La première concerne les modifications au Règlement 31-103, qui prévoit que d’ici 2016, les clients détenteurs de fonds communs recevront des relevés leur précisant le coût de leurs placements et le rendement annuel de ceux-ci. C’est le changement le plus immédiat dont la profession doit s’occuper.

La deuxième vague vient des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont fait partie l’AMF, qui ont fait circuler depuis un an les documents de consultation 33-403 et 81-407.

Dans ceux-ci, on trouve nombre de discussions et de propositions qui pourraient, ultimement, mener à «réaligner» la responsabilité fiduciaire des conseillers et, peut-être, entraîner l’abolition pure et simple des commissions de suivi. Le conseiller serait alors forcé d’adopter une rémunération à honoraires.

Règles de «transparence»

Pour l’instant, les seuls changements concrets en cours sont ceux qui concernent le Règlement 31-103.

Depuis juillet 2013, ce règlement est en vigueur et doit entraîner, sur une période de trois ans, plusieurs changements dans l’information que le conseiller doit soumettre à son client.

Par exemple, en juillet 2014, le règlement exige, entre autres, que le client soit précisément informé des frais reliés à toute transaction avant que celle-ci ne soit autorisée.

En juillet 2015, les firmes devront indiquer la valeur comptable et le prix original d’un placement sur les relevés des clients.

Enfin, en juillet 2016, le changement le plus important prendra effet : les relevés devront indiquer en dollars les frais encourus par le client et montrer la performance du fonds sur une période d’un an, de trois ans, de cinq ans et de dix ans.

Relation saine

Un dévoilement aussi transparent de frais et de performance pourrait avoir un impact sur la qualité de la relation entre le conseiller et son client.

Imaginons qu’un investisseur détient un portefeuille de 300 000 $ et découvre que les frais de gestion annuels s’élèvent à 6 000 $.

«Si la relation de ce client avec son conseiller n’est pas très solide, ce dernier risque d’avoir des problèmes, soutient Sylvain De Champlain, président, De Champlain Groupe financier, à Montréal. Les conseillers qui n’ont pas une relation solide avec leurs clients ont deux ans pour mieux se positionner auprès d’eux.»

Sylvain De Champlain soutient que «dans 80 % des cas, les clients qui quittent leur conseiller le font en raison d’un manque de contact avec celui-ci, pas à cause de la mauvaise performance de leur portefeuille».

Luc Doyon, psychologue industriel et coach dans les milieux financiers, à Drummondville, l’exprime de façon plus crue : «Ceux qui ont oeuvré en se foutant du client, en ne considérant que leur poche, et qui n’ont pas positionné le client comme important dans leur business, ces gens-là vont souffrir, c’est clair.»

Luc Doyon entrevoit deux types de réactions de clients mécontents : le client qui s’exprime et qui multiplie les appels rageurs, et le client effacé qui change de conseiller sans tambour ni trompette.

D’autres conséquences : «Cela débouchera sur un marché de négociation des frais, prévoit Larry Bathurst, président de Planex Solutions financières, à Saint-Jérôme. Ça pourrait mener à la mise en place de comptes à honoraires, où les conseillers devront négocier leurs honoraires avec leurs clients.»

Adopter des comptes à honoraires est une option qui pèse sur l’industrie.

«Communément, c’est l’hypothèse que bien des gens émettent et qui est véhiculée à tort ou à raison, soutient Luc Doyon, faisant référence au Royaume-Uni qui a imposé le passage à la rémunération à honoraires. Là-bas, environ 20 % des conseillers, dit-on, ont pris leur retraite, ont démissionné, ou ont vendu leur pratique. Un chiffre ahurissant.»

Nervosité

Ces hypothèses, informations et rumeurs tiennent les acteurs aux aguets, ajoute Luc Doyon.

«Le marché est nerveux face à l’arrivée de la nouvelle règlementation. Personne n’a hâte.»

Pour l’instant, les organismes de réglementation n’entendent pas abolir les commissions de suivi et forcer le passage aux comptes à honoraires. Toutefois, les documents de discussion 33-403 et 81-407 diffusés par les ACVM n’ont rien fait pour calmer les esprits.

Par exemple, le document 33-403, qui porte le sous-titre «Opportunité d’introduire dans l’activité de conseil un devoir légal d’agir au mieux des intérêts du client de détail», avance la notion de «devoir fiduciaire» du conseiller. Celui-ci devrait agir au mieux des intérêts de son client, un principe très différent de celui qui prévaut actuellement d’agir de bonne foi, avec honnêteté et équité.

Cette distinction, d’apparence théorique, peut entraîner une conséquence pratique assez radicale, comme le soumettent les auteurs du document : «Les commissions versées par les émetteurs (ou leurs mandataires) aux conseillers et aux courtiers afin qu’ils recommandent leurs titres peuvent constituer un conflit d’intérêts tellement sérieux que les autorités devraient tenter de trouver la meilleure façon de réduire ce risque (par exemple, en interdisant partiellement ou totalement les commissions ‘intégrées’ et en exigeant une information plus pertinente)».

Bien sûr, nul besoin d’aller aussi loin. Ailleurs, dans le document, on trouve l’idée que le conflit d’intérêts dont il est question pourrait également être résolu s’il est déclaré de façon transparente et claire.

Passage aux honoraires

Bien qu’on soit encore loin de l’abolition des commissions de suivi et du passage aux honoraires, il reste que cette option pèse lourdement sur l’industrie.

Larry Bathurst reconnaît que nous n’en sommes pas encore là, mais le passage, juge-t-il, «est possible dans deux ou trois ans». Et il ne prend pas de chance.

«Comme cabinet, nous devons nous préparer au pire.» C’est pourquoi il entreprend déjà «de rencontrer nos clients et de leur offrir de convertir leurs fonds d’investissement ordinaires en fonds à honoraires avant que ça arrive.»

Larry Bathurst ne sera pas seul à se prêter à cette initiative, s’il faut en croire Martin Dupras, planificateur financier.

Ce dernier reconnaît que les planificateurs comme lui qui ne sont rémunérés que par honoraires constituent encore l’exception au Québec et que «les Québécois sont moins prêts à payer des honoraires que les Canadiens, et préfèrent les frais « intégrés »».

Cependant, Martin Dupras n’en pense pas moins que «beaucoup de conseillers passeront aux comptes à honoraires. À court terme, dit-il, les premiers à faire ce passage seront frappés le plus durement, mais à long terme, ils seront le mieux positionnés.»