La réponse à cette question n’est pas aussi simple que certains le prétendent. Je vois passer à l’occasion des analyses qui mettent l’accent sur un paramètre en particulier et qui passent sous silence – ou les abordent de façon très grossière – des éléments qui peuvent avoir une incidence importante sur la planification financière des personnes visées.

Sans faire une étude exhaustive de la situation, revoyons ensemble quelques-uns des principaux éléments dont il faut tenir compte dans ce type de dossier ainsi que des impacts possibles qui en découlent.

Attention, futurs parents

Premièrement, si l’actionnaire-dirigeant désire avoir des enfants dans un proche avenir, il n’y a aucune hésitation : il devrait se verser un revenu d’emploi minimal dans la mesure où il en a les moyens.

Le montant magique à retenir est de 34 500 $ – soit la moitié du revenu maximum assurable du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) – versé sur la période de 26 semaines précédant la naissance d’un enfant.

Ainsi, les prestations du RQAP sont basées sur le revenu d’emploi moyen de ces 26 semaines avec un maximum assurable de 69 000 $ par année en 2014. Même si le revenu est nul pendant certaines semaines, le nombre de semaines minimal considéré est de 16.

Théoriquement, un revenu d’emploi de 21 231 $ versé dans les 16 semaines précédant la naissance pourrait ainsi générer une prestation maximale du RQAP si aucun autre revenu d’emploi n’a été versé pendant les dix autres semaines.

Cependant, il faut avouer qu’il est un peu risqué de procéder ainsi, car une naissance prématurée pourrait ainsi faire perdre des milliers de dollars en prestations.

Si la rémunération de l’actionnaire-dirigeant avait été un revenu d’entreprise, les choses auraient pu être différentes. Cependant, ce n’est généralement pas le cas pour un actionnaire-dirigeant, à moins qu’il ne facture des honoraires à sa société, ce qui entraîne d’autres considérations, notamment sur le plan des taxes.

Un actionnaire d’une société opérante ne reçoit généralement donc qu’un revenu sous forme de dividende ou de revenu d’emploi. Comme les dividendes ne sont pas admissibles au revenu assurable du RQAP, le revenu d’emploi doit être privilégié, du moins jusqu’au maximum assurable.

Planification de la retraite

Deuxièmement, le revenu sous forme de dividende ne génère aucune cotisation au Régime des rentes du Québec (RRQ). Voilà un bon montant de moins à payer. Mais on renonce également aux prestations de ce régime en ne cotisant pas.

Pour les actionnaires qui ont atteint l’âge où les cotisations deviennent inutiles (à compter de quelques années avant 65 ans possiblement), il est évident que cette perte sèche nuit au scénario du revenu d’emploi. L’actionnaire devrait alors se rémunérer sous la forme de dividendes seulement.

Pour les autres, il s’agit souvent du coeur du problème. Devrait-il renoncer aux prestations du RRQ pour investir l’équivalent de la cotisation ? La réponse varie d’un individu à l’autre, et certains aspects psychologiques doivent être considérés.

Renoncer à une rente de retraite à prestations déterminées peut être difficile pour certains. Ne pas oublier que le RRQ comprend également des prestations aux survivants et des prestations en cas d’invalidité.

Quels que soient les aspects analysés, il n’y a aucune raison de ne pas se verser un revenu d’emploi d’au moins 3 600 $, même pour les personnes qui ne désirent que des dividendes.

En effet, la formule de calcul du RRQ fait en sorte qu’un revenu d’emploi de 3 600 $, sur une période de 40 ans de cotisation, génère une rente de 900 $ par an. Et combien coûte cette rente annuelle ?… 10 $ par an !

Cela s’explique par le fait que les premiers 3 500 $ de revenu d’emploi sont exemptés de la cotisation au RRQ, et que seuls les 100 $ restants sont soumis à la cotisation. Toutefois, la rente est calculée sur l’ensemble des 3 600 $ de revenu.

Autrement dit, une rente de 900 $ par an ne coûte que 400 $ de capital (en dollars actuels).

À part dans le cas de taux d’imposition implicites extrêmes qui impliquent les fonds de travailleurs, où les cotisations nettes ont un coût négatif, je ne connais pas d’investissement plus rentable… même risqué !

Pour les autres situations, il faut faire des simulations (calculs de rente RRQ par rapport au revenu généré par l’investissement des liquidités supplémentaires provenant de la rémunération sous forme de dividende). On remarquera alors que plus un actionnaire est jeune, plus le rendement intrinsèque de la rente du RRQ est faible.

Parlant de différences de liquidités disponibles entre les deux situations, il ne faut pas oublier que les cotisations sociales varient selon le mode de rémunération.

Par exemple, la cotisation au Fonds des services de santé (FSS) est payable par l’employeur lors du versement d’un revenu d’emploi. Si l’actionnaire se verse plutôt un dividende, la société n’aura pas une telle cotisation à payer. C’est l’actionnaire qui devra le faire – avec des paramètres différents.

Gare aux frais de garde

Troisièmement, il faut tenir compte de la déduction pour frais de garde au fédéral. Cette déduction est souvent mal comprise par les conseillers.

Dans un couple, c’est le conjoint ayant le revenu net (revenu fiscal total moins déductions) le plus faible qui doit appliquer la déduction. Cette dernière est toutefois limitée aux 2/3 des revenus de travail (emploi et entreprise). Le versement d’un dividende n’est donc pas admissible à ce titre.

Par conséquent, si, comme seule source de revenu, l’actionnaire se verse un dividende imposable inférieur au revenu net de son conjoint, la déduction est complètement perdue. Pour les garderies subventionnées, cette erreur peut ne coûter que quelques centaines de dollars, mais pour les garderies non subventionnées, elle peut être très coûteuse !

Dans une prochaine chronique, j’analyserai d’autres aspects devant être envisagés avant de prendre une décision quant au dilemme salaire-dividende.