Curieusement, Facebook, le réseau social consacré aux amitiés personnelles, serait un bon moyen de créer des liens professionnels. C’est du moins l’opinion de François Pineau, conseiller en sécurité financière chez Services financiers Groupe Investors, et de Michel Marcotte, conseiller en sécurité financière chez DLM Services financiers, affilié à SFL Placements.
Cependant, pour encourager les relations clients sur Facebook, la page personnelle doit être transformée partiellement ou entièrement en page… professionnelle. Donc, pas question d’y poster toutes les photos de vacances. Tout doit y être politiquement correct, afin de renforcer l’image de marque.
Le contenu publié, qui reste la principale façon de se démarquer, doit donc être pesé et soupesé. L’information doit être bien vulgarisée et éclairante.
Les conseillers y partageront par exemple des articles et des vidéos sur la finance, et y publieront des textes d’information produits par leur entreprise ou par eux-mêmes. «Mais ce que nous écrivons doit respecter le code de conduite, insiste François Pineau, c’est-à-dire, ne pas être une opinion.»
Cette page qui permet d’accueillir des amis ou de la fa- mille – très souvent les premiers clients des conseillers – sert aussi à maintenir le contact avec la clientèle et les clients potentiels. «Mais je n’invite un client potentiel à rejoindre mon réseau que si je lui ai déjà parlé au moins une fois», souligne Michel Marcotte.
Grâce à un tel lien, le conseiller peut automatiquement «suivre» la vie privée de ses contacts d’affaires. «Les réseaux sociaux sont ainsi faits qu’en s’y rendant, le client ne se sent pas épié, dit François Pineau. S’il a annoncé qu’il vient de vendre sa maison sur sa page, il trouve normal que je l’appelle pour lui en parler.»
«De plus, il est possible d’utiliser cette information sans être trop direct, note Michel Marcotte. Par exemple, si une cliente annonce qu’elle est enceinte, je peux l’appeler et lui demander s’il y a du nouveau, sachant très bien ce qu’elle va me répondre.»
«Même les photos en disent long, continue-t-il. Je saurai facilement si la personne est propriétaire d’une maison, si elle aime voyager, etc., et de fil en aiguille, je pourrai lui proposer des produits financiers adaptés.»
Un autre avantage de Facebook, c’est que beaucoup d’échanges peuvent se faire dans le réseau. «Mais ces messages contiennent uniquement de l’information générale, dit Michel Marcotte. Dès que le sujet est délicat, je rencontre le client ou je lui parle au téléphone.»
Quant au développement des affaires par l’intermédiaire des amis des amis, les conseillers hésitent à prendre les devants. «Je préfère demander à mes amis Facebook de me recommander sur leur page personnelle, dit François Pineau. Cela a souvent un effet boule de neige.»
Un résultat qui n’est pas étonnant, puisque selon une étude de l’Institut Nielsen réalisée en 2011 dans 56 pays, 92 % des gens font confiance aux recommandations de leurs amis ou de leur famille. En comparaison, seulement 47 % font confiance aux campagnes publicitaires à la télévision ou dans les journaux.
En étant connectés de la sorte, les amis penseront souvent à leur conseiller lorsqu’un proche parle d’un besoin financier. «Par exemple, ils m’écriront pour me dire que leur oncle magasine une hypothèque et pour me donner ses coordonnées», remarque Michel Marcotte.
À l’occasion, cependant, les conseillers solliciteront leurs contacts en publiant une offre sur leur page Facebook. «Je le fais seulement pour des occasions spéciales, dit François Pineau, comme la période des REER, où je leur rappelle qu’il ne leur reste que quelques jours pour contribuer, tout en les invitant à prendre un rendez-vous.»
D’autres conseillers, en revanche, préfèrent employer un réseau social consacré aux relations professionnelles pour développer la relation avec leurs clients. C’est le cas de Guy Côté, premier vice-président, gestionnaire de portefeuille, chez Financière Banque Nationale.
«Contrairement à Facebook, LinkedIn est conçu pour développer des relations d’affaires», explique-t-il.
Ce réseau social est en effet construit de façon à ce que le curriculum vitae, les distinctions, les références et les articles ou les vidéos – surtout les entrevues accordées à des médias -, soient mis en évidence. «La plupart des gens consulteront cette information avant de se rendre à un rendez-vous avec la personne en question, remarque Guy Côté. Ils connaissent ainsi à l’avance son curriculum.»
Les annonces faites sur ce réseau sont tout aussi intéressantes. «J’utilise la date d’anniversaire dans un emploi, une promotion ou un changement d’employeur comme une porte d’entrée, dit-il. J’en profite pour communiquer avec mes clients et clients potentiels afin de les féliciter et pour les inviter à luncher ou à me rencontrer.»
Quant aux relations des relations, Guy Côté ne communique avec elles que s’il a été présenté au préalable par ses contacts. «Je crois que c’est du simple savoir-vivre, de la politesse», dit-il.
Toutefois, François Pineau, qui utilise également le réseau Lin-kedIn dans ses relations clients, a testé avec succès une approche à froid. «J’envoie une lettre type, personnalisée selon le profil de la personne ciblée, explique-t-il. Si le destinataire me répond, je l’invite à luncher ou à prendre un café.»
«Le taux de réponse est inférieur à 10 %, continue-t-il, ce qui est plus élevé que ce qu’on obtient avec le téléphone à froid ou le porte-à-porte.»
Encore de la réticence
Malgré ces expériences con-cluantes sur les réseaux sociaux, au moment de l’enquête, nous avons constaté que bon nombre de conseillers sont encore réticents à les employer de façon proactive. Ils s’en servent plutôt comme d’une vitrine que des clients ou des clients potentiels iront consulter de temps en temps.
Au surplus, certaines entreprises financières encadrent l’utilisation des ces nouveaux médias. Par exemple, la Banque Royale interdit à ses conseillers d’utiliser Facebook, et leur permet de se servir de LinkedIn uniquement pour le maintien des relations professionnelles. La Banque Nationale, pour sa part, invite les conseillers à suivre des séances de formation sur l’utilisation des réseaux sociaux et à faire approuver au préalable le contenu publié sur ces nouveaux médias par le service de la conformité.
Clairement, beaucoup ont peur des dérapages… C’est que la simple publication d’une photo de mauvais goût ou d’un score de jeux vidéo peut ternir l’image du professionnel. Le contenu de sa page peut soulever la colère et l’indignation, l’exposer à des critiques et susciter l’incompréhension…
À moins d’avoir un guide anti-bévue sous la main, beaucoup préfèrent ne pas s’aventurer. «Comme les écrits restent, il faut savoir utiliser ces nouveaux médias et être capable de maîtriser leur contenu…», convient Guy Côté.