Par contre, le crédit pour travailleur d’expérience sera bonifié pour atteindre un maximum de 1 504 $ (à 15 000 $ de revenu de travail), au lieu des 602 $ actuels. L’âge d’admissibilité sera graduellement porté de 65 à 63 ans à compter de l’année 2016.
De plus, le crédit de Fondaction est «haussé» à 20 %. On parle de hausse du crédit ici, car la bonification de 10 % qui portait le crédit à 25 % depuis quelques années était censée être abolie à compter du 1er juin de cette année. Le budget fait donc passer le crédit de 15 à 20 %. En 2015, comme le crédit pour fonds de travailleurs est de 10 % au fédéral, le crédit total pour Fondaction est donc de 30 %, ce qui correspond au taux avec lequel les conseillers sont familiarisés depuis plusieurs années lorsqu’ils font des comparaisons avec le Fonds de solidarité FTQ.
Bouclier fiscal
Le «bouclier fiscal» protègera les contribuables contre des hausses de revenu importante. En effet, cette mesure, qui s’appliquera à compter de 2016, permettra à deux crédits d’impôt remboursables – la prime au travail et le crédit pour frais de garde – d’être calculés à partir de revenus moins élevés que les revenus réels. On permettra une déduction égale à 75 % de l’augmentation des revenus de travail jusqu’à une déduction maximum de 2 500 $ par personne.
Les contribuables touchés seront les personnes à faible revenu de travail – ayant droit à la prime au travail – ainsi que les familles à revenu net se situant entre 135 000 $ et 154 000 $ ayant bénéficié d’une augmentation de revenus. Mais attention, ce bouclier n’est qu’un allègement d’un an des impacts d’une augmentation de revenus. L’année suivante, l’augmentation de revenus est fonction du revenu de cette année et du revenu réel (et non réduit) de l’année précédente.
Le premier graphique montre les TEMI pour un couple dont chaque membre a eu une augmentation annuelle de salaire de 2 500 $. Ce couple a deux enfants en garderie non subventionnée à 35 $ par jour, et chacun des conjoints gagne 50 % des revenus illustrés. Ces TEMI montrent l’impact net d’une augmentation de revenus de 5 000 $.
Par ailleurs, le budget contient une bonne nouvelle pour les sociétés et les professionnels incorporés : le taux de cotisation minimal au Fonds des services de santé (FSS) des employeurs dans les secteurs des services et de la construction passera de 2,7 % à 2,25 % de 2017 à 2020.
Resserrement des critères pour la DPE
Nous voilà au point majeur de ce budget pour les conseillers et leurs clients : la perte de la déduction pour petite entreprise (DPE) pour plusieurs sociétés. Cette déduction constitue la différence entre ce qu’on appelle le «gros taux» et le «petit taux».
Le «gros taux» est actuellement de 11,9 % au Québec. À compter de 2017, il sera réduit de 0,1 point de pourcentage par année pendant quatre ans. En 2020, il sera donc de 11,5 %. Si la nouvelle s’arrêtait là, ce serait une bonne nouvelle…
Cependant, le «petit taux», actuellement de 8 % au Québec, ne s’appliquera qu’aux entreprises comptant «plus de trois employés à plein temps» pendant toute l’année ou pour les entreprises des secteurs primaires ou manufacturiers. (De toute façon, y a-t-il beaucoup d’entreprises dans ces secteurs qui ne comptent pas plus de trois employés ?). Pour les entreprises du secteur primaire, ce taux est même réduit de moitié (4 %) depuis le 1er avril.
La définition de «plus de trois employés à plein temps» laisse une place à interprétation pour le quatrième employé : doit-il être à plein temps ou peut-il être à temps partiel ? Nous verrons l’intention de l’État au fil des ans, mais ce point n’est pas clair… Si j’insiste, c’est que plusieurs cabinets de services financiers peuvent être à cette limite.
Cela signifie donc que tous les entrepreneurs ayant incorporé leur pratique et qui n’emploient pas (incluant eux-mêmes) plus de trois employés perdent la DPE et paieront ainsi plus de 3 points de pourcentage d’impôt supplémentaire à compter de 2017, soit 3,8 points en 2017… jusqu’à 3,5 points à compter de 2020.
Est-ce à dire qu’il s’agit de la fin des incorporations pour les professionnels ? Pas du tout. Mais l’avantage d’incorporer une entreprise sera réduit. Tous vos médecins et autres professionnels paieront un peu plus d’impôt chaque année.
Un point me tracasse… Comment seront traités les dividendes provenant des sociétés touchées ? Il existe deux types de dividendes : les dividendes déterminés et les autres. Lorsque la société a payé le «gros taux» d’impôt sur son bénéfice provenant de l’exploitation d’une entreprise, l’actionnaire peut se verser un dividende déterminé, qui est moins imposé entre ses mains. Cela ne cause aucun problème puisqu’il n’existe qu’un seul «gros taux».
Avec ces nouvelles mesures, on aura un troisième et un quatrième taux d’imposition…
Premier taux : 15 %. Une entreprise agricole (secteur primaire) paiera 4 % au Québec, plus 11 % au fédéral sur ses premiers 500 000 $ de bénéfice, si elle se qualifie par ailleurs. Je parierais cependant que cette distorsion dans le grand principe d’intégration ne sera pas reconsidérée. Un dividende non déterminé serait ainsi déclaré. Les agriculteurs auraient un incitatif de plus à incorporer leur entreprise, et le gouvernement du Québec accepterait cette baisse de revenus.
Deuxième taux : 19 %. Celui-là est bien connu. Il s’agit de la situation actuelle : une société paie 8 % au Québec et 11 % au fédéral sur ses premiers 500 000 $ de bénéfice. Dividende non déterminé habituel…
Troisième taux : 22,5 %. C’est celui qui me cause un problème… Petit taux de 11 % au fédéral et gros taux de 11,5 % au Québec. Comment s’opérera l’intégration ? Les dividendes seront-ils traités indépendamment au fédéral et au Québec ? Le fédéral ajustera-t-il la majoration et le crédit pour les résidents du Québec ? Y aura-t-il une troisième sorte de dividende qui ferait fonctionner l’intégration ?
Quatrième taux : 26,5 %. Actuellement de 26,9 %, c’est ce qu’on appelle le «gros taux», qui donne droit à un dividende déterminé que les actionnaires affectionnent particulièrement.
J’ai fait quelques calculs afin de simuler quelques possibilités pour le taux de 22,5 %. Le deuxième graphique montre la distorsion (l’impôt supplémentaire) entre un versement de dividende et un revenu d’entreprise gagné personnellement. Aucune charge sociale n’a été considérée.
Première possibilité : statu quo – dividende non déterminé au Québec avec le nouveau taux d’impôt de 11,5 % à terme en 2020. Cette situation est la pire de toutes. Au net, la distorsion est amplifiée de près de 2 % à 3,37 % pour les revenus élevés. Le crédit pour dividende au Québec simulé est égal au taux d’imposition de 11,5 % pour les trois situations alternatives.
Deuxième possibilité : dividendes indépendants au fédéral et au Québec – dividende déterminé au Québec (DD Québec). Cette situation est légèrement défavorable par rapport à la situation actuelle, mais les dégâts sont limités, et il est très possible que l’État choisisse cette option, à mon avis.
Troisième possibilité : ajustement du facteur de majoration (aux deux paliers) et ajustement du crédit fédéral (DND ajusté). Autrement dit, le fédéral ajusterait ses facteurs pour tenir compte de notre réalité en créant une «troisième» sorte de dividende. Tout est possible dans cette situation. Ce que j’ai illustré est une combinaison de majoration et de crédits au fédéral, qui donne une distorsion nulle pour des revenus élevés. Le facteur de majoration serait ainsi de 21 % aux deux paliers, et le crédit fédéral serait de 10,94 % au lieu de 11,02 %. Bien que la mesure ait été annoncée, les détails restent inconnus…
*Directeur, planification financière, Centre financier SFL, Cité de Montcalm