avantage aux fonds distincts et aux CPG
Dans le premier cas, un conseiller qui a la possibilité de distribuer différents produits financiers pourrait vendre à ses clients un fonds distinct ou un certificat de placement garanti (CPG) plutôt qu’un fonds commun, sans que cela ne convienne parfaitement à leurs besoins.
Le conseiller éviterait ainsi les exigences de divulgation de frais et de rémunération qui entreront en vigueur en juillet 2016 par l’intermédiaire du MRCC 2. Comme les fonds distincts et les produits bancaires ne sont pas des valeurs mobilières, ceux-ci sont exclus d’une partie de ces exigences d’information au client (lire l’encadré).
Ce conseiller pourrait dans certains cas empocher une commission plus forte que s’il avait offert un fonds commun.
L’autre pratique est plus répréhensible, juge Dan Hallett. Elle consiste à vendre aux clients des fonds communs à frais d’acquisition reportés qui immobilisent l’argent des clients dans cet outil de placement pour une période pouvant aller jusqu’à sept ans, en général. Si le client décide de retirer ses avoirs du fonds, il devra payer des frais d’acquisition reportés au gestionnaire de portefeuille, afin de lui rembourser en partie la commission de souscription versée au représentant.
L’objectif du conseiller serait d’agir de la sorte avant que l’obligation de divulgation de frais des fonds n’entre en vigueur, en juillet 2016. Résultat, le représentant empocherait dès maintenant une commission à la souscription, qui représente souvent de 4 à 5 % du montant investi par le client, mais une commission de suivi amoindrie, soit de 0,25 à 0,50 %.
Quand son courtier enverrait un relevé indiquant les frais au client, le conseiller aura l’air vertueux aux yeux de son client, puisqu’il ne touche qu’une faible commission de suivi par rapport à ses concurrents.
Par comparaison, la rémunération d’un conseiller ayant vendu à son client un fonds à frais d’acquisition réduits oscille entre 0,25 et 1,00 % de la valeur du fonds, et celle d’un conseiller rémunéré à honoraires, entre 0,50 à 1,50 %.
Comparé au conseiller qui privilégie les frais d’acquisition reportés, «celui qui a un comportement éthique aura l’air plus coûteux, alors qu’en fait, il ne l’est pas», souligne Dan Hallett. Il dit avoir entendu plusieurs témoignages de sources dans l’industrie qui constatent ce genre de pratiques.
Chefs de conformité aux aguets
Au Québec, ces pratiques contestées n’ont pas beaucoup cours, si on se fie aux témoignages de trois chefs de la conformité de courtiers avec lesquels Finance et Investissement a communiqué. Personne n’a entendu parler de conseillers qui recourraient de façon massive aux fonds à frais d’acquisition reportés.
Toutefois, l’arbitrage règlementaire en faveur des produits d’assurance est pratiqué par certains, soupçonne Maxime Gauthier, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici services financiers, à Sherbrooke : «Jusqu’ici, c’était seulement une menace dont on entendait parler, mais on la voit maintenant se concrétiser chez certains collègues».
Dans un même mois, un conseiller aurait effectué des sorties de fonds pour dix clients différents, selon ce que rapporte Maxime Gauthier. «Je peux très bien comprendre qu’un conseiller le fasse pour deux ou trois clients dans un même mois, mais pour dix ?» lance-t-il.
Le conseiller aurait justifié son geste en expliquant que ses clients avaient besoin de la protection du capital au décès qu’offrent les fonds distincts. Maxime Gauthier reste aux aguets, car c’est ce même conseiller qui, environ un an plus tôt, aurait confié que vu les exigences du MRCC 2, il déplacerait l’actif de ses clients vers les fonds distincts.
Pas de vague
«Ça demeure un cas isolé», reconnaît Maxime Gauthier. Et c’est ce que confirment les chiffres que collige Investor Economics (IE), de Toronto, qui ne remarque aucune croissance inusitée dans les ventes de fonds distincts, ni dans les fonds à frais d’acquisition reportés.
Certes, il y a eu une recrudescence dans les ventes de fonds distincts au cours de la dernière année, reconnaît Guy Armstrong, conseiller senior et directeur exécutif chez IE.
Les ventes nettes de fonds distincts au cours des six premiers mois de 2014 ont été négatives de 217 M$, tandis que celles de la période correspondante de 2015 ont été positives de 48 M$.
Faut-il interpréter cette variation comme le signe d’un déplacement significatif de l’actif des conseillers vers les fonds distincts ? Guy Armstrong ne le croit pas.
D’abord, explique-t-il, les actifs sous gestion dans les fonds distincts ne font que retrouver leur rythme de croissance annuelle historique d’environ 12 G$, après une chute autour de 10 G$ au cours des dernières années.
Ensuite, les ventes nettes (ventes brutes moins rachats) pour l’année 2014 étaient presque nulles, de telle sorte que les ventes du premier semestre de 2015 peuvent donner l’impression d’une vigueur inhabituelle, alors qu’elles ne font que rejoindre la normale. «Même les fonds communs ont montré une vigueur inattendue pour ce trimestre-là», dit-il.
Par ailleurs, du côté des fonds à frais d’acquisition reportés, «les ventes sont en déclin depuis cinq ans sans aucun sursaut saisonnier», note Guy Armstrong. N’oublions pas, ajoute-t-il, «que lorsque les exigences de divulgation de frais entreront en vigueur et que le conseiller vendra un fonds à frais d’acquisition reportés, la commission d’acquisition de 5 % apparaîtra sur le relevé». Le conseiller aura alors des explications à fournir.