«Le jeu de réduction d’impôt lors de la cotisation et du paiement de l’impôt lors du retrait a pour effet net de rendre les rendements non imposables», écrit-il dans sa chronique (http://goo.gl/IsL2Ir).

Il cite l’exemple d’un client qui investit 1 000 $ dans un placement dont le taux de rendement anticipé est de 8 %. Son taux marginal d’imposition réel s’établit à 40 %.

Dans un premier scénario, le client investit 1 000 $ dans un REER au début de l’année. Le coût de l’investissement initial s’élève à 600 $ (1 000 $ moins la réduction d’impôt de 400 $).

Douze mois plus tard, en raison du rendement de 8 %, il y aura donc 1 080 $ dans le REER. Si le client retire alors cette somme, il obtiendra 648 $ (1 080 $ moins 40 % d’impôt), pour un rendement net de 8 % (48 $/600 $).

Par conséquent, le rendement après impôt de 8 % est égal au rendement avant impôt dans le REER (8 %), et c’est pourquoi le REER est un abri fiscal, affirme Éric Brassard.

«Il permet d’obtenir un rendement après impôt égal au rendement avant impôt. Le jeu de flux monétaire au début (réduction d’impôt) et à la fin (paiement de l’impôt) a simplement pour effet de rendre le rendement net d’impôt. Il n’y a pas d’économie d’impôt sur la cotisation en soi, ni d’impôt différé.»

Dans un second scénario sans cotisation au REER, le client aura en fait investi 600 $ (1 000 $ moins l’impôt de 400 $ qui est payé immédiatement). Un an plus tard, le placement vaudra 648 $. Mais comme le client doit payer l’impôt sur ce revenu de placement, partant de l’hypothèse qu’il s’agit de gain en capital, il lui restera 648 $ moins 10 $, soit 638 $.

La cotisation au REER lui a donc permis d’économiser 10 $ d’impôt et non de différer l’impôt, souligne Éric Brassard.

«Le résultat est le même que celui que procure le CELI, sauf que le mécanisme est plus complexe.»

Gare au taux marginal

Invité à commenter la position d’Éric Brassard, le professeur agrégé au Département de finance, assurance et immobilier de l’Université Laval, Philippe Grégoire, soutient que le REER a pour effet de différer l’impôt.

«Si le taux d’imposition est le même au moment du retrait qu’au moment de la cotisation, comme dans l’exemple de l’article [d’Éric Brassard], il est vrai que le REER fait oeuvre d’abri fiscal. Si, par contre, le taux d’imposition est plus élevé au retrait qu’au moment de la cotisation, alors c’est l’inverse.»

Supposons que le taux marginal d’imposition soit de 40 % au moment de la cotisation et de 45 % au moment du retrait, explique-t-il. Dans ce scénario, 600 $ d’argent «après-impôt» deviennent 1 000 $ dans un REER (remboursement de 400 $, qui sont eux aussi déposés dans le REER), rapportant 1 080 $ après un an (si le taux de rendement est de 8 %).

Si l’argent est retiré alors que le taux d’imposition de l’individu est de 45 %, le montant retiré sera de 1 080 – 45 % x 1 080 = 594 $, ce qui donnera un rendement de – 10 % sur les 600 $ préalablement investis. Selon Philippe Grégoire, si les 600 $ avaient été investis dans un CELI à 8 %, ce sont 648 $ qui auraient été récupérés après un an.

«Les rendements réalisés dans un CELI sont invariablement exonérés de l’impôt, alors que les rendements réalisés dans un REER sont assujettis à l’impôt», fait-il remarquer.

De plus, si le taux d’imposition est plus faible au retrait qu’au moment de la cotisation, le bénéfice du REER est amplifié, ajoute l’universitaire. «Comme le revenu d’un individu est moins élevé à la retraite qu’au moment des cotisations, le REER devrait être privilégié.»

Cependant, précise Philippe Grégoire, si des dépenses imprévues (par exemple, pour des soins de santé) obligent un individu à retirer des fonds de son REER avant la retraite, quand ses revenus sont à leur plus haut, alors un CELI aurait été préférable.

Pour sa part, Daniel Fortin, associé responsable des services fiscaux des sociétés privées chez PricewaterhouseCoopers, critique l’hypothèse d’Éric Brassard, qui s’appuie sur un taux marginal d’imposition égal dans le temps.

«J’arrive à un résultat totalement différent à cause du taux marginal», dit-il.

Quand les jeunes commencent leur carrière, ils ont des revenus plus faibles. Ils sont donc assujettis à des paliers d’imposition plus faibles, souligne-t-il. Cependant, plus ils vieillissent, plus le taux d’imposition marginal augmente en raison de la hausse de leurs revenus. Toutefois, à la retraite, les revenus d’un individu vont souvent baisser.

Prenons l’exemple d’un jeune professionnel de 40 ans, qui a réussi à accumuler du capital et qui a un taux d’imposition de 49,97 %. Il a un fonds de pension et il contribue à un REER. Eh bien, ce REER sera probablement imposé à environ 30 % lorsque l’individu en aura besoin, au lieu de 50 %.

«Je déduis à 50 % et je taxe à 30 %, le différentiel est énorme, insiste Daniel Fortin. M. Brassard présume ou fait l’hypothèse d’un taux marginal égal tout au long de la vie. Je suis totalement en désaccord avec cette hypothèse, car ce n’est pas la réalité pour une très grande majorité d’individus qui gagnent des revenus de plus de 130 000 $ au cours de leur carrière.»

Dans son texte, Éric Brassard convient qu’il serait désastreux de déduire un montant au taux de 28,53 % une année et d’effectuer un retrait l’année suivante au taux de 49,97 %.

Cependant, le conseiller soutient que s’il s’écoule plusieurs années entre la cotisation et le retrait, l’effet du taux marginal est moindre. En reprenant l’exemple mentionné plus haut, mais avec un taux d’imposition au retrait de 45 %, c’est-à-dire 5 % de plus que le taux applicable au moment de la cotisation, au lieu de 8 %, les taux de rendement après impôt se chiffreraient à 7,50 % si le retrait a lieu 20 ans plus tard, et à 7,75 % s’il a lieu 40 ans plus tard.