Lors de la transaction, il est toutefois possible de demander à ce qu’une portion de la clientèle soit exclue de la clause de non-concurrence. «Un des conseillers que j’accompagne a décidé d’aller vivre à l’étranger durant quelques années. Il s’est départi de ses clients, mais il s’est réservé le droit de reprendre contact avec certains d’entre eux. Il aura ainsi une base sur laquelle s’appuyer à son retour», poursuit Sara Gilbert.
Avant de reprendre contact avec un ancien client, l’experte suggère d’aviser l’acheteur de sa clientèle. «Ce n’est pas une obligation, mais une marque de respect», souligne-t-elle.
Introspection nécessaire
Sara Gilbert propose ensuite d’inviter l’ancien client à prendre un café. «Avant de parler d’affaires, il faut prendre de ses nouvelles, lui demander comment il va. Après tout, les clients qu’on a décidé de soustraire à la clause de non-concurrence sont souvent ceux avec lesquels on avait une plus grande complicité ; avec eux, on agit donc un peu comme on le ferait avec de vieux amis», dit-elle.
Au terme de ces retrouvailles, le conseiller peut solliciter une rencontre plus formelle, en disant qu’il compte reprendre ses anciennes fonctions. «Avant cette rencontre, il faut avoir une idée très claire de notre modèle d’affaires et se demander si on souhaite conserver la même formule ou innover», insiste Sara Gilbert.
Si on a l’intention d’adopter une démarche différente ou d’autres produits, on doit en informer ses anciens clients et s’assurer qu’ils sont à l’aise avec ce changement de cap.
Certains conseillers, par exemple, profitent de leur retour pour se lancer à leur compte afin de jouir des horaires plus souples liés au travail autonome.
D’autres souhaitent mettre à profit les expériences qu’ils ont faites durant leur pause. Le conseiller qui a mis sa carrière en veilleuse pour prendre soin d’un enfant qui souffre d’un trouble de santé mentale, par exemple, pourrait ainsi développer un nouveau marché afin d’aider d’autres parents dans sa situation à choisir des produits financiers adaptés.
«L’important, c’est de rassurer ses clients et de leur dire que nous sommes revenus pour de bon. Si on reprend le collier avec l’intention de repartir dans quelques années, ce n’est pas la peine de communiquer avec son ancienne clientèle», tranche Sara Gilbert.
«Si nous jouons au yo-yo avec nos clients, notre crédibilité risque d’en pâtir», ajoute-t-elle.
Meilleure organisation
Bien que les conseillers qui réintègrent la profession après un temps d’arrêt doivent parfois recommencer au bas de l’échelle, ils gravissent généralement les échelons plus rapidement qu’à leurs débuts.
«Comme ils ont acquis plus d’expérience et de maturité, ils sont plus structurés et ont de meilleures pratiques d’affaires», estime Sara Gilbert.
«Les conseillers qui ont développé des alliances stratégiques avec d’autres professionnels tels que des comptables ou des notaires auront plus de facilité à rebâtir une clientèle», ajoute-t-elle.
Anik Armand, gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD), en sait quelque chose. Après avoir travaillé pendant quelques années au service de conformité de la Financière Banque Nationale, elle a elle-même décidé de revenir à ses premières amours : le conseil financier.
«J’ai commencé ma carrière chez Lévesque Beaubien Geoffrion en 1990, d’abord en tant qu’adjointe, puis à partir de 1998, à titre de conseillère. J’adorais le contact avec les clients, mais la variabilité de la rémunération m’angoissait beaucoup. Par ailleurs, je devais régulièrement travailler le soir et la fin de semaine, ce qui était difficilement conciliable avec mon rôle de jeune maman», explique-t-elle.
En 2003, Anik Armand a donc décidé de vendre sa clientèle – son actif sous gestion s’élevait alors à 18 M$ – afin de se mettre en quête d’un emploi au salaire plus stable et à l’horaire plus compatible avec celui de sa famille. C’est à ce moment qu’elle a fait ses armes dans le secteur de la conformité.
«Cette expérience a été très formatrice. J’ai vu toutes sortes de pratiques, des pires aux meilleures. Quand je suis redevenue conseillère, je me suis inspirée des bonnes idées, tout en évitant de commettre les erreurs que j’avais observées au cours de mes inspections», dit-elle.
À son retour à titre de conseillère chez VMD, visant le créneau des familles fortunées, Anik Armand a consacré les premiers mois à la visite des différentes caisses afin de recueillir les attentes de cette clientèle particulière et de se familiariser avec le réseau des caisses.
Elle a ensuite développé une démarche et un manuel de procédures. De la première phrase que les membres de son équipe prononcent lorsqu’un client téléphone jusqu’aux résumés quotidiens des marchés qu’elle produit, rien n’est laissé au hasard.
«C’est un protocole exigeant, mais il donne d’excellents résultats», affirme Anik Armand. Depuis son arrivée chez VMD, en 2007, son actif sous administration est ainsi passé de 63 à 425 M$.
«Entretemps, j’ai même vendu un bloc d’affaires de 57 M$ afin de recentrer ma pratique. On est loin du portefeuille de 18 M$ que j’avais réussi à constituer après mes cinq premières années comme conseillère !» s’exclame-t-elle.