Toutefois, pour le moment, il est impossible de prédire quelles sanctions peuvent être imposées aux courtiers et aux conseillers pour un manquement à la deuxième phase du Modèle (MRCC 2), selon Carmen Crépin, vice-présidente Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Elle s’attend cependant à recevoir des plaintes de clients dès cet automne.

Même si la première étape de la deuxième phase du MRCC 2 est entrée en vigueur en juillet dernier, l’industrie bénéficie en quelque sorte d’un sursis en ce qui a trait à son application. «Il s’agit d’un changement important qui implique beaucoup de nouveaux documents. Il faut se donner le temps de mesurer l’impact de la nouvelle règle et de voir comment les cabinets et les conseillers s’y adaptent», explique Carmen Crépin.

Guider plutôt que sévir

Jusqu’à maintenant, l’OCRCVM a plutôt agi seulement à titre de guide pour les cabinets et leurs conseillers dans la mise en place de la nouvelle réglementation.

«Durant les inspections, nous validons ce qui a déjà été fait, précise Carmen Crépin. Nous mentionnons aux firmes si elles doivent avoir des politiques et des procédures plus précises, et si certains éléments doivent être mieux détaillés.»

Carmen Crépin indique toutefois que l’interprétation de l’OCRCVM n’est pas définitive et qu’elle pourrait être contestable. «Ce n’est pas parce que nous avons une attente spécifique concernant les façons de faire les choses qu’une autre façon de les faire ne respecterait pas la règle.»

Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault, s’attend d’ailleurs à ce que l’organisme fasse preuve de souplesse. «Il est encore trop tôt pour se prononcer sur la mise en application du règlement. Je pense que l’OCRCVM fera preuve de souplesse, car ce sont quand même de gros changements à intégrer. Depuis l’annonce de la première phase MRCC, le processus s’est fait dans la consultation. L’OCRCVM a invité les gens à faire leurs commentaires. Je crois aussi que les employés devront encore être formés pour mieux répondre aux attentes de l’OCRCVM», dit-elle.

long processus

Le MRCC 2 vise la divulgation complète de tous les frais, charges, et rémunérations payés au conseiller ainsi que celle du rendement des portefeuilles. La première étape est entrée en vigueur le 15 juillet dernier, et les deux autres le seront les 15 juillet 2015 et 15 juillet 2016 respectivement. (Voir l’encadré «Coup d’oeil» en page 5)

De son côté, la première phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 1) est terminée depuis mars 2014.

Ainsi, les clients des membres de l’OCRCVM et de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) devraient avoir reçu le document sur «l’information sur la relation avec les clients». Leurs conseillers devraient aussi leur communiquer tout conflit d’intérêts qui les concerne.

Sur le terrain, les régulateurs semblent bien veiller à l’application de ces règles, comme le mentionne Jean Carrier, vice-président, conformité, du Groupe financier Peak. Il précise que depuis deux ans, le MRCC fait l’objet de discussions lors des visites des inspecteurs des différents régulateurs.

«Ils nous en ont tous parlé, l’OCRCVM, l’ACCFM, l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ils voulaient s’assurer que nos documents légaux soient conformes et que nous fonctionnions de façon règlementaire», rapporte-t-il.

Pour plusieurs équipes de conformité – celle de Peak rassemble une dizaine de personnes -, l’ampleur de la tâche exigée par l’adaptation à MRCC 1 et 2 est colossale. Plusieurs d’entre elles ont entrepris de satisfaire à toutes les exigences, mais n’ont pas achevé le processus.

«Dans notre cas, nous sommes assez conformes à ce qui est obligatoire en date du 15 juillet 2014 et nous nous préparons pour 2015-2016», précise Jean Carrier.

Bonne volonté et gravité des faits

«Je ne peux pas dire à l’avance quelles sanctions pourraient être appliquées. C’est une question de faits mis ensemble», souligne Carmen Crépin.

«Il y a plusieurs questions à poser, poursuit-elle. Est-ce qu’il y a eu manquement à la règle ? Est-ce que c’est grave ou moins grave ? Y a-t-il eu de mauvaises intentions ? Y a-t-il des circonstances atténuantes qui peuvent expliquer certaines choses ?»

Selon les circonstances, comme c’est le cas pour les règles existantes, l’OCRCVM décidera ou non d’engager des procédures disciplinaires.

«Pour le moment, nous avons eu des discussions avec nos membres et nous leur avons fait part de nos attentes, souligne Carmen Crépin. Si nous nous rendions compte qu’une firme n’avait fait aucun effort pour se préparer, alors peut-être que nous appliquerions les sanctions prévues. Si un cabinet a beaucoup travaillé, mais qu’il a oublié un point, est-ce que nous allons appliquer les procédures tout de suite, ou est-ce que nous allons plutôt prendre une mesure administrative, telle qu’une lettre d’avertissement ? Je ne sais pas.»

Carmen Crépin précise néanmoins qu’un manquement au MRCC pourrait mener un courtier à se voir imposer des mesures disciplinaires, comme pour n’importe quelle autre bévue. «La divulgation des frais et des honoraires est au coeur de la règle. S’ils [les courtiers] ne sont pas structurés pour la mettre en place, c’est clair que des clients se plaindront. Ensuite, les mesures disciplinaires dépendront notamment de la gravité des faits.

«Si, par exemple, je reçois 50 plaintes de clients qui sont tous dans la même succursale et qu’aucun d’entre eux n’a reçu d’état de compte correct, je ne me poserai peut-être même pas la question. On va en discipline, et pas seulement contre les conseillers, mais contre la firme», explique Carmen Crépin.

Qui sanctionne ?

Les amendements aux Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites qui ont trait au MRCC ont tout d’abord été proposés par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, donc l’AMF au Québec. Ils touchent également les membres de l’OCRCVM et de l’ACCFM.

C’est pourquoi, selon Carmen Crépin, l’AMF devrait transmettre à l’OCRCVM la plupart des plaintes concernant le MRCC qui passeront sous ses yeux.

Le MRCC pourrait aussi être pris en considération par la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF) lorsque des membres font l’objet d’une enquête.

«Si un de nos membres ne respecte pas une règle imposée dans l’industrie, il s’expose à ce que sa faute fasse l’objet d’une plainte ou d’une enquête», explique le président et chef de la direction de la CSF, Luc Labelle.

Il mentionne que des manques de conformité à MRCC pourraient, par exemple, venir aggraver le dossier d’un conseiller sous enquête. D’ailleurs, les exigences du MRCC 1 ont probablement déjà été citées dans un jugement du comité de discipline de la CSF, depuis son entrée en vigueur, selon Luc Labelle. «Des chefs d’accusation peuvent aussi être liés à MRCC, sans être mentionnés directement. Il pourrait être écrit par exemple «manquement au fait de bien informer son client». Les exigences peuvent déjà faire partie de son code déontologique. Les fautes concernent parfois de multiples réglementations convergentes», précise-t-il.

Mis à part le flou qui persiste quant à la nature des conséquences juridiques auxquelles pourraient faire face les conseillers et les courtiers, l’avocate Julie-Martine Loranger soulève le manque de clarté concernant la façon dont certaines divulgations devraient être effectuées.

«Le règlement ne précise pas si certains renseignements exigés doivent être notés par écrit. Est-ce qu’une communication verbale pourrait suffire dans ce cas ?

«Si j’étais conseiller, je produirais une note chaque fois qu’un client a été informé des honoraires et des frais associés», suggère-t-elle.