Il a développé un savoir-faire non seulement technique, mais humain, dit-il. Cependant, il est passé maître dans l’art de fignoler ses transactions pour qu’elles soient optimisées sur le plan fiscal.
«Je ne peux pas faire un copier-coller d’une transaction à l’autre, car chacune est unique», dit ce conseiller qui est aussi fiscaliste de formation, un avantage considérable !
Une tendance se dessine cependant : pour l’acheteur, il est moins risqué et plus avantageux sur le plan fiscal d’acquérir une liste de clients que les actions d’un cabinet.
En effet, la liste de clients étant considérée comme un «bien en immobilisation admissible», l’acheteur peut l’amortir chaque année pour réduire ses impôts.
Or, il y a un hic. «Pour le vendeur, c’est un peu moins l’fun, dit Daniel Guillemette, car la liste étant considérée comme un bien dont il dispose, il devra payer de l’impôt sur le gain réalisé.»
«À l’opposé, si on achète les actions d’un cabinet, le vendeur peut exonérer son gain en capital, mais on ne peut rien amortir. L’acheteur doit en quelque sorte absorber l’impôt que le vendeur n’a pas eu à payer.»
Généralement, c’est la différence entre le prix payé et le prix vendu qui sera considéré comme un revenu. Cependant, comme une clientèle est généralement développée à partir de rien, c’est le prix total qui devra être ajouté au revenu imposable de l’individu, dont le taux d’inclusion est de 50 %.
La solution ? Que cette liste soit détenue non pas par l’individu, mais par une société par actions. De cette façon, le vendeur pourra réclamer une exonération d’impôt pour gain en capital, et le tour sera joué.
Le mythe des 24 mois
Les règles fiscales stipulent que le détenteur d’actions de petite entreprise doit posséder ses actions depuis 24 mois avant de pouvoir en disposer et profiter de l’exonération pour gain en capital.
Selon la croyance populaire, un conseiller en sécurité financière qui désire vendre sa clientèle et profiter de l’exonération pour gain en capital n’a qu’à créer une société par actions et attendre 24 mois avant de vendre celle-ci.
«Dans la réalité, les gens ne souhaitent pas attendre aussi longtemps, constate Daniel Guillemette. Ils vendent parce qu’il veulent prendre leur retraite et ont besoin d’encaisser rapidement.»
Peu de gens savent qu’en fait, cette règle des 24 mois est contournable. «Il n’est pas nécessaire d’attendre 24 mois, mais pour être admissible à l’exonération pour gain en capital, il faut transférer plus de 90 % des biens servant à l’exploitation de l’entreprise dans la nouvelle société», indique cependant Michel Lessard, fiscaliste, conseiller en sécurité financière et planificateur financier chez Lessard & St-Hilaire, société professionnelle. Ce sont les actions reçues en contrepartie des actifs transférés qui donneront droit à l’exonération.
Un autre article de la loi fiscale stipule que les actions sont admissibles à l’exonération si elles n’ont pas été reçues par le vendeur d’une personne avec qui il n’a pas eu de lien de dépendance dans les deux dernières années.
Autrement dit, si le vendeur a reçu ses actions d’une personne avec qui il avait un lien de dépendance dans les deux années qui précèdent la transaction, il ne pourra pas se prévaloir de l’exonération pour gain en capital. Il faut également détenir soi-même les actions.
«Certains viennent me voir parce qu’ils veulent vendre, mais leurs actions sont détenues par un holding. Il faut que ce soit l’individu qui vende ses actions pour avoir droit à la déduction pour gain en capital, pas une société», dit Michel Lessard.
Daniel Guillemette a donc développé avec les années une méthode d’achat qui a fait ses preuves. Un jour, raconte-t-il, un conseiller qui n’était pas incorporé l’a approché pour lui vendre son entreprise. Techniquement, il ne pouvait pas réclamer l’exonération pour gain en capital, à moins de créer une entreprise et de la détenir pendant deux ans.
«J’ai pris une de mes filiales et j’ai dit au vendeur : « Transfère ton achalandage dans cette société. En échange, tu vas recevoir des actions de cette société au jour 1, et le lendemain, je vais te racheter les actions. Donc, tu n’auras pas besoin d’attendre deux ans »», dit Daniel Guillemette.
Le piège des actifs contaminants
Cette méthode fonctionne à condition que la filiale utilisée soit exonérable. Là intervient le piège des actifs contaminants, explique Daniel Guillemette.
«L’exonération pour gain en capital n’est pas automatique. Il faut qu’au moment de la transaction, 90 % ou plus des actifs détenus par la société par actions soient utilisés principalement dans l’exploitation active de la société. Un immeuble utilisé à des fins locatives, par exemple, pourrait disqualifier le vendeur de l’exonération pour gain en capital.»
Il conseille alors à celui qui vend des actions de son cabinet ou sa liste de clients par l’intermédiaire d’une société par actions de s’assurer d’en avoir sorti auparavant tous les actifs contaminants. Même chose pour un acheteur qui procèderait au rachat d’une liste par l’intermédiaire d’une de ses filiales. Celle-ci doit être exempte de tout contaminant.
Tous les placements en argent de l’entreprise comme les certificats de dépôt garantis, les fonds communs de placement et autres outils de placement, de même qu’une valeur de rachat contenue dans une police d’assurance-vie, peuvent être considérés comme des actifs contaminants.
Ne pas oublier aussi le test du 50 %, conseille Daniel Guillemette. «Chaque jour des 24 mois qui précèdent la transaction, si pendant une seule journée j’ai eu plus de 50 % d’actifs contaminants dans ma société par actions, la transaction ne sera pas exonérable.» Cette règle, souligne-t-il, vise à éviter qu’un conseiller qui aurait placé d’importantes sommes d’argent dans son entreprise ne vende que dans le but de soustraire ces sommes à l’impôt.