Le gouvernement fédéral a choisi de cibler les personnes ayant les plus hauts revenus afin qu’ils paient leur juste part d’impôt. Le budget de 2023 propose des modifications législatives visant à porter le taux de l’impôt minimum de remplacement (IMR) de 15 % à 20,5 % et à limiter ce qu’il qualifie d’utilisation « excessive des avantages fiscaux ».
L’IMR actuel applique un taux d’imposition de 15 % avec un montant d’exemption de 40 000 $ plutôt que d’utiliser la structure progressive de taux d’imposition habituelle. Le contribuable paie soit l’impôt régulier, soit l’IMR, selon le montant le plus élevé.
Cependant, l’IMR n’a pas fait l’objet de réforme significative depuis sa mise en œuvre en 1986, indique le budget, et « certains parmi les Canadiennes et les Canadiens les plus riches parviennent à ne payer qu’un impôt minime, voire aucun impôt sur le revenu des particuliers au cours d’une année donnée ».
Pour combler l’écart, le budget déposé mardi par la ministre des Finances propose de porter le taux de l’IMR de 15 % à 20,5 %. Il propose également d’augmenter l’exonération de base de l’IMR en le multipliant par plus de quatre, le faisant passer de 40 000 $ à 173 000 dollars pour le porter au début de la quatrième tranche d’imposition fédérale à compter de l’année d’imposition 2024. Le but avoué étant de protéger les Canadiens à revenu faible et moyen contre le paiement de l’IMR. Le montant serait indexé à l’inflation.
« Il s’agit d’essayer de promouvoir un sentiment d’équité et peut-être de surmonter un peu de planification fiscale agressive pour imposer des taux plus élevés [et] faire en sorte que le groupe à revenu élevé paie au moins un montant minimum d’impôt », a déclaré Brian Ernewein, conseiller principal chez KPMG.
Les représentants du gouvernement ont déclaré que l’IMR s’applique actuellement à environ 70 000 Canadiens chaque année et rapporte environ 200 millions de dollars annuellement. Avec le changement proposé, il s’appliquera à environ 32 000 Canadiens, mais générera près de 3 milliards de dollars de revenus sur cinq ans à compter de l’année d’imposition 2024, selon les estimations.
L’augmentation du niveau de revenu requis pour payer l’IMR « se traduirait par une réduction d’impôt pour des dizaines de milliers de contribuables de la classe moyenne, tandis que l’IMR ciblerait plus précisément les personnes très riches », indique le budget.
Cette révision fera en sorte que plus de 99 % de l’IMR sera payé par les particuliers canadiens qui gagnent plus de 300 000 $ par an. On estime qu’environ 80 % de l’IMR serait payé par ceux qui gagnent plus de 1 million de dollars par année.
Les modifications proposées visent les déductions, les crédits et d’autres stratégies fiscales.
Le budget propose de faire passer le taux d’inclusion des gains en capital de l’IMR de 80 % à 100 %. Combiné avec le taux de 20,5 %, Brian Ernewein considère la proposition significative.
« Considérant que le taux d’imposition fédéral régulier maximal applicable aux gains en capital est de 16,5 %, un taux d’IMR de 20,5 % se traduit, à la marge, par un taux d’inclusion de 62 % pour les gains en capital », a-t-il déclaré.
Le budget propose également d’inclure 100 % de l’avantage des options d’achat d’actions des employés dans la base de l’IMR.
Les reports prospectifs de pertes en capital et les pertes déductibles au titre des investissements d’entreprise s’appliqueraient à un taux de 50 %, et la même limite s’appliquerait aux pertes d’entreprise.
Ainsi, dans le cas où un propriétaire d’entreprise aurait réalisé un revenu d’entreprise de 1 million de dollars au cours de l’année et a perdu 1 million de dollars l’année précédente, aux fins normales de l’impôt, il pourrait reporter la perte et n’avoir aucun revenu.
« Aux fins de l’IMR, vous n’êtes autorisé à utiliser que la moitié du report de perte, de sorte que vous auriez 500 000 $ de revenu aux fins de l’IMR, même si sur deux ans, vous en avez zéro, et si tout s’était produit en un an, vous auriez zéro aux fins de l’IMR », a déclaré Brian Ernewein.
C’est « un peu difficile à justifier en termes politiques », a-t-il déclaré.
La proposition maintiendrait les 30 % des gains en capital admissibles à l’exonération cumulative des gains en capital dans l’assiette de l’IMR et inclurait 30 % des gains en capital provenant de dons de titres cotés en bourse.
Toutefois, il exclurait 50 % d’un certain nombre de déductions, par exemple le RPC/RRQ, les frais de garde d’enfants, les frais de déménagement et les dépenses d’emploi (autres que celles visant à gagner un revenu de commission).
En ce qui concerne les crédits d’impôt, le budget propose que seulement 50 % des crédits d’impôt non remboursables puissent être utilisés pour réduire l’IMR, à quelques exceptions près. À l’heure actuelle, la plupart des crédits d’impôt non remboursables peuvent être appliqués au minimum.
Les fiducies actuellement exemptées de l’IMR le resteront, bien que le budget indique que le gouvernement « continuera d’examiner si d’autres types de fiducies devraient être exemptés de l’IMR ».
La période de report prospectif demeurerait la même, soit sept ans.
Les modifications proposées devraient entrer en vigueur pour l’année d’imposition 2024.
Jamie Golombek, directeur général, Planification fiscale et successorale, Gestion privée CIBC, a déclaré que les conseillers devront examiner comment les clients fortunés sont touchés par l’IMR.
Certains clients pourraient envisager d’incorporer un portefeuille de placements et de faire en sorte que « ces rendements de placement soient gagnés au sein d’une société à travers laquelle vous pouvez contrôler le type de distributions – en termes de revenu de dividendes – que vous recevez sur une base annuelle, limitant peut-être ainsi l’effet de certains des éléments de l’IMR », a-t-il déclaré.
Le budget de 2022 indiquait que 28 % des déclarants dont le revenu était supérieur à 400 000 $ – le 0,5 % le plus riche – payaient un taux d’imposition fédéral moyen de 15 % ou moins en 2019. Plus d’un sur 10 de ces hauts revenus a payé moins de 5 %, selon les déclarations de revenus de 2019.