit le ministre.
L’ex-homme d’affaires n’a pas complètement fermé la porte à une intervention gouvernementale pour faciliter l’accès au marché public. «Si on peut rendre plus facile l’accès aux marchés publics parce que des gens se plaignent que c’est complexe, je ne suis pas fermé à ça du tout, du tout.»
En entrevue après l’événement, M. Fitzgibbon a précisé qu’il s’agissait d’une ouverture à se pencher sur la question, mais qu’il n’avait pas identifié de problème, pour l’instant, et que rien n’était prévu à cet égard. Il a aussi insisté sur le fait qu’il n’était pas question d’alléger la réglementation au détriment de la protection du public. «Il faut faire attention quand on est public, on est redevable. Si nous allégeons trop les règles, les gens seront moins redevables. Il pourrait y avoir des accidents. Je ne veux pas banaliser (l’importance de la réglementation) en disant qu’on va enlever le fardeau réglementaire qui protège les investisseurs.»
Réactions de Québec Bourse
Même si le ministre n’a pas endossé les recommandations de Québec Bourse, Louis Doyle, le directeur de l’association, voit tout de même le verre à moitié plein. Le fait que le ministre ait accepté l’invitation de Québec Bourse démontre «de l’écoute» et de «l’ouverture». «Même si ce n’était pas un appui direct, les thèmes abordés s’inscrivaient bien dans la problématique qui nous préoccupe», a-t-il dit en entrevue après l’événement.
Québec Bourse a déposé un mémoire dans le cadre des consultations prébudgétaires du ministère des Finances afin de lui proposer des mesures à adopter pour encourager les entreprises à choisir la voie des marchés publics. Ce plan est articulé autour de cinq axes : la réduction du fardeau réglementaire, un crédit d’impôt pour émetteurs, un crédit d’impôt pour les investisseurs, des mesures de soutien aux entreprises québécoises et un programme d’encouragement à l’embauche des analystes financiers.
Le ministère des Finances ne commentera pas le budget avant sa parution. M. Fitzgibbon, pour sa part, affirme que rien n’est sur sa table à dessin par rapport à la promotion des marchés publics, pour l’instant.
Par contre, M. Fitzgibbon dit observer des carences pour l’accès aux capitaux à deux endroits : les fonds d’amorçage et les «entreprises plus grandes vendues trop tôt». «Dans les deux cas, ce n’est pas nécessairement au gouvernement de faire l’investissement, précise-t-il. On peut se servir de fonds ou d’organismes existants dans lesquels nous pourrions mettre de l’argent.»
Des opinions contraires
M. Doyle garde bon espoir que les enjeux qu’il défend trouveront une oreille attentive à Québec. «Il faut s’y attarder, à l’écosystème public, plaide-t-il. Il y a tellement de capital de risque et de capital privé, qu’on est en train de perdre notre bassin d’expertise en marché public. Le marché public doit aussi être une porte de sortie pour le capital privé. Il faut s’en préoccuper maintenant pour qu’on ait le bassin d’experts ici pour exécuter les transactions.»
Québec Bourse n’est pas la seule association à se préoccuper de cet enjeu. Les Affaires a révélé le mois dernier que plusieurs acteurs du milieu économique tentent de se mobiliser pour présenter une position commune sur cet enjeu.
Les sociétés québécoises sont peu nombreuses à s’inscrire en Bourse. En 2018, des 54 premiers appels publics à l’épargne (PAPE) canadiens, aucun n’avait été réalisé par une société québécoise, révèle un document de la firme PwC publié au début du mois de janvier. En fait, Stingray est la dernière entreprise québécoise à avoir fait un PAPE en 2015. Il reste tout de même des entreprises québécoises qui sont entrées en Bourse dernièrement (Ecolomondo, Goodfood, Hexo et Alithya), mais celles-ci l’ont fait par prise de contrôle inversée.
Le nombre de nouveaux venus n’est pas suffisant pour renouveler l’écosystème public alors que certaines sociétés choisissent de se privatiser ou sont achetées. L’année 2017 a d’ailleurs été marquante à cet égard. Il y a eu 11 sociétés québécoises qui ont quitté la Bourse, soit parce qu’elles ont été acquises par une autre entreprise, soit parce qu’elles ont privatisé leur capital, selon des données de Québec Bourse. L’acquisition de Rona et la privatisation de Lumenpulse et de Canam sont des exemples récents.
Pour le moment, M. Fitzgibbon ne croit pas que le Québec se trouve dans une situation défavorable par rapport au reste du Canada en ce qui a trait aux premiers appels publics à l’épargne. Il juge qu’un entrepreneur qui souhaite s’inscrire en Bourse a toujours les moyens de le faire. Sans prendre position en faveur du privé, il note que certains entrepreneurs y trouvent une expertise aidante. «Il y a peut-être des gens qui pensent qu’il devrait y avoir plus de premiers appels publics à l’épargne et moins de privés. Si l’entrepreneur décide d’aller au privé, ce n’est pas à moi de lui dire que ce n’est pas bon et d’aller au public. »