Trois économistes québécois présentaient alors leurs prévisions pour 2016 : François Dupuis, vice-président et économiste en chef au Mouvement Desjardins ; Vincent Delisle, directeur principal, stratégie de portefeuille, à la Banque Scotia ; et Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale.

«Les portefeuilles sont largement surpondérés en actions américaines depuis quelques années. Pour 2016, nous recommandons d’accroître la part de titres canadiens dans le portefeuille», a dit Vincent Delisle.

Clément Gignac, qui est aussi gestionnaire principal de fonds IA Clarington, a d’ailleurs mentionné que pour la première fois en trois ans, son portefeuille était surpondéré en actions canadiennes depuis le début de l’année.

Aubaines à l’horizon

Selon Vincent Delisle, la sous-performance de l’indice S&P/TSX n’est pas terminée, mais des aubaines se profilent à l’horizon.

«On devrait avoir plus de bêta et de titres cycliques dans le portefeuille, car avec la volatilité, des occasions semblent apparaître. Et si la Réserve fédérale américaine change de ton, vous voudrez un peu plus de titres canadiens dans vos portefeuilles», a-t-il expliqué aux analystes présents dans la salle.

Le stratège de la Banque Scotia constate aussi que l’indice américain S&P 500 s’est bien maintenu malgré la dégringolade du S&P/TSX qui, depuis l’automne 2014, «mange sa pire volée depuis cinq ans». «Depuis septembre 2014, soit le début du marché baissier au Canada, l’indice équipondéré TSX a chuté de 36 %, tandis que celui du S&P 500 a baissé de 12 à 13 %», a précisé Vincent Delisle.

Il croit que si le S&P 500 continue à résister ainsi, il y aura des gains potentiels à réaliser.

Selon lui, même l’or mériterait d’être considéré. «Il faut reconnaître que le prix de l’or a bien résisté à la première hausse de taux. Si la Réserve fédérale adopte un ton un peu plus accommodant, la tendance pourrait se poursuivre de ce côté», ajoute Vincent Delisle.

Contamination inévitable

Pour sa part, François Dupuis croit que le pire est à venir au Canada, car la baisse du prix du pétrole aura inévitablement un effet de contamination sur les autres industries.

«Les secteurs du pétrole et du gaz naturel produisent à perte depuis plusieurs trimestres. Si les prix continuent de baisser, la production diminuera et des entreprises devront fermer. Cela aura un impact sur les investissements et l’emploi», dit-il.

Les investissements dans le secteur du pétrole et du gaz naturel ont baissé de 38 % en 2015, passant à 45 G$ par rapport à 73 G$ en 2014, selon l’Association des producteurs de pétrole du Canada, qui prévoit une autre baisse de la production en 2016.

L’ajustement de l’économie canadienne sera long, selon François Dupuis. «Terre-Neuve, la Saskatchewan et l’Alberta sont en récession et il pourrait s’écouler de deux à cinq ans avant que les autres provinces canadiennes prennent le relais. Ce n’est pas évident de passer à une économie basée sur un seul secteur à une économie plus diversifiée.»

L’effet de contagion a même commencé dans d’autres secteurs de l’économie, selon l’économiste en chef de Desjardins : «On voit un recul de l’investissement dans plusieurs régions en raison de la faible demande intérieure et extérieure».

Il croit cependant qu’il y a de l’espoir du côté des exportations autres que l’énergie et les ressources, grâce à la demande étrangère. «Les deux tiers de nos exportations qui ne sont pas liées aux produits de base sont sur un élan positif. Ce sera peut-être la variable qui nous aidera à maintenir l’économie à flots.»

Interrogé par Finance et Investissement, Frédérick Castonguay, vice-président et chef des investissements de Blue Bridge, juge que les nouvelles à propos de l’économie canadienne ne sont pas encore assez bonnes pour conclure à un retour sur le marché du S&P/TSX.

«Il n’y a pas seulement le secteur du pétrole ; les autres secteurs seront aussi touchés par le choc. On peut penser aux banques qui ont fait des prêts importants dans l’Ouest canadien et qui pourraient avoir de mauvaises nouvelles, remarque-t-il. Nous avons commencé à reprendre des positions, mais nous sommes encore sous-pondérés en actions canadiennes.»

Pétrole : bientôt un correctif

Enfin, ce n’est pas tant le ralentissement de la demande en Chine qu’un problème général de surcapacité de production qui plombe le secteur pétrolier depuis quelques années, a souligné Stéfane Marion, de la Banque Nationale.

«C’est le même type de choc que ce que nous avons vécu en 1986. C’est plus un choc d’offre que de demande ; ça arrive une fois par génération», a-t-il dit.

Les baisses de production prévues au Canada et aux États-Unis en 2016 prépareront une remontée du prix du pétrole, croit Stéfane Marion.