Des groupes environnementaux accusent la Banque Royale du Canada (RBC) d’écoblanchiment alors que la RBC, qui a été le deuxième plus grand bailleur de fonds pour des projets de combustibles fossiles au niveau mondial en 2022, a publié un rapport qui indique la voie à suivre pour atteindre la carboneutralité au Canada.

L’Institut d’action climatique RBC a publié son premier « rapport Action climatique », qui souligne les progrès, mais aussi des actions que les Canadiens devraient faire pour diminuer les gaz à effet de serre.

La plus grande banque du pays présente son rapport comme étant « un aperçu sans précédent de la lutte aux changements climatiques au Canada » et écrit notamment que « le Canada doit presque doubler ses dépenses en matière de climat pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050 » et que les consommateurs devront modifier leurs habitudes.

Des groupes environnementaux n’ont pas tardé à réagir après la publication du document.

« RBC demande aux consommateurs de dépenser leurs milliers de dollars différemment, mais cela ne changera pas la façon dont elle investit des centaines de milliards dans les combustibles fossiles », a dénoncé Keith Stewart, stratège principal en matière d’énergie chez Greenpeace Canada.

« RBC n’a aucune crédibilité pour parler des progrès climatiques du Canada alors qu’elle est le plus grand bailleur de fonds du pays pour le pétrole, le gaz et le charbon sales », a pour sa part indiqué Richard Brooks, de l’organisation Stand.earth.

Selon les données de la plus récente étude de Banking on Climate Chaos, publiée par un consortium de groupes écologistes, la Banque Royale du Canada (RBC) est le plus grand bailleur de fonds pour des projets de combustibles fossiles au niveau mondial en 2022.

L’aide financière de la Royale au secteur des combustibles fossiles a atteint 42 milliards de dollars américains (G$ US) en 2022, selon l’étude, soit 3 G$ US de plus qu’en 2021.

Ce qui fait dire à Richard Brooks que « l’Institut d’action climatique RBC semble être le service de relations publiques de la banque en matière d’écoblanchiment » et que s’il « prend au sérieux l’action climatique, il peut commencer par rédiger un plan climatique crédible pour la RBC ».

Appelée à réagir à ces accusations, l’une des auteures du rapport, Mya Truong-Regan, a indiqué qu’elle n’est « pas impliquée dans la partie financière de la banque » et que l’un des mandats de l’Institut d’action climatique RBC, pour qui elle effectue de la recherche, est d’adopter une « approche fondée sur les faits et axée sur les données dans la manière dont nous effectuons nos recherches ».

La chercheuse a souligné que même si elle fait partie de la RBC, elle « jouit également d’une indépendance en termes de capacité à faire des recherches ».

La RBC ne suggère pas de diminuer la production de pétrole

Dans son rapport, l’Institut d’action climatique RBC suggère que le financement des entreprises pour l’action climatique soit « augmenté de façon exponentielle » et que l’industrie doit « saisir toutes les occasions possibles pour adopter à plus grande échelle les technologies de capture, d’utilisation et de stockage du carbone ».

L’Institut d’action climatique RBC recommande aussi, pour l’année 2024, une série d’initiatives qui concernent l’agriculture, les bâtiments, l’électricité et le transport.

Toutefois, à aucun endroit dans son rapport de 80 pages l’Institut d’action climatique RBC ne recommande de réduire la production de pétrole, comme le suggèrent, par exemple, différents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC).

Le secteur au Canada qui émet le plus de GES est celui de la production pétrolière et gazière avec 179,8 Mt d’éq. CO2 en 2020.

Est-ce que le Canada devrait réduire sa production pétrolière afin de diminuer ces GES et lutter contre les changements climatiques ?

À cette question, voici ce qu’a répondu la chercheuse Mya Truong-Regan: « Ce sont des décisions commerciales que les individus de ces secteurs doivent prendre. Ce n’est pas mon expertise. Encore une fois, c’est une décision qu’ils doivent prendre en fonction de la façon dont ils perçoivent la demande du marché pour leurs produits, de leur devoir envers leurs actionnaires ».

Selon les données de l’étude Banking on Climate Chaos, depuis la signature de l’accord de Paris sur le climat en 2016, RBC a accordé plus de 253,98 G$ US de financement aux entreprises de combustibles fossiles.

Doubler les dépenses en matière de climat

Le rapport de l’Institut Action Climat RBC indique que pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, le Canada faire passer ses dépenses en matière de climat, du  niveau actuel d’environ 37 G$ à 60 G$ par année.

Le document souligne également que les marchés publics, le capital-investissement et le capital-risque devront « intensifier leurs efforts » et investir davantage d’argent dans les investissements verts, car ils ne représentent que 8 % des flux de capitaux destinés aux efforts climatiques depuis 2021.

Selon l’Institut d’action climatique RBC, les marchés privés génèrent plus que suffisamment de capitaux pour financer une plus grande partie de la transition, avec seulement 6 % des nouveaux financements en capital consacrés aux efforts en matière de climat et de technologies propres l’année dernière.

Les gouvernements provinciaux et municipaux devront également intensifier leurs efforts, indique le rapport, et les consommateurs devront également modifier leurs habitudes de dépenses, car le gouvernement fédéral a jusqu’à présent fourni une grande partie du financement et atteint ses limites budgétaires.