1. L’actif familial
Advenant une séparation, la valeur des biens du patrimoine familial est normalement partagée en deux entre les époux, selon Éducaloi.
D’après le ministère de la Justice du Québec, le patrimoine familial comprend toutes les résidences à l’usage de la famille, les meubles qui garnissent ces résidences, les véhicules utilisés pour les déplacements de la famille ainsi que les droits accumulés durant le mariage ou l’union civile dans un régime de retraite.
Selon les règles du régime matrimonial auquel sont soumis les clients, d’autres biens peuvent s’ajouter à l’actif familial qui sera partagé lors de la rupture.
Ainsi, si le couple est marié sous le régime de la société d’acquêts, la valeur de l’actif sera plus importante que s’il est marié sous le régime de la séparation de biens, établi soit par contrat notarié, soit par jugement. Dans ce dernier cas, il n’y aura aucun partage des biens accumulés pendant le mariage, à l’exception du partage de la valeur des biens du patrimoine familial.
Cette différence entre les régimes peut donc influencer de façon importante les décisions d’un ménage.
Par exemple, dans le régime de séparation de biens, le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), n’est pas partageable, alors que le REER sera automatiquement divisé par deux.
«Si un conjoint cotise à un CELI et que l’autre contribue à un REER, le premier sera plus riche au moment du divorce, explique Sophie Sylvain, planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine. Il est important que le couple le sache.»
Un représentant devrait donc veiller à ce que les conjoints comprennent ce qui sera partagé ou non en cas de divorce.
Par ailleurs, si les besoins des clients les mènent à inclure des clauses particulières dans leur contrat de mariage, il peut être utile de faire intervenir un notaire pour bien comprendre l’entente.
«Par exemple, illustre Sophie Ducharme, notaire chez Banque Nationale Gestion privée 1859, si un conjoint a renoncé au partage du patrimoine dans le contrat de mariage, cette clause peut tomber si, au moment du divorce, la personne décide maintenant d’avoir sa part. En effet, les règles du patrimoine familial sont d’ordre public. Il est donc impossible d’y renoncer à l’avance.»
«De plus, prenez soin d’expliquer que chaque bien ne sera pas divisé par deux, dit Sophie Sylvain. C’est la valeur nette (valeur des biens moins valeur des dettes) du patrimoine familial qui sera divisée par deux. Le partage réel pourra prendre des formes diverses.» Ainsi, un des conjoints pourrait conserver la maison, tandis que l’autre obtiendrait les REER.
Généralement, le partage se fait sans qu’on tienne compte de l’impact fiscal à la disposition. «C’est en quelque sorte un transfert en franchise d’impôt, dit Sophie Sylvain. Lors du divorce, vous devez donc rappeler aux conjoints les conséquences fiscales du partage. Ils pourront alors négocier autre chose s’ils le désirent.»
Par exemple, la valeur de vente d’une maison de 250 000 $ n’est pas équivalente à la valeur d’un REER de 250 000 $ à sa disposition. En vendant la maison, un client pourra généralement se prévaloir de l’exemption pour résidence principale et toucher 250 000 $. En retirant le même montant d’un REER en un seul versement, son ex-époux touchera seulement 125 000 $ si son taux d’imposition implicite est de 50 %. Cette nuance doit être connue des conjoints.
2. Le bilan
«Dès le début du mariage, et même avant, remarque Fernand Loiselle, planificateur financier chez Services financiers Groupe Investors, vous devez inciter le couple à faire un bilan familial, puis à le conserver et à le mettre à jour. Cela facilitera les choses advenant une séparation.»
Ce bilan doit comprendre la liste de ce qui appartenait en propre à chaque conjoint avant le mariage, c’est-à-dire les biens qui ne seraient pas sujets au partage advenant un divorce, souligne Sophie Ducharme.
«Le conjoint signera ce document, dit-elle. Cette signature servira de preuve advenant une séparation.» Sans cette preuve, les biens risquent d’être partagés, à moins que les conjoints aient conservé leurs factures.
Le bilan implique aussi qu’on tienne un registre pour estimer la valeur de l’actif familial. En outre, ce document sera important si un conjoint reçoit un don ou un héritage, considéré comme un bien propre de ce conjoint.
«Sans ce registre, note Sophie Sylvain, si Madame touche un héritage et paie l’hypothèque avec ce legs, le montant de l’héritage pourrait faire l’objet d’un partage au moment du divorce.» Le registre permettra aussi de retracer les gains associés à cet héritage afin de les protéger également.
Cependant, un risque demeure : le registre pourrait être perdu ou détruit. Ce risque est plus important si la discorde règne dans le ménage.
Le fait de conserver ce document dans un coffret bancaire ou dans la voûte d’une étude de notaires peut alors donner une protection accrue. «Ce n’est pas une exigence, explique Sophie Ducharme, mais le registre constitue un document dont on ne peut perdre la trace.»
3. Le plan financier
Pour aider les conjoints à y voir plus clair, un conseiller devrait aussi les doter d’un plan financier familial qui cernera leurs objectifs de vie et les moyens financiers qui leur permettront de les atteindre.
«Veillez à ce que les conjoints participent tous deux au processus, recommande Fernand Loiselle. Ils pourront ainsi assurer le suivi de leur situation financière et faire les rajustements requis.»
Naturellement, c’est plus facile à dire qu’à faire. Il n’est pas toujours simple d’avoir la collaboration des deux conjoints. «Dans bien des cas, les finances sont tenues par une seule personne. Le divorce obligera alors l’autre conjoint à s’occuper de ses finances du jour au lendemain», dit Hélène Boileau, planificatrice financière chez BMO Investissement.
Le rôle du représentant est donc de les inciter à participer tous deux aux décisions financières. «Une bonne façon de le faire est de leur dire que cela permettra de planifier des stratégies fiscales conjointes, qui leur feront économiser de l’impôt», remarque Sophie Sylvain.
Fernand Loiselle, lui, recommande de souligner au conjoint récalcitrant que les problèmes financiers sont la cause principale des ruptures et qu’une séparation l’appauvrirait assurément.
Lors des rencontres avec les conjoints, la tâche du conseiller sera de leur expliquer les avantages et les inconvénients d’une décision financière pour éclairer leurs choix. Le couple aura évidemment le dernier mot.
Par exemple, si le couple qui vient de se marier n’a jamais vécu sous le même toit, on peut recommander d’attendre avant d’acheter une maison, afin que les conjoints puissent s’apprivoiser mutuellement dans un logement locatif. Une union éphémère entraînera des conséquences financière plus lourdes pour des propriétaires que pour des locataires.
Par ailleurs, «assurez-vous que les deux conjoints comprennent ce que vous expliquez, signale Fernand Loiselle. Car l’un d’eux pourrait être moins à l’aise avec le jargon financier…»
4. La gestion courante
Les conjoints qui gagnent le même revenu sont rares. «Vous devez donc les aider à établir un mode de fonctionnement, à tenir un budget et à déterminer la façon de procéder sur le plan de la gestion de la famille», estime Sophie Ducharme.
De plus, mettez-les en garde contre la mise en commun de l’argent. «Dans un compte conjoint, explique Sophie Sylvain, l’un ou l’autre des membres du couple peut avoir accès à l’argent sans l’accord de son conjoint. Ils s’exposent donc à ce qu’il n’y ait plus d’argent du jour au lendemain, surtout lorsque la relation se dégrade.»
«C’est pourquoi il est préférable d’utiliser le compte conjoint pour payer les dépenses communes. Les conjoints auront chacun un compte personnel dans lequel leur paye sera déposée. Ils transféreront ensuite un montant – souvent un pourcentage du revenu – dans le compte conjoint», dit Hélène Boileau.
Ce même avertissement vaut pour les marges et les cartes de crédit communes. En effet, s’ils empruntent ensemble, chaque conjoint sera responsable à 100 % de la part de l’autre. Si l’un des deux ne peut pas effectuer le paiement, l’autre devra le faire, sinon sa cote de crédit en souffrira.
«Il est préférable d’avoir une carte de crédit conjointe munie d’une petite limite pour faire les achats communs, dit Sophie Sylvain. Parallèlement, chacun aura sa carte personnelle.» Ce mode de fonctionnement permet aussi d’éviter qu’une seule personne s’occupe de tout.
Même chose pour l’assurance vie. Une police individuelle est préférable à une police conjointe. «Après le divorce, il sera possible de changer le nom du bénéficiaire et de conserver la protection, explique Fernand Loiselle. Dans le cas d’un contrat commun, il faudra souscrire une nouvelle police d’assurance…»
Nuance légale du mariage
Par ailleurs, les couples mariés avant l’entrée en vigueur de la Loi instituant le patrimoine familial pouvaient manifester par acte notarié, avant le 1er janvier 1991, leur volonté de ne pas être assujettis aux dispositions de cette loi, selon le Ministère de la Justice du Québec. Toutefois, la renonciation par acte notarié peut être annulée si elle exploite l’ignorance ou l’inexpérience de l’une des parties au point de forcer ou de vicier son consentement. La renonciation peut aussi être annulée pour toute cause entraînant habituellement la nullité d’un contrat.