Ces mesures représentent un coût supplémentaire aux contribuables que le gouvernement évalue à 2,33 G$ pour les cinq prochaines années. Les voici.
Limiter l’accès à la DPE
La première mesure vise à limiter la capacité des entreprises ayant d’importantes épargnes passives de profiter du taux d’imposition préférentiel des petites entreprises. En clair, Ottawa propose de réduire progressivement le plafond des affaires pour les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC), et leurs sociétés associées, qui ont un revenu tiré de placements passifs élevés.
Le plafond actuel de la déduction accordée aux petites entreprises (DPE) permet qu’un montant pouvant atteindre 500 000 $ de revenus tirés d’une entreprise exploitée activement soit assujetti au taux d’imposition plus bas des petites entreprises.
L’accès à la DPE est éliminé progressivement selon la méthode linéaire pour les SPCC en fonction du revenu de placement passif gagné dans la société. Tel qu’annoncé en octobre 2018, une première tranche de 50 000 $ de revenu passif sera protégée.
Selon la proposition, si une société gagne plus de 50 000 $ en revenu de placement passif au cours d’une année, le montant de revenu admissible au taux d’imposition des petites entreprises serait graduellement réduit. Passé le seuil de revenu de placement passif de 150 000 $, le revenu tiré d’une entreprise exploitée activement pourrait être assujetti au taux général d’imposition du revenu des sociétés, c’est-à-dire, le taux d’imposition sans DPE.
Plus précisément, le plafond d’affaire de la DPE de 500 000 $ serait réduit de 5 $ par 1 $ de revenu de placement supérieur au seuil de 50 000 $. Par exemple, une SPCC qui détient 100 000 $ en revenu de placement verra son plafond des affaires réduit à 250 000 $. Ainsi, le plafond des affaires serait réduit à zéro à 150 000 $ de revenu de placement passif. Ce dernier niveau de revenu de placement passif est atteint par exemple lorsqu’un actif de 3 M$ obtient un taux de rendement de 5 %, d’après le plan budgétaire.
Par ailleurs, tant que le plafond des affaires réduit demeure au-dessus du revenu actif provenant d’une entreprise exploitée activement de la SPCC, tout ce revenu continuera d’être assujetti au taux d’imposition des petites entreprises. Par exemple, une SPCC ayant un revenu d’entreprise de 75 000 $ devra gagner plus de 135 000 $ en revenu passif avant que son plafond des affaires soit réduit à un montant inférieur à son revenu d’entreprise, lit-on dans le plan budgétaire.
Les gains en capital réalisés sur la vente de placements actifs ou sur le revenu de placement accessoire aux activités de l’entreprise (par exemple, l’intérêt sur les dépôts à court terme détenus à des fins opérationnelles) ne seront pas pris en compte dans le calcul du revenu de placement passif aux fins de cette mesure.
Le gouvernement s’attend à ce que la mesure touche environ 3 % des SPCC qui demandent la déduction pour les petites entreprises. Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition qui commencent après 2018.
« Heureusement le budget propose des mesures beaucoup plus simples et plus réalistes devant entrer en vigueur pour les années après 2018, sans les mesures transitoires attendues lesquelles devaient protéger le passé », explique Hélène Marquis, planificatrice financière, directrice régionale, planification fiscale et successorale chez Gestion privée de patrimoine CIBC.
Limiter l’accès à l’IMRTD
La deuxième mesure viendra limiter les avantages que les SPCC peuvent obtenir en se prévalant d’impôts remboursables au moment de distribuer certains dividendes.
Ainsi, le régime fiscal est conçu pour imposer à un taux plus élevé le revenu de placement que gagnent les sociétés privées, correspondant à peu près au taux d’imposition du revenu des particuliers le plus élevé, et pour rembourser une partie de ces impôts lorsque le revenu de placement est payé aux actionnaires, lit-on dans le plan budgétaire.
En pratique, toutefois, tout dividende imposable payé par une société privée peut entraîner le remboursement des impôts payés sur le revenu de placement, quelle que soit la source du dividende. C’est-à-dire, que celui-ci provienne d’un revenu de placement ou d’un revenu tiré d’une entreprise exploitée activement, lequel est assujetti à un plus faible taux.
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Ainsi, les SPCC peuvent payer des dividendes plus faiblement imposés à même leurs revenus communs peu importe la source de revenus et obtenir malgré tout un remboursement des impôts qui ne fait pas de distinction entre le taux d’imposition des diverses sources.
« Cela peut procurer un avantage fiscal significatif. Le gouvernement propose que les SPCC ne soient plus en mesure d’obtenir de remboursement d’impôts payés sur le revenu de placement alors qu’elles distribuent des dividendes tirés de revenus imposés au taux général d’imposition des entreprises. Les remboursements continueront d’être offerts lorsque le revenu de placement est payé », lit-on dans le plan budgétaire.
Analysons plus précisément la mécanique.
Le régime actuel de l’imposition des dividendes comprend trois comptes, soit le compte de dividendes non déterminés, le compte de dividendes déterminés provenant du compte de revenu à taux général (CRTG) et le compte d’impôt en mains remboursable au titre de dividendes (IMRTD).
Les dividendes non déterminés sont versés à même les revenus provenant d’une entreprise exploitée activement assujettis à la DPE ainsi que certains placements passifs excluant la partie non imposable des gains en capital et les dividendes provenant de portefeuille de placement. Le particulier qui reçoit un dividende non déterminé a droit à un crédit d’impôt de 10 % en 2018 et 9 % par la suite.
Les dividendes déterminés quant à eux proviennent du revenu imposé au taux général des sociétés et des dividendes déterminés payés par des sociétés admissibles au CRTG. Ces dividendes donnent droit à un crédit d’impôt de 15% au fédéral. Le compte d’IMRTD actuel ne fait pas distinction entre un dividende déterminé et un dividende non déterminé.
Les nouvelles mesures prévoient la création d’un compte d’IMRTD non déterminé et un compte d’IMRTD déterminé. Le versement d’un dividende imposable qu’il soit déterminé ou non déterminé donnera droit à un remboursement provenant du compte d’IMRTD déterminé. Toutefois, le remboursement de l’IMRTD devra se faire à partir du compte d’IMRTD non déterminé avant celui tiré du compte d’IMRTD déterminé.
« Cet ordre d’application de l’utilisation du compte d’IMRTD fait en sorte que l’avantage fiscal de différer l’impôt dans la société devient moins important qu’il ne l’est actuellement », dit Hélène Marquis.
Attention les comptables en placement astucieux, une règle anti-évitement sera adoptée pour empêcher les planifications visant le report de la mesure entre autres, en modifiant l’année d’imposition de la société, précise Hélène Marquis.
Ces mesures entreront en vigueur au cours de l’année d’imposition qui commence après 2018.