Et les données confirment le nouvel engouement pour ces économies.
Les entrées nettes de capitaux dans les fonds d’actions et d’obligations de ces marchés se sont élevées à 33 G$ US de janvier à juillet 2016, et ce, malgré d’importantes sorties de capitaux en début d’année, selon l’Institute of International Finance (IIF). Les entrées hebdomadaires nettes dans les fonds d’obligations des pays émergents ont d’ailleurs atteint un record durant la semaine du 14 juillet, à 4,9 G$ US, tandis que celles dans les fonds d’actions s’élevaient à 4,7 G$ US, selon Bank of America.
Deux raisons principales
Le regain d’intérêt pour les marchés émergents tient essentiellement à deux facteurs, explique Serge Pépin, spécialiste, Placement, actions mondiales et analyste en recherche chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
Selon lui, les investisseurs sont de plus en plus préoccupés par les débats politiques en Europe, notamment à la suite du vote des Britanniques en juin en faveur du Brexit. Et le contexte économique en Occident et au Japon noircit le tableau.
«Plusieurs pays développés continuent d’afficher une performance économique relativement faible, ce qui contribue à les rendre moins intéressants sur le plan de l’investissement», souligne Serge Pépin.
Les investisseurs sont aussi encouragés par le fait que la Réserve fédérale américaine (Fed) n’augmentera pas son taux directeur de façon sensible au cours de la prochaine année, voire à plus long terme.
Or, la nouvelle attitude de la Fed exerce une pression à la baisse sur le dollar américain depuis le début de l’année. Et l’affaiblissement du billet vert réduit l’endettement des pays émergents, de sorte qu’ils peuvent affecter plus de ressources pour soutenir la consommation et stimuler la croissance économique.
Être sélectif
Bien entendu, les marchés émergents ne forment pas un groupe homogène, rappellent les spécialistes. Si ces économies se portent mieux dans l’ensemble, certains pays sont encore dans une situation difficile en raison de la faiblesse des prix des ressources naturelles, dont le pétrole.
Jean-René Ouellet, spécialiste du Groupe conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins, inclut dans ce groupe la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud.
Or, la bonne santé économique de ces pays est étroitement liée à ce qui se passe en Chine, qui consomme de 35 à 45 % des métaux de base de la planète, mais dont l’économie ralentit – en 2016, son PIB devrait croître de 6,5 %, selon l’Economist Intelligent Unit (EIU).
«On ne pense pas que ces secteurs performeront aussi bien pendant les 12 prochains mois qu’au cours des 6 derniers mois, dit-il. Donc, prudence à l’égard de ces pays.»
Par contre, les pays émergents producteurs de biens manufacturiers ou les importateurs de ressources comme la Chine et l’Inde «devraient bien performer», précise Jean-René Ouellet.
Marc Novakoff, gestionnaire de portefeuille, Actions globales, et associé principal, Recherche, chez Jarislowsky Fraser, juge lui aussi que la Chine et l’Inde sont des marchés intéressants, tout comme le Vietnam, l’Indonésie, les Philippines et le Mexique.
Par exemple, le Mexique s’impose maintenant comme un acteur clé en optimisation des chaînes d’approvisionnement. «Toutes les entreprises mondiales que nous couvrons continuent d’investir au Mexique», dit Marc Novakoff.
Pour leur part, les Philippines sont devenues une plateforme importante pour la sous-traitance des processus d’affaires. «Toutes les grandes banques, les grandes multinationales ont commencé à installer leur centre d’appels et leur back-office dans ce pays», précise-t-il.
Le regain d’intérêt pour les marchés émergents tient aussi au fait qu’on peut y trouver des aubaines dans le marché des actions. Selon BlackRock, les titres des pays émergents s’échangent actuellement avec un rabais de 24 %, par rapport aux titres semblables dans les pays développés.
Quelques FNB
On peut investir dans les marchés émergents par l’intermédiaire notamment de divers fonds négociés en Bourse (FNB).
BMO suggère le FINB BMO MSCI marchés émergents (ZEM), qui cherche à reproduire le rendement de l’indice MSCI Marchés émergents. L’épargnant qui achète ce FNB s’expose à long terme aux actions des pays émergents.
La Chine et Hong Kong représentent 25 % de l’indice, soit la plus forte pondération devant la Corée du Sud (15 %), Taïwan (12 %) et l’Inde (8 %).
Pour sa part, Jean-René Ouellet conseille d’investir dans les pays de l’Asie émergente avec le iShares MSCI Emerging Market Asia (EEMA). Ce FNB négocié au Nasdaq a des parts dans des entreprises comme la sud-coréenne Samsung, la chinoise Bank of China, ainsi que la Taïwan Semiconductor Manufacturing.
Le client peut aussi investir directement dans les actions d’entreprises de ces pays inscrites en Bourse aux États-Unis. C’est notamment le cas du conglomérat chinois Alibaba (New York., BABA) et de la société de télécommunications China Mobile (New York, CHL).
Des pièges à éviter
Chez Jarislowsky Fraser, on fait une analyse fondamentale. On compare les entreprises par secteurs, de même que les multinationales actives dans les pays émergents ou les entreprises locales. La firme propose des fonds d’actions gérés par des professionnels. «Cela permet d’éviter des pièges dans les pays émergents», insiste Marc Novakoff.
D’après lui, selon la façon dont ils sont composés, les FNB et les fonds communs généralistes sous-estiment ou ne tiennent pas compte de ces pièges.
Par exemple, une partie importante des indices est composée de sociétés d’État inscrites en Bourse. Or, ces dernières ne sont pas gérées dans l’intérêt des actionnaires minoritaires, mais plutôt dans celui des gouvernements, affirme Marc Novakoff.
À ses yeux, un autre piège consiste à mal évaluer le «profil de croissance» des pays émergents dans lesquels on veut investir.
D’un côté, il y a les pays qui dépendent des ressources naturelles comme la Russie et l’Afrique du Sud. De l’autre, on trouve des pays tels que le Mexique et les Philippines qui s’appuient sur un modèle de croissance basé sur le rendement des investissements réalisés dans le pays.
Enfin, les spécialistes soulignent que les épargnants doivent analyser les risques politiques. Les gouvernements prennent-ils les bonnes décisions pour développer l’économie ou ont- ils une approche plus populiste qui ne crée pas nécessairement une croissance durable à long terme ?