De 2007 à 2009, la valeur des fonds communs spécialisés en actions américaines a presque fondu de moitié, passant de 23 G$ en janvier 2007 à 12,9 G$ en février 2009. De ce creux, elle est remontée à 25,8 G$ à la fin de février 2013, un bond de 100 %.
Toutefois, ce n’est qu’en 2011 que les investisseurs ont recommencé à acheter des parts de fonds communs d’actions américaines.
En 2011, ils en ont acheté à hauteur de 865 M$, et en 2012, à hauteur de 1,23 G$.
Depuis le début de 2013, le total de janvier et de février équivaut presque à celui de 2012, soit 1,16 G$.
Il peut être pertinent de noter, comme le fait ressortir Alykhan Surani, responsable de la recherche et de la statistique à l’IFIC, que nous nous acheminons assez rapidement vers le sommet historique de 30,8 G$ atteint en août 2000, au moment de la frénésie technologique.
Un même déplacement de la part des investisseurs individuels se vérifie-t-il dans le secteur des fonds obligataires américains ? Impossible de le savoir.
L’IFIC ne collige aucune donnée sur la destination des investissements en obligations, l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (qui se réfère aux chiffres de l’IFIC) non plus.
Investor Économics, la seule firme privée qui collige des statistiques de ce genre, n’enregistre pas la destination des fonds qu’elle suit.
Quant aux données de Statistique Canada, elles englobent les investissements de toutes provenances : individus, institutions et entreprises.
Afflux mondial
Évidemment, les investisseurs canadiens ne sont pas les seuls à reluquer la Bourse américaine.
Les données américaines montrent que «les flux d’argent viennent de partout dans le monde», note Martin Lefebvre, vice-président, stratégie de placement et de répartition de l’actif à la Banque Nationale.
«On ne peut pas dire si les Canadiens y investissent encore plus que les autres», ajoute-t-il.
Les raisons de privilégier le marché américain sont multiples.
En tout premier lieu, il y a la performance de la Bourse elle-même, qui jette de l’ombre sur la place canadienne.
En 2012, «l’indice Standard & Poor’s enregistrait une hausse de 13,4 %, et le TSX, de 4 %, rappelle Jack Rando, directeur, marché des capitaux de l’ACCVM. Seulement au cours du premier trimestre de 2013, tandis que le TSX est monté de 2,5 %, le S&P a bondi de 10 %.»
Selon lui, après plusieurs années de léthargie, d’immobilité et d’hésitations, les investisseurs sont affamés de rendement, et la flambée américaine exerce un attrait puissant.
Ensuite, comme on le sait, les signes de reprise se multiplient aux États-Unis, notamment du côté de l’immobilier.
«Les prix des maisons recommencent à monter et on va pouvoir refinancer les hypothèques, dit Martin Lefebvre. C’est une composante qui a manqué à l’économie depuis trois ans. Ce développement sera peut-être en mesure de contrebalancer le « séquestre budgétaire », des compressions annuelles d’environ 100 G$ US jusqu’en 2022, qui a pris effet à partir de mars dernier. On commencera à voir les effets de ces réductions, mais on pense que les consommateurs et les entreprises sont en assez bonne position pour les contrer.»
La réalité n’est pas tant que les États-Unis vont si bien, mais que les autres acteurs de la planète, eux, ne vont pas si bien.
«La croissance semble se rétablir aux États-Unis, mais seulement de façon relative», indique Martin Lefebvre. Tout d’abord, la tenue de l’économie canadienne fléchit : incertitude dans l’immobilier, ralentissement de la consommation et contraintes dans le marché du pétrole.
Évidemment, les instabilités européennes n’ont rien pour séduire les investisseurs, tandis que même les marchés émergents montrent beaucoup de fragilité.
«Auparavant on misait sur les marchés émergents de façon globale, mais il semble y avoir une décorrélation croissante entre les pays, dit Martin Lefebvre. Quand ce n’est pas le Brésil qui flanche, c’est la Corée qui souffre de la dévaluation du yen, tandis que la Chine vise à neutraliser sa flambée immobilière.»
En comparaison, la Bourse américaine présente l’image simple et rassurante d’une montée irrépressible et d’un optimisme typiquement yankee.
Enfin, deux autres facteurs renforcent cet attrait des contrées yankee, fait ressortir Jack Rando.
«Les investisseurs canadiens sont devenus plus sophistiqués et voient bien combien la profondeur du marché américain est plus grande que celle du marché canadien, tributaire surtout des ressources et des financières», dit-il.
Quant à l’autre facteur, ce n’est pas tant qu’il n’exerce pas un attrait positif, il enlève plutôt un frein majeur : c’est la quasi-parité des deux monnaies, leur relative stabilité l’une par rapport à l’autre et, plus encore, la lente remontée du dollar américain. L’achat d’actifs américains se fait presque au pair, tandis que l’échange, au moment de vendre ces actifs, pourra contribuer à en accroître le profit.