Les tribunaux sont un moyen notoirement lent et coûteux pour les investisseurs cherchant à déposer une plainte à l’encontre des sociétés d’investissement. Et jusqu’ici, les organismes de réglementation des valeurs mobilières n’ont pas tenu leurs promesses de réformer l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI), qui se présente comme l’actuelle option à faible coût pour aller de l’avant. Il y a toutefois maintenant de l’espoir pour les investisseurs lésés.
À la fin de la dernière année, à la suite d’un examen interne, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), qui fait maintenant partie du nouvel organisme d’autoréglementation) a lancé une consultation sur la relance de son programme d’arbitrage, un service qui n’attire qu’une poignée de cas chaque année, comparativement aux centaines de cas traités annuellement par l’OSBI.
En conclusion de l’examen, il fut recommandé de mettre à l’essai une nouvelle structure à plusieurs palliés reflétant la nature des cas soumis, d’augmenter le montant maximal des indemnités accordées dans le cadre du programme d’arbitrage en le faisant passer de 500 000 $ à 5 millions de dollars, et de publier les décisions arbitrales, entre autres changements. Le but étant de rehausser la valeur du programme et de le rendre plus conforme aux besoins des investisseurs lésés.
La tentative de rajeunir ce programme d’arbitrage est généralement bien accueillie, tant par les défenseurs des investisseurs que par le secteur du placement.
« Les investisseurs méritent des options viables et approprié pour le règlement des différends, qui vont au-delà de ce que propose l’OSBI », a avancé l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) dans le mémoire présenté dans le cadre de la consultation.
De fait, l’ACCVM a appuyé plusieurs des recommandations du groupe de travail visant à remanier l’ancien programme d’arbitrage de l’OCRCVM. Elle a aussi indiqué que certaines caractéristiques d’autres modèles – comme le recours à la médiation, au Québec, et la structure d’arbitrage obligatoire de l’industrie américaine – devraient également être considérées.
L’ACCVM a aussi appuyé l’idée d’élargir un tel programme d’arbitrage renouvelé pour inclure les plaintes concernant les courtiers de fonds communs de placement en vertu du nouvel OAR.
Les défenseurs des investisseurs espèrent également que le programme d’arbitrage de l’OCRCVM pourra s’avérer utile, mais certains sont d’avis qu’il nécessite une refonte radicale.
La plus récente mise à jour du programme d’arbitrage de l’OCRCVM remonte à 2010, et n’a donné lieu qu’à de modestes changements. Le montant maximal des indemnités était alors passé de 100 000 $ à 500 000 $ et l’option d’obtenir des remboursements a été introduite. Ces ajustements n’ont guère contribué à augmenter l’utilisation du programme.
« De toute évidence, cela n’a pas rendu le système plus accessible », a mentionné l’Investor Advisory Panel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans son mémoire déposé dans le cadre de la consultation. « Au cours de la dernière décennie, il y a eu cinq cas ou moins chaque année. »
Le Panel a même laissé entendre que les réformes proposées lors du plus récent examen pourraient ne pas être suffisantes « pour transformer véritablement le processus d’arbitrage afin d’atteindre une plus grande accessibilité pour les investisseurs de détail ».
Le Panel a ainsi recommandé d’inclure des services juridiques et consultatifs gratuits pour les investisseurs ayant des créances de moindre importance, de prolonger à six ans le délai de prescription pour les réclamations et de ne pas tenir d’audiences virtuelles dans le but de réduire les coûts, entre autres changements.
L’Investor Protection Clinic (IPC) de la Osgoode Hall Law School, qui fournit des conseils juridiques gratuits aux investisseurs lésés, a fait écho aux préoccupations du Panel. L’IPC a suggéré au nouvel OAR « de saisir cette occasion de remanier le programme d’arbitrage et d’adopter des changements transformationnels plutôt que des changements progressifs tels qu’adoptés par l’OCRCVM à la suite de la dernière consultation en 2010 ».
Cependant, la révision du programme pourrait semer davantage de confusion.
« Pour les clients qui ne désirent pas opter pour une démarche juridique, cela soulève des vents contraires importants, à la fois dans la compréhension de toutes les options disponibles (qu’il s’agisse d’un règlement interne des différends, de l’OSBI ou du programme d’arbitrage revu) et dans le choix de l’option la plus appropriée, compte tenu de la substance et de l’ampleur de leur réclamation potentielle », a déclaré le Conseil canadien de défense des intérêts des sociétés CFA Canada (CAC) dans son mémoire.
Pour régler ce problème, le CAC a recommandé l’élaboration d’un mécanisme de triage à un stade précoce de la démarche, dans le but d’aider les investisseurs à déterminer le lieu le plus approprié pour son cas.
L’OSBI s’est aussi dit préoccupé par le fait qu’un programme d’arbitrage remanié pourrait faire plus de mal que de bien en l’absence d’un mécanisme de triage.
« Les services de règlement des différends permettent de réaliser d’importantes économies d’échelle », a indiqué l’OSBI dans son mémoire. Fournir plusieurs options pour des types de plaintes d’investisseurs similaires augmenterait les coûts pour l’ensemble du système de règlement des différends et, en fin de compte, pour les investisseurs, peut-on lire.
Le mandat de l’OSBI porte sur des cas d’un montant maximal de 350 000 $.
« L’élargissement du programme d’arbitrage aux plaignants de faible valeur et non représentés augmenterait la complexité du système de règlement des différends et augmenterait la confusion des investisseurs », a averti l’OSBI. Le mémoire laisse également entendre que de telles plaintes conviennent mieux aux services de l’Ombudsman parce qu’elles sont moins légalistes, « plus rapides, moins coûteuses et moins complexes sur le plan procédural que l’arbitrage ».
Certains mémoires recommandaient explicitement que le programme d’arbitrage évite de recevoir des plaintes en deçà du seuil de 350 000 $ de l’OSBI afin d’éviter les chevauchements.
Cependant, ce point de vue n’était pas unanime. FAIR Canada a soutenu que les investisseurs devraient déterminer où faire entendre leur plainte par eux-mêmes, qu’il s’agisse de l’OSBI, de l’arbitrage ou des tribunaux.
« Fondamentalement, nous croyons qu’il est important de préserver le choix des investisseurs et de veiller à ce que chaque option demeure disponible et produise des résultats équitables pour les plaignants », peut-on lire dans le mémoire de FAIR Canada. « L’objectif devrait être de veiller à ce que le programme d’arbitrage soit aussi efficient et efficace que possible lorsqu’il s’agit de l’option privilégiée par un plaignant pour régler son différend. »
Cet effort pour relancer le programme d’arbitrage s’inscrit dans le contexte de l’espoir persistant que l’OSBI sera lui-même réformé.
Bien que l’OSBI soit devenu la principale instance de règlement des plaintes des investisseurs, des critiques de longue date à l’égard de son service n’ont pas encore été prises en compte. L’industrie a signalé que le processus de l’OSBI favorise injustement les investisseurs. En contrepartie, les défenseurs des investisseurs se plaignent depuis longtemps de l’absence d’un pouvoir de contrainte de l’OSBI, une situation susceptible de miner ses décisions et d’inciter les investisseurs à accepter des offres de règlement « au rabais ».
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) promettent depuis longtemps de donner suite aux recommandations issues d’examens indépendants afin d’accorder à l’OSBI le pouvoir de prendre des décisions exécutoires en matière de compensation des investisseurs, ainsi que d’autres réformes potentielles. Quant à l’OSBI, il vient de terminer sa propre consultation publique concernant sur sa structure de gouvernance.
Parallèlement, le budget fédéral de 2023 a réitéré l’intention du gouvernement de réformer le système de règlement des différends pour les plaintes bancaires en désignant un seul fournisseur sans but lucratif pour traiter tous les griefs des clients des banques – une avenue que les défenseurs des consommateurs ont réclamée.