Les conseillers ne doivent pas oublier de prévenir leurs clients concernés, puisque ces retraits excédentaires s’ajoutent au revenu imposable et pourraient avoir une incidence sur leur avis de cotisation et sur divers programmes sociaux comme la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) et le Supplément de revenu garanti (SRG).
«Beaucoup plus de gens qu’on ne pense ne retirent que le minimum», note Natalie Hotte, fiscaliste et planificatrice financière chez Banque Nationale Gestion privée 1859.
Le risque pour ces clients, retraités pour la plupart, est non seulement de devoir payer plus d’impôt, mais de devoir également rembourser certaines sommes perçues en vertu de mesures sociofiscales.
Crédits d’impôt touchés
«Comme cela concerne les personnes âgées, plusieurs crédits d’impôt peuvent aussi être touchés, note Natalie Hotte. On peut penser au crédit pour le maintien à domicile et à celui pour les frais médicaux.»
Supposons un couple dont le revenu de pension est de 4 000 $ (retrait FERR) sans autre source de revenu. Avec le SRG, le revenu disponible du couple atteint ainsi près de 30 000 $, cite en exemple Dany Provost, directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL Cité de Montcalm.
Ce montant inclut un retrait minimum du FERR. Ce retrait a été effectué en vertu de l’ancien taux de retrait minimal, dont 1 500 $ de trop. Si le couple omet de remettre ces 1 500 $ dans le FERR, cet excédent sera imposé à hauteur de 74,3 %, lui laissant un maigre de 386 $ dans ses poches ! Ce taux marginal élevé tient compte de l’effet net de l’impôt et des programmes sociaux fiscaux, dont le remboursement partiel du SRG.
Les clients à revenus élevés peuvent également être pénalisés. Dany Provost calcule qu’un couple dont les revenus de pension se situent dans une tranche de 172 000 à 218 000 $, et dont les membres gagnent chacun la moitié du revenu du couple, peut aussi être imposé à un taux marginal supérieur à 55 % sur le montant excédentaire retiré du FERR.
Le budget fédéral a été déposé en avril, mais le nouveau taux entre en vigueur à compter de janvier 2015. Ceux qui avaient déjà retiré tout le montant minimum de leur FERR selon l’ancien taux ont donc retiré plus que le minimum requis. Même chose pour ceux qui n’auraient pas prévenu leur institution financière de changer le taux de retrait après l’annonce du budget ou qui souhaitaient continuer de retirer selon l’ancien taux.
«S’ils n’ont pas besoin de cet argent, il pourrait être plus avantageux de le remettre dans le FERR», explique Natalie Hotte.
Cependant, attention, souligne-t-elle, le gouvernement donne seulement la possibilité de remettre la différence entre les deux taux minimums, pas plus. «Les règles sont très strictes là-dessus, répète la fiscaliste. Une certaine surveillance peut être exercée par les institutions financières, mais c’est au rentier qu’il incombe de faire attention de ne pas en remettre plus», ajoute Natalie Hotte.
Elle précise que les sommes peuvent être remises dans n’importe quel FERR, et non pas seulement dans celui d’où les retraits proviennent.
Le gouvernement a adopté d’autres mesures transitoires pour permettre aux institutions financières de gérer cette coexistence des «deux minimums» en 2015. Alors qu’habituellement, des retenues à la source sont prélevées quand les retraits excèdent le minimum exigé, il n’y a eu aucune retenue à la source pour les clients qui ont retiré selon l’ancien taux minimum. L’excédent devra être déclaré au moment de produire la déclaration de revenus.
«Ceux qui auront retiré l’ancien minimum devront l’inclure dans leur déclaration de revenus et pourront déduire le montant qu’ils ont remis dans le FERR. C’est un in and out qui ne devrait pas avoir de conséquence, mais qu’on verra dans la déclaration», dit Natalie Hotte.
Autre mesure transitoire : exceptionnellement, pour 2015, les règles d’attributions rattachées à une contribution à un REER de conjoint ne s’appliqueront pas dans le cas des deux minimums afin d’éviter de pénaliser ceux qui ont retiré selon l’ancien taux.
Ainsi, la personne qui a contribué au REER de conjoint avant que celui-ci ne soit converti en FERR ne se verra pas réattribuer le montant excédentaire retiré en vertu de l’ancien taux minimum.
Confusion dans les systèmes
Pour les institutions financières, cet abaissement du taux minimum, qui varie de 0 à 2,1 points de pourcentage selon l’âge du rentier, est coûteux. À la Banque Nationale, conseillers et clients ont été avertis un par un, au moyen d’envois particuliers.
La confusion vient du fait que les systèmes informatiques des banques n’ont pas été ajustés pour tenir compte du nouveau minimum. Un simple changement de taux dans les systèmes aurait certes coûté moins cher, mais n’aurait pas permis d’appliquer les mesures transitoires, selon la fiscaliste.
Cette décision du gouvernement fédéral d’abaisser le taux de retrait minimum du FERR faisait écho aux constats de l’Institut C.D. Howe, qui sonne l’alarme depuis plusieurs années en ce qui concerne le risque que les épargnants canadiens survivent à leurs épargnes en raison de taux de retraits minimums trop élevés.
Dans un récent rapport intitulé «Drawing Down Our Savings: The Prospects for RRIF Holders Following the 2015 Federal Budget», l’Institut va plus loin, suggérant même d’éliminer complètement les retraits minimum FERR, ce qui «retarderait l’arrivée de revenus d’impôts au gouvernement» de façon «négligeable», mais qui «allégerait la planification financière et la menace au revenu de retraite des Canadiens».