Aux États-Unis, la très médiatisée faillite de Détroit a secoué l’univers municipal l’été dernier. L’épée de Damoclès qui pend au-dessus des régimes de retraite d’employés dans plusieurs villes assombrit les perspectives des futurs retraités.

Les études et analyses sur le sujet se multiplient. L’une d’elles, réalisée par l’institut d’enquête Pew Research Center de Washington, sonne l’alarme.

L’institut constate que 61 des plus importantes villes américaines affichent un fossé de plus de 217 G$ US entre leur capacité financière actuelle et celle dont elles auront besoin pour respecter les engagements prévus aux régimes de retraite de leurs employés. Atlanta, Chicago, Los Angeles et New York figurent parmi ces villes.

Dans une autre étude, la State Budget Solutions constate que cette situation prévaut dans plusieurs États américains. En effet, les États ressortent de la crise économique avec un manque totalisant 4 000 G$ US en matière de financement de régimes de retraite.

Dans l’ensemble, les régimes de pension publics des États ne disposent que de 39 % des fonds nécessaires pour respecter leurs engagements, précise l’étude. La situation est particulièrement critique dans neuf États : l’Illinois, l’Ohio, le New Jersey, l’Oregon, le Connecticut, le Nevada, le Nouveau-Mexique, Hawaii et l’Alaska.

Les explications diffèrent. Bien que la crise économique ait accéléré l’endettement des villes, elle n’en est pas la principale cause, selon le Pew Research Center. L’incertitude financière des villes dépend plutôt de leur «comportement en matière de discipline fiscale pour assurer les paiements annuels, de l’exactitude dans leur planification des régimes de retraite, et des décisions et des engagements à l’égard des employés.»

La précarité des villes américaines pourrait bien n’être que la pointe de l’iceberg de ce qui est un phénomène occidental. Quoique moins alarmante, la situation de l’Europe n’en reste pas moins inquiétante.

C’est le cas de la France, où la dette des villes atteignait 60,7 milliards d’euros en 2012, selon le Journal du Net, qui publie un classement annuel des villes et des communes françaises les plus endettées.

Le Journal du Net constate que depuis le début du siècle, l’endettement global des villes a bondi de 19,7 %.

L’augmentation de 2,3 % de 2011 à 2012 représente «la quatrième augmentation la plus forte depuis 2000», précise Jean-Étienne Juthier, responsable adjoint du Journal du Net. «Depuis 2003, il n’y a pas eu une seule année de baisse», ajoute-t-il.

Paris, la Ville lumière, trône au premier rang du palmarès des villes françaises les plus endettées. Sa dette atteignait 3,2 milliards d’euros en 2012, une hausse de 9,7 % sur un an.

En France, s’il est impossible pour une ville de déclarer faillite les mises en tutelle ont légèrement augmenté depuis la crise économique.

Malgré tout, dans l’ensemble, la situation financière des localités françaises serait saine, affirme Thomas Rougier, directeur des études à la Banque Postale. «En 2012, leurs recettes de fonctionnement ont excédé leurs dépenses de 39 milliards d’euros. Grâce à cette épargne brute, elles ont pu payer sans difficulté 14 milliards en remboursement de dette», a-t-il expliqué au quotidien Le Figaro.

Coup de barre

Il n’en reste pas moins que plusieurs pays européens prennent les moyens nécessaires pour prévenir les coups.

Le 7 février, le Parlement portugais a adopté un budget pour 2014 qui prévoit des compressions dans les retraites à partir de 1 000 euros par mois, ainsi qu’une hausse des cotisations d’assurance maladie des fonctionnaires.

En Allemagne, le débat a refait surface l’année dernière pour reporter l’âge de la retraite à 69 ans, avec la publication d’une étude de la Fondation Bertelsmann.

Cette étude indique que la contribution pour la retraite des Allemands s’élève à 19,3 % du salaire brut, et leur permet de disposer en moyenne de 52,9 % de leur salaire de référence sous forme de pension.

Cela est nettement insuffisant, selon la Fondation Bertelsmann. Pour équilibrer les comptes d’ici 2060, il faudra augmenter les cotisations à 27,2 % du salaire brut afin d’espérer obtenir 41,2 % du salaire de référence pendant la retraite.

De nombreux politiciens pourraient forcer des négociations avec les syndicats afin d’abaisser les conditions des régimes de retraite des salariés des villes.

C’est ce que croit Richard Ravitch, ancien lieutenant-gouverneur de New York et ancien président de la Bowery Savings Bank, selon ce que rapporte The Fiscal Times. «Les politiciens ne veulent pas débourser l’argent des contribuables sur des coûts hérités. Ils préfèrent l’investir dans ce qui peut rapporter», explique-t-il.

«Vous ne vous faites pas élire pour contribuer financièrement à des régimes de retraite», ajoute Richard Ravitch.

Pour sa part, la Ville de Chicago devra augmenter sa contribution annuelle au régime de retraite de 590 M$ US d’ici 2015, pour la porter à 1,4 G$ US, lit-on dans le New York Times. Le maire Rahm Emanuel n’écarte aucune avenue : hausse des taxes, compressions des dépenses.